18 décembre 2017

Fiche artiste de The Prayer Chain

The Prayer Chain

Les groupes shoegaze ont beaucoup souffert en général. Mais peut-être pas autant que ce groupe chrétien, chef de file du mouvement suite à son célèbre album grungy "Shawl" en 1993, qui a pourtant décidé contre toute attente de changer radicalement de style.
Plus noir, plus torturé, plus bruitiste, rêveur et expérimental, son deuxième album, "Mercury", passe mal auprès des opinions conservatrices. Il aura beau être jugé a posteriori comme une pièce maîtresse du rock indépendant, il fut conspué, décrié, sous-estimé, la faute aux saturations et convocations d'instruments tribaux.

The Prayer Chain : Mercury

Mercury de The Prayer Chain

Date : 1995
Production : Chris Colbert
Label : Reunion

Un album remuant, animal, qui prend aux tripes, avec sa rudesse, son rythme tribal. « Waterdogs » n’offre que du noise et des saturations, pour des riffs noirs et un chant venimeux. Tandis que « Sun stoned » est une longue incantation, transcendantale, lente, aux échos indiens, jusqu’à n’arrivent un mur du son crescendo raboteux.
On dit souvent que le shoegaze est cérébral, fait appel à l’intellectuel, ici, on touche le côté viscéral, pulsionnel et instinctif, pour renouer avec ses racines. La basse profonde, les caisses de batterie frappées avec aplomb, ce suspens vaporeux installent le décor pour l’arrivée d’un refrain où on libère ses expressions à coup de mur du son féérique et de longues vocalises « aaaaaaaaaaaaaah » rédemptrices (« Grylliade »). On est pris de convulsions magiques à l’écoute du splendide « Bendy Line », avec ses percussions, ses violons, son clavier, sa voix féminine de toute beauté, qui ressemble à une longue prière invoquant la grâce et qui se terminera par une montée en puissance. Parfois cette recherche expérimentale pourra être difficile, comme des épreuves ou des nuages, à l’instar de l’avant-gardiste « Humb » ou de « Manta Rae », couvert de saturations et où les cithares ont peine à surnager, tout comme une voix angélique. Pour appuyer ses propos, The Prayer Chain utilisera énormément d’inspirations orientales et/ou africaines, des percussions, des bruits blancs et des voix soufflées. En cela, le groupe ressemble parfois à ce que faisaient les groupes prog. En témoigne le superbe « Creole », aux voix adoucies, dont la langueur et les guitares féériques rappellent Levitation, The Verve ou Catherine Wheel.

 Une synthèse entre les fondamentaux rythmiques et mystiques et des distorsions modernes et bruyantes pour accéder à une sorte d’universalité. Afin que tout le monde puisse comprendre les émotions déployées : prière, colère, doute, évasion.