31 janvier 2012

Fiche artiste de Suredo


Suredo

Suredo est un groupe qui s'est formé à Linköping, en Suède, en 1989, par trois amis, Ulf Stenport, Mikael Myrnets et Anders Arfvidsson. Au début, ils cherchaient une bassiste, mais comme la fille qu'ils voulaient vraiment a fini par leur tourner le dos (Eva, bassiste d'Abdulah), ils se sont rabattu sur Anders Mobjörk. Ce qui s'est révélé un très bon choix, le bassiste ayant un charisme androgyne et une voix incroyable. De tous, il était le seul à avoir déjà tourné dans des groupes et même à avoir enregistré un album.
Ils décident donc de s'inspirer des nouvelles tendances shoegaze afin de créer un nouveau son pop en Suède. Début 1990, ils sortent une première démo, "Sure do is manhate", dont ils tireront leur nom : en effet, c'est Anders Arfvidsson qui est chargé de la pochette et celui-ci oublie l'espace entre Sure et Do.
Ils envoient la cassette à une radio qui la diffuse alors dans l'émission "Bommen", ce qui attire alors quelques labels et permet d'avoir un bon papier dans le fanzine "Sound Affects". Ils signent alors sur la petite structure Ceilidh Production (qui s'occupait des débuts de Brainpool, Cardigans, Happydeadman ; on a connu des catalogues bien plus fades...) et en 1992, ils sortent alors leur premier EP "Swell", suivi d'un an plus tard d'un premier album, "Whatahandsomeface ?".
Mais 1994 sera fatal pour le groupe : Mikael déménage à Stockholm pour y fonder un nouveau groupe et Anders Arfvidsson s'en va en Finlande pour y étudier l'Art. Même s'il est remplacé par Markus Lindén, Suredo splite en 1995, après avoir enregistré un nouvel EP qui ne sera jamais publié.

28 janvier 2012

Suredo : Swell EP




Swell EP de Suredo

Sortie : 1992
Produit par Mike Herrström
Label : Ceilidh Productions

On a souvent reproché au shoegaze un certain manqué de lisibilité. Une tendance à rendre la pop plus bruyante et compliquée. Le choix d’un chemin plus tortueux, évanescent, sans fil directeur, au mépris d’une mélodie simple et claire, a pu en effet être mal perçu par les amateurs, davantage réceptif à l’évidence et à une logique carrée.
Mais ce sont ces mêmes travers qui font du shoegaze un genre si unique et si décalée. Une utilisation si particulière des guitares, qui scintillent comme des étoiles, ou tremblotent comme des loupiottes, de façon à distiller une ambiance rugissante et perverse. C’est comme si la beauté voulait s’enfuir, se muer en une autre forme, qu’elle se laissait envahir de glissades.
Les accélérations à la batterie, les intrusions de saturations, les successions de petits arpèges, le mur du son incroyable qui se développe, les interventions féminines, les changements incessant de rythmes et d’ambiances, donne une couleur incroyable à un titre pourtant aussi dynamique que « Harmonizer ».
Au cours de cet EP de seulement quatre titres, qui respectent intégralement le style shoegaze alors en vogue à cette époque, Suredo fait de vrombissement, de hachures, de recouvrement, d’intrusions, des moments de pures grâces infernales. « Levitate my heart » est une vraie démonstration faisant la part belle aux guitares, successivement claires, spatiales, langoureuses, lourdes, déformées, rugissantes, bizarroïdes, métalliques, parfois en même temps. Les mélodies, pourtant claires, s’y noient, se perdent, s’y fondent avec délectation et avec une grâce sans pareille.
Ce premier EP, encore proche de My Bloody Valentine, est un manifeste talentueux en faveur de la pop, brouillon, débraillé et jeune. Cela regorge d’enthousiasme, à l’instar de « Inside your eyes » : guitares claires, chant doux et léger, traversé de saturations qui dérapent, glissent et suintent de mille éclats abrasifs, pour installer et offrir au refrain les apparats qu’il mérite.
« Sonic Atmosphere » (qui porte bien son nom) est un vrai sommet, une des plus grandes chansons shoegaze jamais écrite, totalement représentative du courant, où tout y est. La mélodie est addictive, avec son chant soufflé et ses voix féminines sucrées, elle devient d’ailleurs davantage jubilatoire à mesure que les distorsions viennent s’ajouter ou que la batterie ne se réfrène plus de cogner. Ce titre euphorique est la preuve d’une telle audace ! C’est tout autant complexe qu’ingénu. Il n’y aucune limite aux explosions de guitares, ce qui rend les choses si magiques, on attend plus qu’une chose, c’est d’être entièrement recouvert par ces saturations tout droit sorties d’un rêve.
La scène indé suédoise, à ses débuts, regorgeait de groupes talentueux, adeptes d’un shoegaze vivifiant, électrique, frondeur. Suredo en faisait partie.

Suredo : Whatahandsomeface?



Whatahandsomeface? de Suredo

Sortie : 1993
Produit par Micke Herrström
Label : Ceilidh Productions

S’inscrivant en plein dans la scène indie suédoise en ce début des années 90, Suredo pratiquait une musique enjouée, avenante et surtout très bruyante.
Les accents power-pop sont ici plutôt prononcés, avec des mélodies faciles, vives, évidentes à cerner, contenues dans de très courtes chansons (entre deux et trois minutes) qui visent juste. « Pullower » ou « Spare my logic » sont des sortes d’éjaculation précoce de guitares brouillonnes et saturées, qui rappellent la bonne époque de Dinosaur Jr. C’est crade, pêchu, mais ça contient aussi un je-ne-sais-quoi de rafraîchissant, une sorte de fougue que seuls les jeunes peuvent avoir. Des musiciens qui réussissent à signer en une minute trente chrono une chanson mémorable au refrain qui reste dans les têtes (« Byes »).
Mais Suredo, très bon groupe suédois mais très méconnu aussi (l’un ne va pas sans l’autre) n’oublie pas aussi ses influences plus proches : Easy, Popsicle, Ride, The Boo Radleys. Après tout, rien de plus normal puisqu'ils possèdent Micke Herrström aux manettes, l'homme responsable du son shoegaze en Suède (avec Popsicle notamment). Ils se permettent ainsi d’utiliser leurs guitares pour de plus longs morceaux qui font la part belle à l’évasion et à la magie. Malgré l'approximation, cela renforce le côté impulsif du groupe. On capte sur le vif une envie folle de secouer, de faire tourner les têtes, de proposer une poésie bouillonnante et chaude, grossière mais pleine de bonnes intentions.
On peut retenir « Here on my own », toute lente, avec une petite mélodie adorable avant qu’un tonnerre de saturations ne s’abattent et qu’un solo ne s’immisce ou bien « Down-come », avec sa petite voix noyée sous les distorsions qui surviennent de nulle part.
Quant à « Childlike », c’est un véritable tour de force : démarrant langoureusement sur des chants adoucis et enfumés, dépassés par des nappes de guitares, la chanson se finit sur de longues minutes harassantes de distorsions, feed-back et autres saturations… A en filer le tournis !
Suredo, avec sa maladresse, son manque de retenu et son envie contagieuse de tout faire d’un coup, remet en tout cas la guitare au centre de la chanson, ce qui est finalement bien là l’essentiel. En surchargeant son volume sonore, en empilant les couches et en ne proposant que des solos saturées, le jeune groupe suédois fait tout simplement rêver tout amateur de rock indé. A titre d’exemple, « Ultramarine », magnifique titre de conclusion, aux voix langoureuses, sucrées, et aux guitares aériennes, magiques, qui évoque les plus belles heures de Ride.

23 janvier 2012

Fiche artiste de Popsicle


Popsicle

Bien qu'ayant été fondateur de la scène indie suédoise avec d'autres groupes comme The Drowners, The Wannadies, This Perfect Day ou Brainpool, ce quartet originaire de Piteå n'aura finalement connu le succès que bien plus tard, avec leur tube "Not Forever", un superbe titre power-pop, arrivé en 1996 mais qui n'a rien à envier aux maitres du genre anglo-saxons.
A leur début, le groupe était tout autant influencé par Sugar, Teenage Fanclub, que par My Bloody Valentine ou Ride. Il allait alors contribuer au riche catalogue de West Side Fabrication (label culte faut-il le préciser) avec une cassette en 1992 avant de signer pour Telegram Records, une filiale suédoise d'une major. Avec eux, plus d'ouvertures vers le côté power-pop, une pléiade de singles et quelques albums très réussis. Seulement le groupe fut surtout connu pour les déclarations chocs de son leader, Fredrick Norberg, n'hésitant pas à souhaiter en interview "que les membres de Arvingana se plantent dans un accident de car", humour que les intéressés aprécieront...
C'est lui qui écrivait également les chansons, avec l'aide de Andreas Mattson, et tout deux se partageaient également les parties de chant. A la basse, on avait Kenneth Wilkstrom et à la batterie, PA Wikander. Alors forcément, lorsque Fredrick se décidera à partir en 1999, c'est tout simplement le groupe qui prenait fin.

Popsicle : Lacquer


Lacquer de Popsicle
Coup de coeur ! 

Sortie : 1992
Produit par Adam Kviman et Micke Herrström
Label : Telegram Records
Chainon manquant entre le shoegaze de Ride et la power-pop de Teenage Fanclub, ce groupe suédois n’a pas connu le même rayonnement. Pourtant toute la décennie 90’S est contenue dans cet album. Dépositaire du son si particulier de cette époque, à la fois insouciant et bruyant, Popsicle va résumer les aspirations de toute une génération, avec une facilité déconcertante.
Car c’est probablement cela qui sidère le plus : Popsicle est une machine à pop-song irrésistibles ! Tout coule de source, tout semble évident, tout rayonne. Le plaisir est toujours intact même en multipliant les écoutes. On a beau dépasser un nombre raisonnable, qu’il est bon de se laisser entrainer par ces guitares cradingues qui partent dans tous les sens, par ces mélodies chatoyantes et vives, ces voix à côté de la plaque d’une douceur mièvre, limite crâneuse.
« Hey Princess » ne laisse pas le choix à l’auditeur, obligé à adhérer : après une intro frondeuse, à la mélodie prenante, une fois qu’on est pris et qu’on sent qu’on ne décrochera plus, Popsicle lance des guitares sèches, des harmonies vocales magiques, et un sens de refrain qui s’est perdu à l’heure actuelle du réchauffé et du mainstream.
C'est frais, lumineux, joyeux. On pourra prétexter bien sûr que tout ceci est anti-punk, Lacquer allie pourtant à merveille les guitares noisy et les mélodies miraculeuses de simplicité, pour un pur régal pop. Force est de reconnaitre que le charme est bien présent. Les mélodies sont ébouriffantes, vite prenantes, surtout lorsque les morceaux sont lancés à la vitesse de l’éclair. C’en est presque désarmant. Mais tellement addictif ! Sous la main-mise des guitares, qui alternent arpèges et tempêtes indomptables, le quartet écossais enchaîne les titres superbes, à faire rougir les songwriters. On retrouvera partout un sens de l’accroche, avec guitares sèches, guitares claires et chants savoureux, simplistes, benêts, complété d’une liberté totale dans l’utilisation du mur du son et des saturations. Du génial "Popcorn" à "A song called liberty" en passant par "How come we" (et ses chœurs féminins de toute beauté), on se laisse entraîner par ce ton léger et vibrant. Les harmonies vocales sont magnifiques et transforment le ton nerveux présidé par les guitares en ambiance délicieusement sucrée. Emmitouflé dans un gros son déployé, le groupe suédois exhibe sans retenue un goût certains pour les trésors mélodiques.
Comment ne pas citer « Pale Honey », sorte d’hymne générationnel à reprendre en chœur, d’une suavité trompeuse et adorable, noyée sous un flot ininterrompu de guitares et des beats surmultipliés ? Comment passer à côté de « Bird », magnifique ballade romantique et pleine d’entrain, aux paroles amoureuses et naïves, mais si vraies qu’elles résonnent encore en écho ? Comment négliger un titre comme « Slow », complexe, noir et qui s’illumine progressivement à mesure que le mur du son s’impose ?
Tous concourent à faire de cet album un vrai trésor caché du rock indépendant suédois, et du shoegaze en général. On ne sait plus en faire des comme ça. C’est triste mais c’est ainsi : il y avait à l’époque une telle insouciance, une telle permissivité, une telle volonté de positiver. Mais c’est grâce à ces jeunes garçons qui n’avaient pas peur de passer pour niais qu’on a eu le droit à quelques unes des plus belles parties de guitares qui nous aient été donné d’entendre
!