31 décembre 2011

Fiche artiste de Mindscape


Mindscape

Mindscape est un groupe suédois, originaire de Svenk et formé de la chanteuse Sofia Berg-Böhm, les guitaristes Johan Hübner et Marc Folkesson, le bassiste Jonas Edblom et le batteur et claviériste Ville Gustafsson.
Même s'il n'aura existé que de 1991 à 1993, Mindscape aura fortement contribué à la scène indépendante suédoise. Connu pour ses prestations live en compagnie de Popsicle ou This Perfect Day, autres groupes des labels cultes Snap et West Side Records, avec qui ils lanceront la vague indie pop en Suède, Mindscape aura réussi à signer un deal avec la structure EMI. De ce contrat, il sortira un EP, intitulé "Bring you down", dont le single aura le droit à un clip diffusé sur MTV.
Mais plus tard, le groupe se sépare, avant que Sofia Berg-Böhm ne se lance de son côté dans une carrière musicale reconnue.

Mindscape : Bring you down EP


Bring you down EP de Mindscape

Sortie : 1992
Produit par Carl-Michael Herlöfsson
Label : Psycho Pop Song / EMI Svenka

A ceux qui trouvent que le shoegaze a un côté pédant et ennuyeux, que ce mur du son rend les choses illisibles et qu’il est difficile de distinguer un semblant de voix ou de volonté, on ne saurait trop leur conseiller d’écouter un jour « Bring you down ».
Ce groupe suédois, qui n’aura existé que le temps de ce petit EP de quatre titres seulement, permet de constater, preuves à l’appui, que triturer les guitares, manier les rythmiques industrielles, rendre un son strident, peut aussi rendre service à de superbes mélodies. Mindscape a le sens du refrain, c’est indéniable.
Ses beats hérités des boites de nuit, de l’univers artificiels des pistes de danse, confèrent une grande force aux chansons. Cette dynamique, soutenue par des guitares tranchantes et une surcharge dans les instruments (tambourins, basse, batterie, clavier, guitares, distorsions, samples psychédéliques, voix trafiquée), ne s’arrête jamais, il n’y a aucun temps morts. On dirait un magma sonore difforme d’où émerge une voix incroyablement avenante et chaude, celle de Sofia Berg-Böhm, sexy en diable.
La musique de Mindscape reste pêchue, vive et chaleureuse, de quoi s’en mettre pleins les oreilles. Tout parait d’une éclatante limpidité, les claviers cultes, le chant punchy, les mélodies fédératrices, les passages noisy/psyché, ça rentre dans la tête pour ne plus en sortir. On danse, on remue, on chante par-dessus. Le plaisir est simple. Et c’est largement suffisant.


23 décembre 2011

Fiche artiste de Some Other Eden

Some Other Eden

Assurément une merveille. Merveille qui est passé totalement inaperçue, une pépite shoegaze tombée dans l’oubli, comme la majorité des groupes shoegaze de cette époque.
On ne sait pratiquement rien sur ce groupe, hormis qu'il a signé sur le label indépendant limogeais L'Homme de Saturne. L’atout principal demeure tout de même leur chanteuse, d'origine anglaise, à la voix sirupeuse et matinée, qui permet de s’offrir le luxe de tenter, de jouer avec la pop et de signer des chansons sans prétention aucune, si ce n’est celle d’être juste agréable et vivifiante.
A part un EP en 1996, accompagné de quelques concerts en France, Some Other Eden n'a presque rien laissé. S'il ne restait pas une poignée de chansons, c'est comme si le groupe n'avait jamais existé. Cela laisse songeur. Lorsqu'on pense à tous ces groupes de shoegazing dont les traces ont été effacées, il y a comme un vertige...

22 décembre 2011

Some Other Eden : Weatherman EP


Weatherman EP de Some Other Eden

Sortie : 1996
Produit par Some Other Eden
Label : L'Homme de Saturne

C’est un EP tout mignon tout plein. Avec des chansons douces, entrainantes, aussi légères qu’une plume et aussi sucrées qu’un bonbon, acidulées juste ce qu’il faut.
Difficile d’y trouver le moindre défaut, tant le sens de la mélodie est ici inouï : il y a une telle facilité à allier guitares et vocalises qu’on a l’impression que tout tombe sous le sens, que c’est l’évidence même et que les choses sont si faciles ! C’est la preuve que l’enchantement ça existe encore. C’est la preuve qu’on peut être enthousiasmé par trois fois rien. Et c’est surtout la preuve que la pop est un territoire de jeu infini.
Les entrelacs des guitares, la cohérence des instruments, dont aucun de dépasse l’autre, les harmonies vocales, les ambiances suffisamment ambivalentes, permettent de charmer tout en proposant aussi une vision unique et décalée de la pop. L’intérêt de ce shoegaze tempéré et modéré est avant tout de plaire mais aussi de voyager. Ainsi l’esprit de l’auditeur s’évade, apaisé, mélancolique, contenté et séduit. C’est ce qui rend le shoegaze si fascinant. Et avec une telle voix pour Some Other Eden, il y a de quoi être séduit.
Voici ce qu’on trouve dans ce petit EP, en vrac : des guitares vives, empressées et saccadées (« Firework desire ») ou bien une basse sourde, un rythme plus lent, une ambiance entre rock lounge et poésie torturée, avant de s’accélérer (« Weatherman »). L’amusement est le crédo de ce jeune groupe anglais.
On retiendra aussi l’excellent titre « Slow ». Une intro magique qui annonce une envolée de guitares, sèches mais aussi cristallines, pour une couleur étonnante, entre country et jangle pop, sublimée par des vocalises sublimes et dédoublées. A écouter pour le plaisir et sans modération.

Fiche artiste de La Nueva Flor

La Nueva Flor


Avant de devenir le groupe Victoria Abril (plus tard Victoria Mil pour des raisons qu'on comprendra), très réputé dans le milieu indépendant argentin, les quatre jeunes musiciens de Buenos Aires avait monté La Nueva Flor pour y pratiquer un rock psychédélique très fumeux et éthéré.

La Nueva Flor c'est donc de 1991 à 1995 : Miguel Castro au chant (et leader du groupe), Julian Della Paolera à la guitare, Fernando Isely à la basse et Leonardo Santos à la batterie. Il n'y eu qu'un seul album de sorti, un éponyme en 1994, quasiment auto-produit, avant que le nom change et que l'aventure se poursuive dans des contrées encore plus expérimentales.

20 décembre 2011

La Nueva Flor : S/t


La Nueva FlorSortie : 1994
Produit par Miguel Castro
Label : FAN

Il y a une tendance chez ces jeunes garçons à chanter légèrement faux mais avec suavité. On sent, derrière la douceur d’angelots, des tremblements, un manque d’assurance et une fâcheuse habitude de toujours être décalé sur la note. La nonchalance et la maladresse toute estudiantines deviennent alors un régal. Car l’envie est de se faire le plus romantique possible (« Agua »), sans plus de préparation ou de machination que ça. L’essence du shoegaze transparait dans ces asthénies, ces échappées psychédéliques, ces vocalises de jeunes encore naïfs et pris d’une envie compulsive de bien faire. 
A ce titre, « Charly Garcia » est assez significatif : recouvert de guitares branchées en continu sur mode saturation lourde, le titre demeure un essai naïf et mignon. Mais ne n’y trompons pas, malgré l’extrême douceur, les drogues sont là. Le but premier de ces jeunes gamins est de s’offrir par eux-mêmes le trip sonore que personne autour d’eux n’est capable d’apporter. Qu’on les suive ou non sur la mode de l’ecstasy, il n’en demeure pas moins le rêve de se déporter ailleurs, rêve qu’on partage avec eux, en tant qu’auditeur (superbe « Aldea de niños felices »). Certaines plages instrumentales ne sont qu’à base de clavier cheap et d’orgues. Le voyage est dépaysant. « Realidad no ordinaria » ressemble à une très lente litanie, étalée sur plusieurs minutes, où Miguel Castro s’évapore et souffle un chant de freluquet chevrotant, injecté jusqu’aux yeux. « Esperar » en devient presque touchant, à force d’exagérer les tremolos, sous les saturations. D’autant plus que les conditions d’enregistrements sont loin d’être idéales.
Dès lors, les guitares spatiales, le rythme parfois très lent, la magnificence, la basse géniale, les langueurs, collent parfaitement aux aspirations poétiques et fumeuses de ce jeune groupe. Tout en étant suffisamment hésitants et timides pour avoir énormément de charmes. Ainsi « El Paladin » est une ballade superbe, cajolée par une batterie lente, une voix alanguie et des saturations mirifiques qui prennent leur temps.

Mention spéciale également pour « Belgica », beauté innocente de psychédélisme, avec un chant fragile, une ambiance de rêve et un nuage de saturations qui résonnent encore dans la stratosphère.

15 décembre 2011

Les débuts des Jesus and Mary Chain (deuxième partie)

Le bruit et la fureur

Fort du succès de « Upside Down », Alan McGee décide d’en profiter pour négocier un contrat avec une plus grande maison de disque. Bien que les ventes apportèrent pas mal d’argent dans les caisses de Creation, Alan McGee préférait récupérer 20% sur toute vente future d’album en tant que manager, afin d’aider au développement de son label. Le groupe avait ainsi l’occasion de sortir du ghetto underground, d’autant qu’il sentait que l’enregistrement du premier album aurait besoin d’un budget plus conséquent. C’est ainsi que Jesus and Mary Chain signe un contrat avec Blanco y Negro, une filiale de WEA. Jim se justifie : « nous aurions tellement voulu sortir notre album sur Creation et on l’aurait fait si Creation avait eu plus d’argent. La structure n’avait rien à voir avec ce que c’est devenu par la suite. C’était une opération à toute petite échelle à l’époque. Mais on voulait vraiment être sur Top of the Pops et on pensait avoir besoin d’un fort soutien derrière nous, c’est-à-dire une major. Le comble, c’est que l’enregistrement de Psychocandy n’aura couté que 17000 £, ce qui n’était rien. Avec le recul, si je pouvais revenir en arrière pour s’adresser aux jeunes que nous étions, j’aurai dit qu’on n’avait pas besoin d’autant d’argents, qu’on n’avait pas besoin de signer sur une major, qu’on n’en aurait aucun bénéfice. Warner Brothers ne s’est pas vraiment démené pour nous promouvoir. Ils n’avaient pas la moindre idée de qui on était. Nous ne pouvions pas communiquer avec qui que ce soit de là-bas, de sorte que ce n’est pas vraiment le meilleur coup que nous ayons fait. »
Arrivés dans le monde médiatique, ils s’aperçoivent alors que leur réputation de mauvais coucheurs les précède. Peu s’accordent à les juger comme de vrais musiciens, tout juste une attraction. A titre d’exemple, les sessions en février 1985 chez John Peel, animateur chez BBC, illustrent bien la condescendance avec laquelle ils furent traités. Les sessions se sont vite révélées pénibles. Jim explique : « Les ingénieurs ont été assez arrogants avec nous, comme si nous n’étions que des gamins qui n’y connaissaient pas grand-chose, si bien que nous n’avons pas pu enregistrer comme nous l’avons voulu. On voulait enregistrer du verre brisé. " Mais on fera ça dans un sceau, aucun morceau ne partira" mais on nous a juste répondu "ça ne se fera pas, fiston" ». Bien que les sessions ne rendent pas hommage au son des Jesus and Mary Chain, elles l’ont fait lorsqu’il s’agit de souligner l’incroyable sens mélodique des frères Reid.
L’accord avec WEA une fois en place, ils se donnent rendez-vous au studio Island avec Stephen Street pour enregistrer « Never Understand ». Cela s’est révélé un désastre. Stephen Street, connu pour son travail avec The Smiths, était désappointé devant les exigences du groupe. Si bien qu’ils sont retournés dans le studio où ils avaient enregistrés Upside Down pour terminer le travail eux-mêmes.
Noyé sous des distorsions insupportables, des scies sauteuses ou un bruit de crissement métallique qui ne s’arrête jamais, le tout soutenu par une basse répétitive, un rythme primitivement jubilatoire (deux caisses et c’est tout) et un chant aussi dégouté et blasé que celui du dernier des punks, ce morceau stupéfait pourtant par son minimalisme et son sens de l’attachement mélodique. Les dirigeants du label vont d’ailleurs vite se heurter à cette envie de briser les codes de la bienséance. Pour accompagner le single, les frères Reid propose la chanson « Jesus Fuck » en face-b ! Ce qui ne sera bien-sûr pas du gout des patrons. Le label les menace de ne pas sortir le single s’ils ne changent pas immédiatement leur chanson. Ils troquent alors pour une autre, sobrement intitulé « Suck ».
Alan McGee se dépêche alors de rééditer « Upside Down » pour y inclure ce brulot censuré, mais le groupe lui garantit que cela sera chose faite avec le nouveau single qu’ils enregistrent. Seulement au moment de presser le single, le staff technique, scandalisé, arrête la machinerie, refusant de participer à la diffuser d’une chanson blasphématoire, même si le titre a été modifié en « Jesus Suck ». Il faudra attendre juin 1985 pour que le troisième single du groupe, « You trip me up » puisse enfin paraître, accompagné de « Just of a reach ». Cette série de morceaux se classe relativement bien dans les charts indépendants. Et impose dès lors un tout nouveau style. Une sorte de crasse électrique dont les musiciens ne souhaiteraient même pas s’extraire, préférant de loin patauger dans leur laconisme et leur économie. Mick Sinclair, journaliste au Guardian, décrira leur musique comme une combinaison « de jeunesse et d’émotion plutôt que de compétences techniques manifestes. Il se développe une atmosphère volatile sous-jacente à la violence inhérente à leur musique. Toutes les chansons sont enveloppées dans un crépitement vertigineux de feedback de guitare. Sur les chansons les plus accessibles, cela est soudé à un fil de mélodies grêles souvent très simples et influencées par la musique surf. Sur leur deuxième single, "Never Understand", ils sonnent comme les Beach Boys avec des coups de poing américains. »
Les articles de presse permettent alors une plus grande audience à chaque concert. Le groupe voit sa notoriété augmenter et en profite pour sortir des déclarations choc en interview ou venir camés dans des émissions de télé, comme au cours de The Old Grey Wisthle Test sur la BBC ou au cours de The Tube sur Channel 4. On passe alors d’une vingtaine de personnes aux concerts (comme aux Bains Douches en France) à plusieurs centaines, ce que le groupe aura du mal à gérer. The Jesus and Mary Chain sera vite débordé. En effet, frustré de voir la musique stopper au bout d’un quart d’heures seulement, le public rentrait souvent dans une colère noire. On se souvient du concert affreux au North London Pyrotechnic le 15 mars 1985 qui tourna à la bagarre générale. « Je ne suis pas sûr de combien de gens ont participé cette émeute, mais la salle ne pouvait accueillir que deux cents personnes et 1500 sont venus. Alors je vous laisse imaginer pourquoi ça a mal tourné. » raconte le journaliste Neil Taylor.
Cet épisode est considéré un des plus violents qu’ait connu The Jesus and Mary Chain. Le lendemain les journaux déclarent des blessés et plusieurs milliers de livres de matériel saccagé. Sans manquer bien-sûr d’accuser le groupe d’avoir tout déclenché. Rentré dans la légende, l’événement aura contribué à leur réputation. Ce sera le tristement célèbre « The Jesus and Mary Chain Riot ». Après ça, les autorités décident d’annuler certains concerts de la tournée dans la crainte d’une répétition des événements. Car les frères Reid se plaisent à la provocation, encouragés par leur entourage : Alan McGee, leur manager, entretient savamment les rumeurs ; il laisse filtrer une histoire selon qu’au moment du départ vers Blanco y Negro, ils auraient dilapidé le bureau de Rob Dickens. En Belgique, c’est le producteur d’une émission de télé qui leur demande de détruire leurs instruments à la fin de leur prestation télévisée. Progressivement le ton s’emballe et les blagues dérapent vite. William concède volontiers : « quelques fois les choses devenaient ingérables et certaines personnes étaient blessées ». En février 1985, à Brighton, c’est la petite amie de Bobbie Gillepsie, venue sur scène chanter, qui se prend une bouteille dans la tête. « C’est là qu’on a réalisé que ça n’amusait plus personne. ». Si on imagine bien le public devenir furieux en apprenant que les concerts n’excédaient jamais un quart d’heures alors qu’ils avaient déboursé pour leurs tickets,  la groupe possède aussi sa part de responsabilité. « Il y avait un groupe écossais qui s’appelait Fire Engines, qui ne jouait que vingt minutes par concert et qu’on avait l’habitude d’apprécier. Je ne me souviens pas que les gens aient réclamé de se faire rembourser ou déclenché une émeute. »
Le 9 septembre, c’est un concert à l’Electric Ballroom dans le quartier Camden. En arrivant avec une heure de retard, les membres de Jesus and Mary Chain apparaissent sur scène bourrés. Ils pratiquent durant quinze minutes qui semblent interminables un cortège de bruits blancs. Il ne fallut pas longtemps pour que les cannettes et bouteilles volent au travers la salle. A un moment donné, la plate-forme d’éclairage a fini par se détacher de ses amarres pour tomber sur une partie du public avant. La scène fut alors envahie de gens mécontents qui s’empressèrent de détruire le matériel du groupe. Mick Sinclair, un journaliste présent, racontera plus tard : « leur refus de venir faire un rappel aura été le signal pour la foule pour jeter leurs verres de bière sur les projecteurs et de renverser l’échafaudage qui abritait la table de mixage. Ils ont ensuite filé vers la sortie lorsque la police est arrivée pour ramener l’ordre qui avait momentanément disparu. »
En effet, les concerts indé en Angleterre étaient souvent l’occasion pour des squatteurs venus des milieux populaires de déclencher des rixes, comme lors des matchs de football. On se souvient du drame du Hayssel qui eut lieu quelques mois auparavant seulement. « Il y avait pas mal de gens qui savaient que cela allait dégénérer, raconte Jelbert, je les avais vus auparavant à l’ICA (agence pour l’emploi) et ils étaient pas mal désemparés. L’atmosphère était très bizarre. S’il y avait eu des tartes à la crème, elles auraient été jetées sur scène. Les gens attendaient le coup d’envoi sans connaître une seule note de la musique des Jesus and Mary Chain. Le groupe avait une heure de retard et déjà ronflait une rumeur selon laquelle leur concert ressemblait plus à un racket qu’à un vrai show. »
Les membres de la police ont du intervenir. Ce n’était plus le genre d’accident sensé aboutir à une colonne dans le NME et contribuer à la légende du groupe, mais une vraie descente dans le chaos. « Ce fut la fin d’une période et cela n’avait plus rien de marrant » déclara plus tard Douglas Hart, le bassiste.
D’un autre côté, la presse est impatiente et fait de Jesus and Mary Chain un groupe à surveiller de près. Neil Taylor raconte : « je me souviens d’une réelle anticipation de la part du NME. On se demandait si leur premier album allait être composé de douze variations de « Upside Down » ou si ça allait sonner différemment. »
En octobre, le groupe s’enferme en studio pour leur premier album. Ils squattent alors Southern Studios dans le Wood Green, le studio de CRASS, groupe anarchiste de punk : « nous n’avons pas pris ce studio parce que nous étions fan de CRASS mais parce que c’était le moins cher en location. John Loder, l’ingénieur du son, pouvait comprendre d’où nous venions. Il nous laissait faire ce qu’on voulait. Il se contentait de s’installer à son bureau. Il y avait un interphone avec lequel il nous disait : "vous n’avez qu’à le faire bourdonner et je descend vous voir". On avait un son dans nos têtes et il s’est débrouillé pour l’obtenir sur bande. ». Douglas Hart raconte à quel point le groupe a pris les choses avec sérieux : « A l’époque nous avons fait cet album totalement sobres. Nous avons cherché à restituer cette folle énergie qu’on avait lors de nos concerts. Alors on était très consciencieux. Même Jim et William ne se battaient pas ! ». Le résultat s’appelle Psychocandy. Une claque.
Il existe sur cet album, un sentiment persistant que tout est incontrôlable. Faussement désabusé et cynique par rapport à leur propre son, les écossais laissent tout couler, laissant leurs guitares déraper en des feedbacks insupportables. Le moindre effort, la moindre tentative, le moindre trémolo seront noyés aussitôt sous un mur du son époustouflant d’amateurisme. Sauvage et crue, leur musique en devient presque suggestive. L’urgence est de mise : les chansons sont courtes, concises mais précises et représentent des merveilles d’inventions mélodiques.  Le tout emporté par un vacarme de guitares noisy comme jamais on n’en entendra ailleurs. Avec un roboratif « Inside me », le rythme s’accorde tout à fait avec le broyage en règle exercé par une machine infernale en un bruit horrible et presque industriel. Le détachement du chant de William Reid, fatigué et nonchalamment naïf, fait presque froid dans le dos : incapable de prendre la mesure de la bouillie autour de lui, il concourt à rendre les choses grossières. En deux-trois minutes par chanson, minimum syndical, c'est le monde entier qui en prit pour son grade. Largement plus qu'il n'en faut pour signer là l'ode imparable au psychédélisme, petit fix aux effets dévastateurs, plongeant l'auditeur dans un tourbillon de sons et de bruits dont il ne se relèvera pas. Il y a tout dans les déflagrations de « The living end » : morgue, agression et un je-ne-sais-quoi de pris par dessus la jambe qui fait la différence, s'acoquinent ensemble et transpirent la même sueur. La nonchalance de branleurs érigés au rang de culte. L’intro de « In a hole », bombe sonique propulsée à la vitesse de la lumière, vire vite au vacarme. Pourtant un vacarme magnifique, noir, brut et d’une force inouïe.
Personne ne s’était permis une telle offense auparavant et personne n’osera plus par la suite. Œuvre culte, glorifiée, extraordinaire, adulée par tous, référence indispensable, cet album est celui vers lequel on se tourne lorsqu'on désire se replonger dans les moments les plus marquants qu'on n'ait jamais vécus. Pour Jim Reid : « On ne voulait pas faire un disque qui sortirait en 1985 et qui serait oublié en 1990. On voulait faire un album qui, s’il était écouté vingt cinq ans plus tard, ne sonne pas comme un album vieux de vingt cinq ans. Et si ça parlait pour quelques boutonneux en anorak comme nous étions nous-mêmes, alors ça suffisait à notre bonheur. Et s’il y avait des jeunes en train d’écouter l’album, qu’ils puissent se dire : "Nous aussi on peut faire ça !" et qu’ils se mettent à monter un groupe à leur tour. » Ce qui est sidérant avec The Jesus and Mary Chain, c’est de réaliser à quel point l’assemblage du bruit et du flegme est fantastique. Les guitares de « Taste the floor » sont dans le rouge, crissent et déchirent l’air, pourtant la basse (magnifique) et le chant restent calmes, détachés, et un peu dans les vapes, sous l’emprise de la drogue. Une beauté et une simplicité presque candide se font l'objet de tous les désirs désespérés de ce groupe morne qui noiera son chagrin dans un déluge de saturations, même pas dégrossis, et aux angles pointues.
Alors The Jesus and Mary Chain, ersatz punk ultime ?
Absolument pas. Car il s’agissait avant tout d’un groupe de pop. Derrière cette attaque vicieuse à grand renfort de crissement, de grincement désagréable et excitant à la fois, se cache une multitude de mélodies aussi limpides que merveilleuses. Et c'est ce qui fait tout le charme de ce groupe exceptionnel : les frères Reid appliquaient une recette basique et ingénue. Des titres comme « The hardest walk », et ses allées et venues entre la paresse et l’excitation, ou comme « Cut Dead », petite ballade avec guitare sèche, lente et laconique, sont des trésors d’écriture, sertis dans leurs poussières et leur crasse d’origine. Un détachement qui est le premier pas vers une nature qui en réalité n’est en aucun cas agressive. Ainsi leur premier album se révèle une ode à une certaine mélancolie. On la retrouve surtout avec le mirifique « Just like honey », dans cette batterie carrée, dans le chant de Jim Reid, désabusée mais aussi incroyablement doux et suave ou dans les sublimes chœurs angéliques de Karen Parker. La chanson a fait beaucoup de bruit, notamment car elle a été soupçonnée d’être une apologie du cunnilingus.
Avec ce chef-d’œuvre, The Jesus and Mary Chain prouve que manier les guitares en les torturant est loin de témoigner une rageuse assurance, bien au contraire. Et qu’il est tout à fait possible, au beau milieu de ce brouillamini sans nom, de débusquer une confondante beauté juvénile. Paradigme qui allait révolutionner le rock anglais. Et surtout servir de référence numéro 1 pour tous les groupes du mouvement shoegaze à venir. Selon le célèbre producteur Alan Moulder : « Psychocandy fut le ground zero du shoegaze, définitivement. Il a pavé le chemin. C’est certainement l’album que tous les groupes shoegaze ont écouté avant de décider de se former. ». Et ce, même si par la suite le groupe se sera assagi et continuera dans une veine psychédélique (on notera tout de même l’excellent album « Darklands »). Mais c’est une autre histoire.
Ce qu’il faut retenir des débuts de The Jesus and Mary Chain, c’est cette époustouflante énergie. Ces concerts qui sentaient bon les pintes de bières, la sueur des fans de foot et la bonne bagarre. Ce son unique et horrifiant. Ce look de voyous et ses cheveux improbables. Et cette tendresse. Car derrière ce défi à la ligne plate du rock anglais des années 80 et ce doigt tendu contre la mollesse, se cachait en fait une grande gêne. Jim Reid l’avoue : « on était en fait timide sur scène. Et les feedbacks et le noise ont été un moyen pour se cacher derrière. A cette époque, je me sentais assez mal à l’aise sur scène, j’étais juste un gamin qui venait de signer il y avait juste quelques mois sur un label. ». Le groupe joue alors de dos, refuse de lever la tête et se concentre sur les distorsions, espérant ainsi choquer et éviter d’être jugé sur la technique. Ce sera la même chose pour le chant. « En plus nous avons monté le groupe avant même de décider qui serait au chant. Il n’a jamais été dit que je serai le chanteur. On a toujours dit que ce serait soit William soit moi, mais je me souviens qu’aucun de nous ne voulait. On a eu une longue discussion entre nous et j’ai perdu la bataille. Je ne suis pas un chanteur dans le sens classique du terme. Alors j’avais besoin de feedback pour couvrir ma voix sur scène. Mon niveau de confiance en moi était au plus bas. ». L’autisme des frères Reid allait plus tard faire école. Beaucoup de timides n’auraient pas osé faire du rock  sans eux. Tant pis s’il fallait pour cela fixer ses chaussures de peur d’affronter le public. Et donner ainsi naissance au shoegaze.

 Sources :




14 décembre 2011

Les débuts des Jesus and Mary Chain (première partie)

Construire sa légende

Lorsque Londres vit arriver les frères Jim et William Reid, le monde cria au scandale. Les concerts ne dépassent jamais un quart d’heure. Avec leurs copains, ils avaient monté un groupe venimeux, terrible, qui accouchait de mélodies inaudibles laissant des stigmates pour des semaines, un groupe qui maîtrisait à peine trois accords mais qui les secouaient sous des larsens à n’en plus finir, un groupe abonné aux drogues les plus dures et aux pulsions auto-destructrices. Il faut peu de temps pour que la bien mauvaise blague devienne vite un culte. Les rumeurs filent bon train et le mythe commence à se répandre comme une trainée de poudre. On parle d'un groupe aux instruments rudimentaires, dont le son est impossible à écouter sans se détruire les oreilles et qui préfèrent tourner le dos au public !
Mais The Jesus and Mary Chain (car tel était leur nom) était bien plus qu’une simple affaire de poivrots. Beaucoup ont décelé dès ces premiers instants, ces ébauches de sons noisy, ces tentatives maladroites de provoquer, une trace de génie, cette sorte de fulgurance à écrire des mélodies et à sentir la musique comme personne d’autre. Pour Neil Taylor, célèbre journaliste et un des premiers à les avoir couverts : « j’avais écrit un article sur leur premier concert au Three Johns club à Illington. On avait été à peine vingt et une semaine plus tard déjà deux cents personnes se revendiquaient d’y avoir assisté. Pour moi, ils étaient la plus grande sensation que j’ai écoutée depuis Joy Division. ». Seulement, pour l’instant, difficile de partager un tel avis, puisque chaque show finissait en rixe, souvent intrépide. Et la réputation sulfureuse du groupe se façonne plus autour de la brutalité que de leurs chansons.
Joe Foster, fondateur de Creation Records, s’en souvient encore. A propos d’un concert en 1985 qui a fini par mal tourner, il témoigne : « C’était le chaos et la folie. Dave du groupe Biff Bang Pow et moi on s’occupait d’accueillir les gens à l’entrée. Je suis rentré pour vérifier un ampli durant le concert et là, j’ai vu Jim Reid qui était en train de se faire jeter dehors par certains abrutis du club de rugby qui voulaient se battre dans la rue avec lui. Je me suis jeté dans la mêlée comme si j’étais Iggy Pop et on a réussi à s’échapper, seulement pour être empêché de regagner le concert par les gars de la sécurité, avec qui on a du se battre aussi ! Ça a dégénéré et la salle a été saccagée. Karen Walker a reçu une bouteille lancée par le public. Je l’ai emmenée aux urgences. Mais là-bas elle a été reconnue et attaquée par un fan qui avait été blessé durant le concert lui aussi ». Ce qui résume bien l'esprit dans lequel baignait le groupe écossais.
The Jesus and Mary Chain explosa les habitudes conventionnelles en un ahurissant mariage entre le blanc et le noir. Le blanc d'une certaine splendeur miraculée et le noir d'une violence sans borne et sans limite. Pour revenir aux fondamentaux qui font tout : drogue et sexe, mâtinés d'un peu de drogue encore, pour la légèreté. Le résultat est déconcertant : les acouphènes durent bien plus longtemps que leurs concerts.
Mais ce n'est pas un souci, car le génie se reconnaitra dans ces quelques accords que les frères Reid connaissaient sur le bout des ongles, et surtout sur leur façon de les détourner pour les réduire en lambeaux sous un déluge sonore brutal. Un retranchement qui s’accompagne de peu d’effort pour être conciliant avec le public. Les cheveux dans les yeux, tournant le dos pour boire et fumer, captivés par les amplis, les membres du groupe ajouteront de manière ostentatoire un manque d’intérêt pour le spectacle.
Cependant, ces sales gosses ont déboulé à l'heure où on n'attendait guère plus grand chose du rock. Ce qui a été vécu presque comme une libération. « La musique de cette période nous consternait, reconnait Jim, beaucoup de gens ont cités les groupes qui nous ont influencé, mais il y en avait aussi beaucoup qu’on détestait et qui nous ont poussé à monter un groupe aussi ! Je me souviens que le NME était gaga de Kid Creole & the Coconuts. Et on a pensé « On les emmerde ! ». Cela n’avait aucun sens dans les pages du NME. Il semblait qu’il y avait de plus en plus de groupes merdiques autour de nous. Alors nous avons pensé : « merde, il n’y aucun groupe dont j’ai envie d’acheter les disques, alors allons-y, faisons-le nous-mêmes et montons un groupe ! » ».
Pourtant il est difficile d’émerger dans la ville d’East Kilbride, une des villes écossaises construites après la guerre, peu connu pour son activité musicale. Jim évoque : « ce n’était pas forcément un mauvais endroit pour grandir, mais c’était plutôt ennuyeux. Si tu étais dans la musique, personne ne venait t’aider et tu sentais par contre que tout se passait ailleurs. On a découvert le punk au travers les pages du NME et on s’est empressé d’acheter les disques. Pour nous, cela venait d’une autre planète. »
Car on retrouve avec The Jesus and Mary Chain quelques similitudes avec le crédo punk : un instinct visant à tout saboter, ses performances, ses chansons, les autres, soi-même. D’ailleurs ils seront comparés très vite aux Sex Pistols. Renversant les poncifs mielleux de la pop anglaise, ils galvauderont les règles et consacreront leurs temps à jouer en impro, avec peu de moyens et une technique rudimentaire.
A superposer avec leur origine prolétaire. Car si le premier concert eut lieu en 1984, la première étape franchie fut de d’abord quitter leurs boulots respectifs. Issus des classes modestes d’Edingbourg, ville qui n’ont jamais quitté durant leur enfance, ils se tournent vers là où tous les jeunes se tournent en ces temps de chômage : l’usine. William explique : « On travaillait à l’usine. Jim était chez Rolls Royce Aéronautique lorsqu’ils fabriquaient les pièces pour l’avion de Boeing, et je travaillais moi dans une fabrique de feuilles de métal, ce qui était un job terrible car j’avais toujours peur d’y perdre mes doigts. »
Les frères Reid auraient pu continuer indéfiniment s’il n’y avait pas eu dans le même temps la naissance du punk. « Quand on a entendu les Sex Pistols, cela a changé totalement notre attitude. Avant les Sex Pistols, les Clash et les Ramones, je croyais que pour être musicien il fallait être aussi bon que les Beattles ou les Rolling Stones. Le punk a été une révélation pour nous. Tout ce dont on avait besoin, c’était une guitare pas chère, quelques cordes et beaucoup d’imaginations. ».
Malgré le dégout de leurs parents, les frères se mettent en marge de la société et la première année sabbatique se transforme en deux, trois puis quatre années erratiques. William se souvient : « c’était étrange. Je n’aurai jamais cru faire de la musique ensemble. Je ne voulais pas être dans un groupe avec mon petit frère mais lorsqu’on écrivait des chansons, elles se ressemblaient tellement que ça semblait une évidence. ». Ils enregistrent dans leur chambre, avec un 4-pistes, mais la structure de base ne sera achevée qu’avec la venue de Douglas Hart, jeune bassiste qui partageait les mêmes goûts. « J’avais l’habitude de trainer avec Jim, raconte Doug, pourtant plus jeune de quatre ans, mais William était souvent dans ses parages. Ils avaient une chambre minuscule et n’arrêtaient pas de se battre. ». « On a très vite adopté Douglas parce qu’il était un des rares dans East Kilbride a être dans le monde de la musique, avoue Jim. Il semblait que tout le monde allait dans la même direction, et que ceux qui allaient en sens inverse étaient faciles à repérer. Ils n’étaient pas nombreux. On a bien eu Murray Dalglish comme batteur mais ce n’était qu’un gamin (16 ans à l’époque), il n’était pas réellement comme nous, il n’avait jamais travaillé avant. »
Avec cette première monture, ils travaillent sur leurs compositions et mettent en place ce son si caractéristiques, à base de larsens et de distorsions. Jim se souvient : « nous avons emprunté un centre communautaire comme salle de répétition. Les mardi soirs, ce seraient de vieilles dames qui joueraient au bingo, et la nuit suivantes, ce serait nous qui jouerions. Il y avait un demi-mile entre le centre et là où nous habitions, et il fallait amener le matériel là-bas. On a alors fixé des roulettes sous les amplis et nous les avons poussés sur la route avec les guitares posées dessus. Les gens pouvaient regarder de leur fenêtre et voir des types maigres avec des lunettes de soleil s’échiner à bringuebaler leur putain de matériel sur la route. On devait aller jusqu’à là-bas, jouer pendant une demi-heure puis rentrer chez nous. »
Influencés par le Velvet Underground, les frères progressent lentement et au bout de cinq ans, ils ne possèdent qu’une poignée de chansons décentes. Ils enregistrent une démo bricolée chez eux et les soumettent à London Records. Lorsque la maison de disque les appelle pour leur demander leur nom, ils proposent « The Poppy Seeds ». La maquette n’impressionne guère. Ils se mettent alors d’accord sur le fait que la prochaine chose à faire était d’organiser un premier concert. Mais pas chose facile à Glasgow. « A l’époque, il y avait une scène musicale dont on ne faisait pas partie ; il était très difficile de mettre un pied dans la porte. Ils voulaient tous des jeunes blancs qui pratiquaient une musique proche de la soul (comme Orange Juice ou Joseph K – note de l’auteur) et ce n’était pas notre style, alors personne ne nous autorisé à jouer en concert. Nous commencions à être découragés
Il n’y eu qu’une seule personne qui reconnaitra derrière cette pagaille une volonté de rester fidèle à ses idéaux et de s'ériger en contre-modèle, et au delà, un talent certain. Et cet homme-là, c’est Alan McGee.
Ce jeune rouquin d’à peine 20 ans, écossais lui aussi (ceci expliquant cela), qui gérait un club londonien et un groupe à peine connu, Biff Bang Pow, n’allait pas se rendre compte de la révolution qu’il allait lancer.
Sur la foi d’une simple cassette transmise par un copain, il les invite à se produire sur scène. Une simple bêtise, ou un coup de sang, l’histoire ne sait pas trop, peut-être une décision à mettre sous le coup de la bière, mais qui devint par la suite un coup de génie.
C’est ainsi que le premier concert historique a eu lieu le 8 juin 1984 au Living Room.
Cette prestation organisée par Alan McGee, qui allait être déterminant pour la carrière de Jesus and Mary Chain, n’aurait jamais eu lieu sans l’intervention de Bobby Gillepsie. Douglas Hart raconte l’histoire : « On avait essayé de faire quelques concerts sur Glasgow alors on a donné notre cassette à un type. On n’a pas pu enregistrer davantage de chansons alors la face-b était constituée d’une compilation de chansons de Syd Barrett qu’on aimait bien. Le type ne nous a pas apprécié et a refusé de nous inscrire pour sa soirée, mais il a donné la cassette à Bobby Gillepsie, plus pour la compilation que pour nos chansons. Sauf que Bobby a écouté nos chansons. Il les a aimées et comme il y avait mon numéro de téléphone inscrit sur la cassette, il a cherché à nous joindre. Un jour, alors que je rentrais de l’école, ma mère m’a dit : « Un type a appelé pour votre cassette. Je lui ai demandé s’il vous connaissait et il m’a répondu « pas encore ». Je l’ai pris comme un bon signe. Lorsque Bobby nous a rappelé, il nous a dit qu’il aimait bien notre musique et qu’il allait en parler à un ami à lui, Alan McGee. Peu de temps plus tard, Alan McGee nous a réclamé chez lui, à Londres. »
Malgré les années, Jim Reid considère encore que cette demande, ils la devaient plus à Bobby qu’à leur talent. « Je pense que Alan McGee l’a plus fait par faveur envers Bobby ». Ils décident malgré tout de se lancer et s’installent à Londres. « Si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais. »
Voilà ainsi les membres de Jesus and Mary Chain sur la route durant la journée, pour jouer le soir au Living Room de Londres. Arrivés fatigués par la route et passablement ivres, les esprits se sont échauffés lorsqu’ils ont découvert que leur premier concert ne se ferait pas dans une salle prestigieuse, mais à l’étage d’un pub de poivrots ! Jim Reid se souvient : « Fondamentalement, ce fut une journée chaude et on tournait en rond dans Londres en attendant d’effectuer nos réglages de sons. En parlant de ça, c’était juste une blague ! On était dans une chambre au dessus du pub et on n’avait le droit qu’à une chaine stéréo ! On a fait nos répétitions et on était passablement sur les nerfs. Pendant les deux minutes où nous avons rencontré Alan McGee, nous n’avons pas cessé de nous chamailler et de nous gueuler dessus. Il a du nous prendre pour des fous. D’autant plus lorsque nous avons commencé à jouer et à être autant anti-rock ».
D’après ceux qui y étaient, la set-list était composée de reprises, notamment une version méconnaissable du « Vegetable Man » de Syd Barrett ou « Somebody to love » des Jefferson Airplanes. Le groupe joua les yeux fermés, sans se préoccuper des rares personnes présentes, venus siroter une bière en attendant le vrai groupe qui devait se produire à l’étage un peu plus tard. Et le son était à ce point pourri que c’était à peine si on distinguait quelque chose, hormis une bouillie sonore. Avec les membres complètement saouls et un retour d’ampli absolument incontrôlable, les gens ont cru à une blague. « Alan McGee a du nous prendre pour des fous, de vrais psychos. On venait d’avoir une mauvaise journée et le son était affreux. On a fait tout ce chemin depuis Glasgow pour faire ce concert et on a passé notre temps à nous engueuler ! ».
Le groupe était d’ailleurs tellement persuadé d’avoir tout fait foirer, qu’ils furent plus que surpris lorsqu’ils apprirent qu’Alan McGee leur proposait de sortir un single. Pour Jim : « on était d’un naturel méfiant envers toute forme d’enthousiaste, si bien qu’on a cru qu’on entendrait plus jamais parler d’Alan McGee. Mais lorsqu’il a appelé le lendemain, on s’est dit « waou, c’est vraiment en train d’arriver ». Jim continue les souvenirs : « Alan était vraiment enthousiaste, il commençait à nous traiter comme des génies. On pensait s’être tiré une balle dans le pied mais il nous parlait déjà d’albums et de contrats. Il était à fond. »
Sentant le buzz arriver, Alan McGee commence à organiser de multiples concerts dans la capitale. Dès lors qu’un groupe se présente dans un des nombreux pubs du quartier populaire du Camden, il s’arrange pour y coller le sien en première partie. Le bouche à oreille fonctionne vite. Bien aidé par la platitude musicale à l’époque (on était en 1984, autrement dire un trou noir dans l’histoire du rock anglais), le combo venu d’Ecosse allait apporter un vent de fraicheur. Le culot allait leur servir. Ils réveillèrent le public qui commençait à trouver le temps long.
Très vite les Jesus And Mary Chain se verront attribuer la réputation de psychopathes, de terroristes, venus dynamiter le monde trop lisse du rock à coup de décharges soniques et de larsens déflagrateurs. Seulement, croyant découvrir une nouvelle sensation, le public ne fait face qu’à une caricature. Les dommages collatéraux seront nombreux : on viendra aux concerts de ce jeune groupe plus dans l'espoir d'y voir une bonne bagarre que pour écouter de la musique. Car les frères Reid sont coutumiers du fait : devant la colère du public, qui ne comprenait pas qu’on puisse jouer avec de tels distorsions, le groupe répondait par des crachats, des insultes bien senties, des disputes et des démolissions de matériel, auxquels les gens étaient finalement conviés, achevant le pseudo-concert dans une jouxte sans nom. La plupart des participants sont choqués, jusqu'aux programmateurs qui pourront stopper un concert au bout d'une chanson à peine pour prier le groupe de dégager manu militari. Les gérants de salle eurent tôt fait de ne pas se risquer à les mettre en tête d’affiche, sous peine de voir leurs locaux saccagés…
Fin de l’année 84, The Jesus and Mary Chain doit se produire à l’Institut des Arts Contemporain. Comme d’habitude, des bouteilles volent au travers de la salle, ce qui ne manquera pas d’être détourné et décrit comme un début d’émeute. Plusieurs associations puritaines se sont d’ailleurs liguées pour assurer l’annulation de certaines prestations. Le tabloïd The Sun écrira même un article accusant les concerts du groupe que de n’être qu’un concentré de drogues et de violences. Ce qui était à moitié faux. Les écossais étant réputés pour monter sur l’estrade chargés d’amphétamines. Les membres du groupe seront même arrêtés pour possessions de drogues et passeront la nuit en prison en décembre. Jim Reid confessera bien plus tard avoir consommé du LSD.
Malgré tout, on décela du potentiel. L’énergie déployée contrebalançait à ce point la nonchalance que les prestations se transformaient en éjaculation précoce de talent.
Le deuxième concert, the Three Johns pub à Islington, fut chroniqué par Neil Taylor, journaliste au NME. « Depuis longtemps, je n’avais vu un groupe avoir une telle présence sur scène. L’autre fait dont je me souviens à propos de ce concert, c’est que la salle était quasiment rempli d’hommes de Rough Trade ». Une ruse d’Alan McGee… Ce dernier, alors premier manager, invitait patrons de labels et journalistes pour alimenter sa réputation, laissant le concert dégénérer sous leurs yeux. Stratégie payante puisque les magasines parlent de plus en plus du phénomène, se demandant bien quel son allait avoir le premier album.
Mais Alan McGee attend la sortie d’un single, avant d’éventuellement financer l’enregistrement d’un album. Pendant ce temps, sous les conseils de son père réclamant davantage d’argents des concerts, le jeune Dalglish quittera le groupe. Pour le remplacer, ils penseront alors à rappeler leur copain Bobby Gillepsie, celui qui avait transmis à leur démo à Alan McGee. Sans davantage passer de temps à répéter et alors que Bobby ne sait absolument pas jouer de la batterie, ils se rendent compte que Bobby était l’homme qu’il manquait. Douglas Hart raconte : « on est allé répéter avec Bobby à Glasgow de manière improvisée. Il était capable de jouer sur deux caisses seulement tout en restant debout. C’était génial parce que nous avions toujours demandé à Murray d’en faire moins. Lorsque Bobby nous a rejoint, on n’a pas davantage répété mais l’impression était bonne, c’était magique. »
Après avoir fait quelques concerts dans Londres, Alan McGee leur prête l’Alaska Studio, local dédié aux groupes de Creation Records à l’époque des débuts. Quelques mois auparavant leur seule expérience d’enregistrement avait été dans leur chambre. Avec peu de budget, ils ont été obligés de jouer toute la nuit, pour bénéficier de tarifs moins chers. « On devait travailler de minuit jusqu’à sept heures du matin mais cela ne nous dérangeait pas ; c’était déjà génial. L’ingénieur du son qui était là faisait passer le son derrière de gigantesques haut-parleurs Tannoy et tout sonnait de manière incroyable. On a fait cette version de « Upside Down » mais au final cela ressemblait à du Dire Straits. On ne comprenait pas pourquoi jusqu’à ce que quelqu’un nous fasse remarquer qu’avec ces haut-parleurs, on sonnerait comme du Velvet Underground. Donc on a été obligé de revenir et de mixer la chanson. »
Le résultat c’est un déluge… Les guitares dans le rouge sont là pour crever les tympans, rien de plus, aidées en cela par des réverbérations et des effets à profusion. Dès l'intro, tout en bruit blanc, vrillant les oreilles, tout est dit : l'accessit à la beauté ne sera pas chose aisée, et ne se fera pas sans perdre des illusions.
Le vinyle, enregistré pour la modique somme de 250£, s'arracha à prix d'or. Il fut considéré comme une météorite dans le monde musical de l'époque, et bien peu s'en remirent. Une telle avalanche de feedback à s'en casser les oreilles se situait à l'exact opposé des canons imposés d'habitude. Les chiffres atteignent 35000 ventes, le single se classe dans les dix premières places des charts indépendants et y reste plusieurs mois, en faisant un des singles les mieux vendus des années 80, et apportant le premier succès au label Creation Records, dont le patron n’est autre qu’Alan McGee. La légende était née.

11 décembre 2011

Fiche artiste de Lulabox


Lulabox
Le producteur Butch Vig et ses amis tombent un jour sur le clip du groupe écossais Angelfish, "Suffocate Me", diffusé en boucle sur MTV. Encore à la recherche d'une personne pour assurer le chant du groupe qu'ils voulaient monter, ils tombent sous le charme de Shirley Manson et se décident à l'appeler.
Au cours d'une tournée aux Etats-Unis, elle passe dans leur studio à Seattle et ils enregistrent quelques chansons. C'est ainsi qu'est né le groupe culte Garbage.
Cela, c'est pour l'histoire officielle.
La réalité, c'est qu'au sein du catalogue de Radioactive, le label d'Angelfish, se cachait un autre groupe appelé Lulabox. Et lorsqu'on écoute Lulabox, on sent bien toute l'influence sur Garbage : rythme indus et dansant, chanteuse à la voix sexy et guitares tranchantes. On a toujours dit que Curve avait été les cocus dans l'histoire, et c'est un peu vrai, mais Lulabox pratique un shoegaze electro équivalent à Curve.
La coïncidence est encore plus troublante lorsqu'on sait que le guitariste de Lulabox, Michael Cozzi, est aussi le producteur du groupe Sky Cries Mary, une formation psychédélique. Et que cette formation est basée... à Seattle !
Par la suite, et ce même si Michael Cozzi s'est définitivement installé à Seattle pour composer de la musique pour jeux vidéos ou publicités, et être producteur, l'histoire aura complétement oublié Lulabox.
Alors il faut rendre hommage à Lulabox et son unique album éponyme, paru en 1993, formidable album basé sur les samples electro et les langueurs shoegaze. Lulabox, c'est surtout Mary Cassidi, chanteuse superbe (qui a bien sûr un petit air de Toni Halliday). Mais aussi Michael Cozzi à la guitare et Stephen Ferrara à la batterie et à la programmation. Basé à Londres,Lulabox démarre sur Radioactive avec une série de deux singles tout bonnement ébouriffant : "Chocked" et "Full Bleed", avant leur album éponyme. Mais le départ de Michael Cozzi allait mettre un terme à l'aventure.

10 décembre 2011

Lulabox : Lulabox


Lulabox
Coup de coeur !

Sortie : 1993
Produit par Ray Shulman
Label : Radioactive
De prime abord, et surtout à l’écoute d’un titre tel que « Ride On », la comparaison avec Curve est immédiate, tant la musique de ces deux formations se ressemble. On va retrouver ce même tempo dynamique, basé sur les breakbeats, cette même batterie synthétique, ces guitares à fond, mordantes et en multi-couches, et bien sûr, cette voix grave, profonde, féline et sexy en diable.
Version clonale de Curve, Lulabox recycle ainsi le shoegaze, l’indus et l’électro, et le fait admirablement bien ! Certains titres sont de véritables cartons, comme « I believe », frondeur, effréné, avec un refrain qui trotte dans la tête pour longtemps, et qui donne envie de se secouer comme jamais. Ou comme l’irrésistible « Prayer for rain » qui ne contient aucun raté mais uniquement des parts de rêve. Malgré le côté étouffé, cette concentration et ces multiples intrusions samplées et futuristes, le son de Lulabox génère un chaos parfaitement maîtrisé, calculé et précis. C’est par-dessus cet amas sans compromis que s’envole la voix délicieusement craquante de Mary Cassidi, notamment sur « Love Street », au refrain ouvert, chaloupé et chaleureux, ponctuant une sinuosité toute funky et éthérée.
C’est d’ailleurs ce qui distinguera (si tant est qu’on puisse faire une distinction) la formation de Londres de Curve. L’album parait plus ouvert, laisse plus la place au mid-tempo, se fait moins cathartique et agressif mais plus dans la finesse, la rondeur. La voix extraordinaire de Mary Cassidi peut ainsi tout aussi bien descendre dans les octaves comme susurrer à la manière d’une jeune fille indienne.
On assiste ainsi à des démonstrations de finesse inégalées, où l’artificiel rend service au charme et à la grâce. Que dire de « Ivory Hill », un des meilleurs titres, avec ce riff merveilleux de Michael Cozzi descendu du ciel, la voix langoureuse de vamp, matinée de coups de guitares, de pédales wah-wah aussi tranchantes que des lames ? Que dire de la réussite tout aussi étrange qu’envoutante « Chocked » ? Noire ébène, inquiétante, plus alanguie mais aussi plus groovy, avec des réminiscences orientales, avec ce refrain presque miaulé comme une chatte, et traversé de guitares directement sorties d’une aciérie, avec cette grâce confondante, un vrai trésor.
La fuite en avant opérée par les machines qui gèrent le rythme provoque une ambiance dansante et abrutissante. Le mariage avec un chant cajoleur et un sens étourdissant pour les mélodies vocales et les refrains éclatants, n’en est que plus savoureux. Dur à percer, sans cesse bringuebalé par les guitares, le son de Lulabox est à l’image de « Wild Cherry Nark » ou des saturations de « Precious Thing », c’est à dire tourbillonnante.
Du coup l’album se révèle foisonnant, incroyablement dense, et toujours sur la corde raide, quelque part en l’agression et la séduction, soufflant le chaud comme le froid.

23 novembre 2011

Fiche artiste de Feral

Feral


Encore un groupe du label mythique, Lust Recordings ! Bon, label qui n'en a que le nom en fait, puisqu'il s'agissait plus de la lubbie de Stephen Woosh, gérant du club Woosh à Newcastle, souhaitant sortir en vinyl les chansons de ses groupes préférés, qu'il n'hésitait d'ailleurs pas à programmer en concert. Fort d'une scène locale vibrante, s'adonnant à un shoegaze sans calcul, le catalogue du label a fini par se gonfler de singles cultes : St James Infirmary, The Sunflowers, Apidistra, The Lavender Factions, The Keatons, et donc Feral, formation shoegaze attiré fortement par les drogues et la fumette.

Et ça s'entend du reste, avec ce superbe single, en 1991, démonstration magistrale de psychédélisme, sans pourtant qu'il n'y ait de suite. D'ailleurs on ne sait rien, mais absolument rien, du groupe, hormis bien-sûr qu'il était un régulier des affiches du Woosh Club les soirs de concert. En plus, le label n'a eu qu'une existence fugace, puisque Stephen Woosh, en proie à une nouvelle lubbie, a décidé soudainement de mettre la clé sous la porte, pour s'enfuir avec la guitariste de The Sunflowers. On l'aurait parait-il vu en tant que roadie de My Bloody Valentine, mais c'est comme s'il s'était volatilisé, laissant une flopée de groupes sur le carreaux et mettant fin brusquement à cette micro-scène shoegaze de Newcastle.

Culte et punk !

11 novembre 2011

Feral : Change you leaving EP


Change you leaving EP de Feral

Sortie : 1991
Produit par John Hughes
Label : Lust Recordings

Cette chanson, « Change you leaving », a tout ce qu’il faut pour être addictive : un tempo d’enfer, plein d’allant et provoquant, qui se moque du monde, de la bienséance, un chant élevé, trop doux pour être respectueux, rempli de morgue et de jeunesse, trahissant un état défoncé comme on n’oserait plus approcher aujourd’hui, ou encore, une chute de la pression jouissive, une détente osée, relâchement de sauvages junkies sûrs de leur fait, pour mieux planer.
Dès les premières secondes, ce riff crasseux, magique, aérien, aussi sale, brouillon qu’aérien, on sait qu’on ne pourra jamais décrocher de ce morceaux. Pas une seule seconde sans secouer la tête, sans admirer cet esprit inimitable, mélange dangereux de rock n’roll et d’évanescence, pas une seule note de guitare qui ne nous fasse pas taper du pied, pas une mélodie qu’on ne fredonne pas avec plaisir. L’alternance très bien sentie entre furia et repos psychédélique est absolument géniale, ça repart aussitôt, emené par des voix virginales de petits voyous, se pavanant dans des harmonies vocales d’angelots.
La guitare n’hésite pas à être mise en avant, instrument de prédilection, qui avec son riff, ses distorsions, ses solos de folie et ses circonvolutions va emmener l’auditeur très loin dans le trip. La reprise du refrain, noyé sous les guitares et saturations, n’en est que plus savoureuse. Les chœurs suaves et innocents, soulèvent de manière éhontée des mœurs d’étudiants et de pilliers de bars, des rêves pleins la tête tout comme le caleçon, et se font les charmes délicieux de ce groupe inouï, symbole de toute une frange de l’Angleterre.
Les déboulés de distorsions crasseuses achèvent l’exposition d’un état délabré, fumeux et narquois, sur « Bridge », tandis qu’un magnifique riff et un tempo langoureux, sur « Away », écrasé par une avalanche lourde et lente de guitares saturées, indique une propension à s’élever au dessus de la mélée, à vouloir éclaircir les trips, à rendre plus belles encore les choses. Le dernier morceau de cet unique EP, allie douceur et pesée, pour un voyage hypnotique de toute beauté, tordue, difficile à suivre mais si agréable à écouter, témoignage des folies, de la poésie de quelques garçons complètement shootés.
Des musiciens fiers, défoncés, talentueux, qui du fin fond de leur pub préféré de Norwitch secoueront le monde. Cet EP, qui restera au final leur unique témoignage, hypnotise comme il séduit. On ne cesse d’écouter « Change you leaving », cet hymne génial, de le réécouter et de le réécouter encore pour l’entendre se finir sous des crachats de guitares, puis cette toute petite mélodie qui s’extrait du maelstrom, tandis que les amplis résonnent encore…

Fiche artiste de Antiseptic Beauty



Antiseptic Beauty

Délocalisé sur la carte du rock indé en Angleterre, le groupe Antiseptic Beauty, originaire de Derby (East Midlands), n'a jamais eu ni la reconnaissance, ni le rayonnement nécessaire pour se faire connaître davantage.
Habitués aux bars de leur ville de Egginton, le groupe a d'abord été influencé par le mouvement C-86 et l'indie pop. D'ailleurs leur nom est un clin d'oeil à Felt, qui avait signé un album au titre : "Crumbling the antiseptic beauty", Lawrence étant réputé pour être particulièrement maniaque avec l'hygiène. Puis plus tard, ils se sont orientés vers un style plus dur, plus psychédélique aussi, comme avec "Skyward", une chanson qu'ils ont publiés sur la compilation LE 1, rassemblant d'autres artistes du Midlands en 1993. CLAG magasine, une revue locale, leur consacre alors un article.
C'est Stephen Lawries qui les remarque, grâce aux similitudes avec le style des Telescopes, et se propose pour produire leurs chansons. Ainsi quelques singles et un album éponyme sortiront sur divers labels obscurs européens.
Depuis leur séparation en 1996, il est aujourd'hui quasiment impossible de mettre la main sur leurs albums.

2 novembre 2011

Antiseptic Beauty : Rising EP




Rising EP de Antiseptic Beauty

Sortie : 1993
Produit par Stephen Lawrie
Label : A Turnable Friend

Chouchouté par Stephen Lawrie, le leader des Telescopes, qui a décidé de produire ce maxi de cinq titres, le groupe de Derby propose une musique psychédélique et shoegaze qui ressemble fort… aux Telescopes.
On retrouve ainsi un son pouilleux, étouffé, un jeu éclaté à la batterie, notamment avec les cymbales, qui serviront de mantra pour les trips, des riffs compliqués, toujours légers, une attitude nonchalante au chant et dans le jeu, déclinant vers une apologie de la drogue, une voix alanguie et flottante, aboulie soulignée à coup de laisser-aller instrumentaux, de dialogues de riffs. Tout ceci au service de chansons hypnotiques, de « Illumate Me » à l’enlevé « Good to be gone », en passant par le traînant « Love run dry », véritable tour de force.
La voix peut être très très légère, qui s’envole, tandis qu’on a toujours de très très petites mélodies à la guitare, qui dialoguent, pour des intros psychédéliques, avec quelques percussions, des cymbales, des guitares joués comme des harpes, une entrée en matière pour un monde de volutes, de champignons et de délires. Ainsi les distorsions et autre réverb arrivent toujours de loin, montent en puissance et finissent par arriver, mais comme si ils émergeaient d’un nuage, on dirait toujours une sorte de symphonie nébuleuse, les voix sont fatigués, légères, enfumés. Des symphonies basées sur une alternance (comme sur « Rising » et sa batterie qui roule des caisses, d’ailleurs au passage, très bon travail à la batterie) entre moments reposés, souples, légers, et des saturations plus enlevés, plus rock n’roll. Des solos démarrent à partir de tempêtes pour de longues divagations dark, aussitôt ralentis dans leur élan par le tempo alangui, tranquille et assez élastique. On finit par aboutir à des échos de rêve, un aperçu du merveilleux. On sent bien l’influence de Stephen Lawrie à ce niveau-là.
Bref, voilà une vraie curiosité, remplie d’harmonies magiques et de boucans expérimentaux, tout en faisant preuve d’une langueur psychotrope digne de cette époque, avec The Verve, Spacemen 3 ou Starlings. Malheureusement ce maxi est extrêmement rare, voire introuvable. C’est cependant un délice dans lequel il est bon de se laisser aller, avec ou sans drogue...

31 octobre 2011

Fiche artiste de Pleasurehouse

Pleasurehouse


D'abord passé sur A West Side Production puis sur Snap Records, deux labels importants dans la scène indé suédoise du début des années 90, le groupe de Norrköping n'a jamais pu en profiter, se limitant à la sortie d'un seul maxi de six titres, un single, deux apparitions sur des compilations et un flexidiscs avec Easy.

Formé en 1986 par les guitaristes Niklas Larsson et Joakim Nordqvist (qui assure également le chant), le groupe n'a eu de cesse, avec leur van, de sillonner les villes, les provinces et de jouer en concert, prenant à peine le temps de renouveler leur répertoire de chansons, jusqu'en 1993, année de leur séparation. Entre temps, Björn Brunen, à la basse, Stefan Nilsson, à la batterie, ou Niklas Larsson deviendront des éléments importants, tandis que Johan Skaneby sera remplacé sur la fin par Per Sparf, ex-My Favourite Martians.

Leur style fera pourtant école, quelque part entre l'indie pop des années 80 et le shoegaze des années 90.

Pleasurehouse : This is how it feels EP




This is how it feels EP de Pleasurehouse

Sortie : 1993
Produit par Stefan Petterson
Label : Snap Records


C'est peu avant que le groupe ne se sépare que Snap Records (The Wannadies, Eggstone, Whipped Cream etc...) décide à regrouper quelques chansons pour les sortir en single. A proprement parler, il ne s'agit pas totalement du nouvel EP puisqu'en fait "This is how it feels" et "Happy when you leave" existaient déjà bien avant et figuraient sur Marseille, le vinyle précédent, paru sur A West Side Fabrication.
Par contre, on va retrouver l'excellent "Cindy", écrit en 1993 par Per Sparf, le nouvel recrue en tant que guitariste. Ce morceau avait été enregistré à l'occasion d'un split avec Easy, autre groupe suédois. Snap Records permet donc de faire une petite piqure de rappel.
Et ce n'est pas plus mal vu la qualité des titres : successivement enlevés et emballant, ils s'enchaînent, sans pour autant tomber dans la facilité. Ils s'inscrivent en cela en plein dans l'air de l'époque, innocent et charmeur, preuve que le goût pour l'accrochage mélodique était bien présent en Suède. Pour peu qu'on lise entre les lignes de guitares qui s'entremêlent, les chants qui se font écho, et la qualité de l'écriture, on découvre pas mal de douceur sous ce papier cadeau d'engouement pop.

27 octobre 2011

Fiche artiste de Sidewinder


Sidewinder

Groupe culte de l’indie pop australienne, Sidewinder a commencé son aventure lorsque les frères Nick et Martin Craft n’étaient que des adolescents ! Mais lorsque Alannah Russack de The Hummingbirds est tombée sur leur démo et les a vus en concert à Canberra, elle a aussitôt insisté pour que Nic Dalton, le célèbre fondateur du label Half a cow (et un temps musicien de The Lemonheads) les recrute. La décision se fit si vite que les jeunes garçons, accompagnés Pip Branson, Jeremey David et Giri Fox, n’avaient pas finis le lycée (Martin n’avait même que quinze ans).
Après des débuts shoegaze, le groupe décide de s'orienter vers une power-pop bodybuildée, un peu grungy et surtout typiquement indé, avec le succès que l'on sait.

26 octobre 2011

Pleasurehouse : Marseille


Marseille de Pleasurehouse

Sortie : 1993
Produit par Stefan Petterson
Label : Snap Records

Cet étonnant mini-album qu’il faut aller débusquer (il provient de la scène indé de Suède) offre quelques titres charmants et immédiatement accrocheurs. L’accent est sans conteste noisy pop, mais avec un chant légèrement ampoulé, suffisamment discret pour ne pas en faire des tonnes mais suffisamment assez pour offrir de la légèreté. On pense parfois à des groupes comme The Bodines, The Chesterfield, The Mighty Lemon Drop, mais avec les guitares saturées en plus. Ce qui est normal lorsqu’on sait que le groupe joue déjà depuis 1986.
Les guitares sont tourbillonnantes, partent dans tous les sens, pour notre plus grand plaisir, sans pour autant casser les oreilles, et n’hésitent d’ailleurs pas à s’éclipser pour de magnifiques arpèges, comme sur « Breathe ».
La plupart des titres sont davantage frondeurs, manche de guitare empoignée, saturations, cadence élevée et mélodie dans la plus pure tradition indie : « Summer » ou « Happy when you leave », sa basse et ses chœurs d’angelots malgré un ton cynique et mordant.
« Blind » qui mélange guitares claires façon Smiths et guitares saturées façon Ride : il s’offre même le luxe de ralentir le tempo pour un passage de pure beauté avec un chant doux et léger avant un crescendo et une reprise irrésistible.
Tout est résumé avec « This is how it feels », chanson magique, à la batterie déchainée, qui semble vouloir à lui tout seul inonder le monde d’une beauté innocente, incrédule et romantique, avec pour seuls armes sa mélodie enchanteresque.

Sidewinder : T Star EP

T Star EP de Sidewinder

Sortie : 1992
Produit par Nick Craft
Label : Half a cow

Plongeant l’auditeur dans un tourbillon de riffs tel qu’on les entend chez My Bloody Valentine ou les Boo Radleys, à leurs débuts respectifs, les titres de Sidewinder sont la définition de la pop le plus sauvage. Une pop presque autodestructrice. Concentré de fuzz et autres bruits crispant, « Moments like these » explose les conventions, marasme duquel émerge un chant savoureusement nonchalant, suffisamment défoncé pour être léger. Le groupe australien reprend à son compte les codes du psychédélisme et du shoegaze (« Come to me »). Au dire même des membres du groupe, les refrains n’étaient que des suites de syllabes à peine articulées, au prétexte qu’il faut que ça sonne bien, mais préférant se lâcher sur les saturations que sur les paroles. 
Alors que le public pourrait être en droit d'attendre un son clair, dans la lignée de la pop fleur bleue des traditionnels groupes de Half a cow, le groupe de Canberra propose quant à lui une musique sourde et vigoureuse. Tourbillonnante, noisy, surchargée, avec des voix détachées, qui semblent venir d'ailleurs ou qui sont étrangement très douces, elle enchaîne les riffs, délivre de superbes solos et recouvre tout d’un mur du son prenant.

Au milieu de ce tumulte, ces quelques chansons arrivent à marier confusion bourdonnante et éminence accrocheuse. Le virevoltant « Dead words » libère toutes les impulsions d’habitude bâillonnées en un tourbillon de beats rapides, de déferlantes à la batterie et de chœurs adorables de suavité (on dirait la réponse australienne au Leave them all behind de Ride). L’hébétude s’observe sur l’étourdissant « M-83 », où les guitares partent en vrille dans tous les sens, malgré le chant qui se maintient avec détachement à répéter toujours le même slogan. En tout cas, il est stupéfiant de constater le talent et le culot de ses jeunes, un talent qui n’allait pas tarder à se confirmer par la suite.

23 octobre 2011

Fiche artiste de Blindside

Blindside


Groupe culte et superbe, qui n'aura guère duré mais qui aura au moins fait la gloire du label Summershine Records. Il s'est formé en 1991 à Melbourne comme la plupart des groupes shoegaze de l'époque. 
Le groupe comprend Hamish Cowan (guitare et chant), Nick Batterham (guitare et chant), Chris Smith (basse), Matt Sigley (clavier) et Nick Peeters (batterie), à peine 18 ans de moyenne d'âge au moment de leur formation.
En 1993, Nick Batterham, principal songwriter, s'en va rejoindre The Earthmen, du même label, et s'en est la fin du groupe. Il ménera ensuite une carrière solo, assez remarquée, mais somme toute discrète, avant de rejoindre son compère de toujours, Hamish Cowan, au sein du groupe Cordrazine, qu'il avait monté à la suite de Blindside, perpétrant un peu de la légende de cette scène de Melbourne.

30 septembre 2011

Fiche artiste de Low Dream

Low Dream

La rock indépendant, c'est ça : nouer un contact privilégié avec les fans pour faciliter leurs venues durant les voyages et les concerts. Low Dream est devenu un groupe culte grâce à son rapport étroit avec son public, limité mais fidèle.
Pourtant, en live, Low Dream ne ressemble en rien à un groupe fougueux et agressif, qui en jetterait plein la vue, bien au contraire, sa mixture à base de guitares ressemble à une séance d'hypnose, basée sur un bruit éthéré.
Considéré comme le plus anglais de tous les groupes brésiliens, pour son style influencé par le courant shoegazing (mais également le psychédélisme du Velvet Underground), Low Dream est né à Brazilia en 1991.
Les frères Giulliano et Giovanni Fernandez, après avoir été dans un groupe appelé Flower's Land, se sont associés avec le bassiste Samuel Wolf, puis ont sorti une première chanson, "Dreamland", vendu à plus de 800 exemplaires et diffusé sur le MTV local. Elle sera ajoutée à une démo, qui avec ses six guitares mixées, préfigurera la son du groupe, très condensé.
En 1993, le groupe se fait remarqué pour sa prestation réussie et inoubliable au célèbre Juntatribo Festival, évènement essentiel qui a lancé la nouvelle scène shoegaze du Brésil. L'année suivante, sort leur premier album, hommage à My Bloody Valentine (ce qui sera revendiqué par les auteurs eux-même). Le trio reçoit alors toute l'admiration du public, qui se déplace dans plusieurs Etats du Brésil pour les voir.
Low Dream signe alors sur Midsummer Madness, label important puisqu'il héberge la plupart des groupes shoegaze brésilien, comme Old Magic Pallas ou Brincando de Deus. Le deuxième album sort en 1996 : il sera davantage mélodieux, davantage pop, bénéficiera d'un son plus clair, et nécessitera de l'apport d'un quatrième membre, le guitariste Eduardo Luiz, fraîchement débarqué d'Europe. Il sera une parfaite réussite et un des meilleurs albums du rock indé au Brésil.
Malheureusement le manque de structure efficace de diffusion au pays et le manque de place médiatique accordé au rock indé, entraîneront la séparation du groupe, qui aboutira fatalement après une longue période d'inactivité et de silence radio, malgré le projet parallèle Magneto. Seul Guilliano arrivera à tirer son épingle du jeu, en devenant, sous le nom de DJ Hooper, un des plus intéressants artistes électro de Brasilia.

Source : biographie

28 septembre 2011

Low Dream : Between my dreams and the real things


Between my dreams and the real things de Low Dream

Sortie : 1994
Produit par Low Dream
Label : Rock it!

« Sugar », « Dream », « Butterfly », « Precious Love », «Treasure», «Candy» : lorsque l’on s’attarde sur les titres employées pour ce premier album, on se rend bien compte de l’illusion encore prégnante chez ces jeunes garçons. Un domaine remplis de rêve, d’innocence et de désirs fous de tout embrasser d’un seul coup d’un seul, avec des guitares qu’on saturerait à fond.
D’ailleurs, souvent, le rythme est emballé, comme si les musiciens n’avaient que trop attendus pour s’exprimer, frappant les caisses à une vitesse accélérée, et maintenant une saturation envahissante tout du long. Les morceaux sont courts, punchy, vite commencés et vite finis. « Sugar Drop », « I had never had sugar dream », avec sa voix grave et soufflée, « Watching Caroline’s dream », mené tambour battant, autant de chansons raccourcies qui témoignent d’une envie de se lancer en avant. A lui seul, l’indépassable « Lose my dreams (in a deep blue sky ») et son refrain inoubliable, résume la conquête folle d’une jeunesse insouciante, éprise de romantisme et d’illusion.
Alors bien-sûr tout n’est pas encore parfait, quelques réglages sont de mises au cours de ce premier album, trop court assurément, et les mélodies semblent pour le moment jetées en pâture aux grosses guitares qui déboulent. La tendance compulsive de mettre le volume à fond est le signe d’une jeunesse pas encore maîtresse d’elle-même. Ceci dit, chez Low Dream, on note une grande pudeur et beaucoup de douceur. Une ambivalence incroyable se créé lorsque les voix douces et presque inaudibles se doivent affronter des distorsions folles et un brouillage de tous les instants (« Candy » ou « Chasing a butterfly », superbe).
Certains titres illustrent ainsi parfaitement ce contraste typique du shoegazing, dans lequel s’inscrit en plein Low Dream à ses débuts, entre une urgence folle d’attraper le monde avec ses mains, et une retenue pudique d’angelots. « My garden » semble tout droit sortir d’un rêve, et le texte presque parlé vient renforcer cette poésie magnifique. Quant à « Only I finest breeze », le brouillage de saturation reste malgré tout extrêmement doux, ce qui convient parfaitement à un chant lascif et reposé, dont les fins de phrase s’envolent dans une montée liquéfié, presque absente.

Fiche artiste de Beatnik Filmstars


Beatnik Filmstars

Souvent considéré comme le Guided by Voices anglais, pour son incroyable profusion d'albums et d'EPs, tous dans un style purement lo-fi, Beatnik Filmstars n'est pas un groupe très connu mais c'est certainement un groupe culte.
Difficile de les suivre, puisqu'ils signeront sur (presque) tous les labels indépendants de l'époque, entre Slumberland, Merge, Landspeed ou encore La-Di-Da Productions, accompagneront leurs albums d'autant de singles et autres faces-b, et se maintiendront avec une fidélité sans faille à une esthétique économique, débrouillarde, brouillone. La pop anglaise aura le droit à être raccourcie, rapiécée et malmenée par des guitares crasses qui doivent autant à Pavement qu'aux Weeding Present.
Mené par le génial Andrew Jarett (chanteur, guitariste et compositeur), le groupe de Bristol aura laissé derrière lui une immense discographie pour devenir la formation la plus américaine des formations anglaises.
Les débuts, au commencement des années 90, seront eux plus obscurs, avec un premier album quasiment introuvable, un premier single indie sur le label Summershine, puis un deuxième single, shoegaze cette fois-ci. Ensuite Beatnik Filmstars gardera les grosses guitares, les distorsions et le son noisy mais cette fois-ci pour un esprit beaucoup plus fun et décontracté. Le très bon "Laid Bach & English", paru en 1993, sera ainsi le premier d'une longue série d'albums trop souvent négligés mais à découvrir.

26 septembre 2011

Low Dream : Reaching for balloons


Reaching for balloons de Low Dream

Sortie : 1996
Produit par Low Dream
Label : Midsummer Madness

Des guitares saturées, tout ampli à fond, un riff entrainant, immédiat, charmeur dès les premières secondes, sans réfléchir, un style léger, gonflé, percutant, des voix douces, en retrait, allumées et mixées, qu’on retrouve sur des titres comme « Ballon Head » ou encore « What we feel », une simplicité essentielle qui sera la marque de fabrique de ce sympathique groupe brésilien. La formule petit riff délicat/gros riff tapageur marche parfaitement, sur des morceaux comme « Acid Trip Smile » ou encore le superbe « These little things touch me everytime », spacial, dont le chant est déformée, presque robotique, le riff lunaire et les saturations big big big.
Sur ce deuxième album, on sent que le son est plus léché et les mélodies plus évidentes. Low Dream a le mérite de revenir aux fondamentaux, de faire simple, de conjuguer basiquement le plaisir brute de faire cracher les guitares et de garder malgré tout le goût pour les mélodies pop trop souvent oubliées, celles avec un couplet, un refrain plus lourd et éventuellement un pont. On sent énormément d’insouciance dans ce principe là, de la fraîcheur, de la jeunesse, de l’authenticité. Low Dream ne se prend pas la tête, quitte à livrer quelques surprises, comme ce psychédélique « Ultra violet », assez kautrock dans le fond à bien y regarder. Ou encore l’étonnant « Trois millions d’étoiles », avec ce chant en français s’il-vous-plait, innocente chanson twee, bercé par un clavier très kitch et de temps à autres balayée de grosses guitares.
Ce maintien de l’innocence (la voix de chérubin, les petits riffs tout mignon tout plein), malgré le défilé des guitares vigoureuses et distordues, donne beaucoup de charme à Low Dream. Le groupe signe des titres power-pop/shoegaze dans une folle conquête étudiante impossible et c’est ce jeté sans calcul, au nom du simple plaisir du faire du rock qui rend cette musique si plaisante.
On se prend du coup beaucoup d’affection pour ces chansons, de la trempe de « Rocket Ride », pourtant très twee dans le fond (on se dit que cela faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu une Rickenbaueur, des tambourins et des mélodies à la Another Sunny Day ou Brighter), avec un petit clavier discret juste comme il faut et surtout une voix magnifique, douce, légère, très chaude, dont on sentirait presque le souffle tant il est prononcé. « From the ocean you bewitched eyes», sous ces airs de titre évanescent, estival, insouciant et romantique, reste tout de même un superbe titre pop, l’essence même de ce que la pop devrait être, dans sa simplicité, une mélodie géniale, zébrée par des guitares saturées.