22 décembre 2010

Fiche artiste de Lovesliescrushing



Lovesliescrushing


Composé de Scott Cortez et Melissa Arpin (couple dans la vie) mais aussi d’une pédale steel, véritable troisième membre, Lovesliescrushing se forme à l’hiver 91 dans le Michigan. Avec pour seuls artifices une guitare, des reverb, et un delay de 0,8 secondes, ils façonnent de nouvelles structures au format rock habituel, le tout sur une 4-pistes.
Le duo déménage à Tuscon et enregistre là-bas à l’été 92 une démo de Bloweyelashwish, collage de plusieurs bricoles désunies, ce qui leur permet de signer sur Projekt Records. Cette démo fut alors, à titre expérimental, remixée et enregistrée à nouveau. Dans le même temps, le duo fait un ou deux show, ouvrant le groupe Low, notamment, même s’il est difficile pour eux d’exprimer l’étendu de leur déferlante de bruits sur scène.
Après avoir assuré la promo de l’album, le groupe quitte Tuscon en 95, non sans avoir auparavant sauvegardé leurs nouvelles chansons sur un ordinateur portable. Au retour dans le Michigan, Scott et Melissa se séparent.
Quelques temps après Scott se lie d’amitié avec Andrew Prinz (qui deviendra son collocataire) et sa petite amie Allysa Brown. Avec eux, Lovesliescrushing prendra plus de consistance sur scène et de nombreux concerts auront lieu à Pittsburg ou New-York, encadrant la sortie d’un deuxième album. Dans le même temps, Scott se consacre à son autre projet : Astrobrite.
Puis en 97, après un passage à Chicago, Scott atterrit dans l’Ohio, où il traversera un profond passage à vide, déprimant seul chez lui et vivant des rentes de Lovesliescrushing, sombrant même dans l’alcool et rompant l’ennui de temps à autre par des aventures. Touchant le fond, Scott retourne à Chicago pour démarrer une nouvelle vie.
De nombreuses collaborations voient alors le jour, ainsi que de nouveaux albums de Lovesliescrushing, dont un entièrement a capella, en 2005.


Lovesliescrushing : Xuvetyn


Xuvetyn de Lovesliescrushing

Sortie : 1996
Produit par Scott Cortez
Label : Projekt

Lovesliescrushing possède la manie de ne pas vouloir se faire comprendre. C'est assez déstabilisant comme approche - on peut difficilement faire plus abscon comme musique - mais tout aussi fascinant quelque part.
Des paroles incompréhensibles, psamoldiées dans un râle suave et mixées très, mais alors très très, en retrait jusqu'à l'absence complète de support rythmique, voire même mélodique, le style éthéré du duo américain ressemble à une sorte de léthargie. Entrecoupées d'interludes très courts, où ne subsistent que des grondements électriques, des brides de distorsions étouffées ou quelques brouillages sorties des mondes féeriques, les chansons de l'album ne reposent sur rien, sur strictement rien. C'est suffisament déroutant pour le signaler.
En terme de lignes d'harmonie, on a le droit à des samples tremblotant, vaporeux, uniformes et constant, imposant un nuage frémissant. On ne peut même plus parler d'ambient puisque tout s'évanouit sous les bruits sourds de soucoupes volantes qui décollent, d'échos synthétiques provenant de très très loin, ou de mousses de savon à la texture si légère qu'on la traverse sans peine. De là, de ces nappes mélangées entre drones grondant et échos de brouillard magique, de ce décharnement extrême, émerge une sensation de flottement iréel. Comme si on écoutait la bande-son d'un rêve fantastique.
Une drôle de texture se forme, un mélange de fluide et de tressautement, qui patauge, s'imisce et disparait très vite, à la densité proche du zéro absolu, entre les chants indistinct mais léger comme tout, angélique et fondant, et les notes de distorsions d'une fluidité extrême, maintenues dans un registre constant, tissant des ambiances cotonneuses.
Impossible de trouver des repères, un semblant d'éléments solides sur lesquels s'appuyer, un contour bien défini avec des variations, des hauts et des bas : ici, tout est constant, tout est morne, tout s'évapore et rampe et se faufile comme du gaz. A tel point d'ailleurs qu'on cède : la musique de Lovesliescrushing est à ce point floue qu'on en devient passif. C'est alors la musique qui nous envahit et qui prend forme autour de nous. Pas de contour, ni d'allure, mais par contre une consistance : molle, vaporeuse, gazeuse. On la sent, ça frétille, ça coule, ça s'étend, on peut y plonger les bras et traverser de part en part, ça chatouille en passant.
Bien sûr incompréhensible et totalement réfractaire à toute forme d'analyse ou de décryptage, cet album référence du genre n'en demeure pas moins incroyablement dépaysant, avec cette recherche systématique de faire se mouvoir l'informe.