16 mai 2011

The Lavender Faction : Ride EP


Ride EP de The Lavender Faction

Sortie : 1990
Produit par Dave Lusty
Label : Lust Recordings


A chaque fois qu’on écoute ce tout premier titre, « Ride », incarnant tant la jeunesse populaire, celle des écartés et des éconduits, on se plonge dans l’essence même du shoegaze, ce vacarme innocent, ces mélodies crasseuses.
La plupart des groupes shoegaze sont demeurés inconnus, cantonnés à faire quelques bars et à sortir quelques singles. Pourtant, c’est justement avec ces groupes-là, lavés de toute grossièreté, qu’on découvre l’esprit préservé du style : une envie de faire crisser les guitares, écraser la batterie de manière solennelle, tout en susurrant des mélodies magnifiques.
The Lavender Faction ne déroge pas à la règle et avec son boucan, son tourbillon, sa façon troublante de ne jamais élever la voix alors que les guitares sont distordues et bruyantes, le groupe incarnera ce qu’était réellement le shoegaze.
Beaucoup de gens les ont oubliés par la suite et il ne restera du shoegaze que des préjugés. Tandis que ces deux chansons, encore primesautières, reviennent aux fondamentaux. « Back to yesterday » ne fait qu’indiquer que les garçons de The Lavender Faction ne sont que des jeunes qui ne savent pas vivre sans guitare. Qu’ils n’ont aucune autre ambition que de les brancher, dans un bar, après avoir avalés quelques choppes de bières, oubliant de diminuer le volume des amplis, pour lover de chères mélodies dans un marasme crispant.

15 mai 2011

The Lavender Faction : In my mind EP


In my mind EP de The Lavender Faction

Sortie : 1990
Produit par David Lusty
Label : Lust Recordings

Le shoegaze repose sur un principe simple : ne pas faire de bruit pour faire du bruit.
Tout s’efface devant les guitares, les coups de caisse et la vigueur naïve d’une aspiration juvénile, et le regard se baisse, les voix s’adoucissent et la fierté s’évanouit. Difficile ensuite d’imposer au public du charisme. Et souvent le mouvement shoegaze a été regardé avec condescendance. Comme s’il fallait, pour susciter l’attrait, avoir une attitude de poseur et une clarté séductrice dans le son.
Pourtant, dans le shoegaze, l’ambition démesurée existe et elle se manifeste par un assemblage extravagant d’instruments électriques et rythmiques. Les tourbillons extraits, particulièrement fascinant, témoignent d’une fougue, presque indomptée. Mais toujours diluée par une posture tranquille, évasive et apaisante. Ce contraste renforce davantage cette force. Le shoegaze manie les codes du rock et les sublime, en ne se refusant rien, mais sans s’afficher, sans utiliser cet impact pour en tirer profit.
The Lavender Faction, groupe qui n’a jamais connu le moindre succès, bénéficie alors d’une simplicité essentielle. Loin des tracas commerciaux, loin du succès, le groupe se contente d’aller à l’essentiel. Evidemment, c’est sous-produit, évidemment, pour l’instant, les guitares s’emballent, mais une certaine nonchalance dans le chant permet d’aboutir à des chansons géniales de fraîcheur, un peu grossière mais aussi un peu voilé. On trouve autant de douceur cajolante que de défonce instrumentale dans des titres comme le génial « In my mind » (et son tumulte mordant) et comme « Harbour Me ».
C’est une reconnaissance qu’on oublie si vite : le shoegaze, c’est une affaire de guitare. Les gens qui ont pu regarder d’un mauvais œil ce mouvement ont occulté ce fait, ces entrelacs de guitares distordus, cette impulsion géniale à laisser les amplis à fond, cette fougue emportée, pour pointer plutôt l’attitude et la mise en scène. En ne répondant pas aux standards poseurs, les musiciens shoegaze sont retournés aux fondamentaux. De même qu’en abaissant le volume sonore du chant, léger et presque fatigué (« Something I see »), The Lavender Faction remet en avant les guitares, la basse et la batterie. Et c’est encore ce qu’il y a de mieux.

The Lavender Faction : Four riffs for Joe EP


Four riffs for Joe EP de The Lavender Faction

Sortie : 1991
Produit par Dave Lusty
Label : Lust Recordings

The Lavender Faction signe là quelques unes de ses meilleures chansons. Ayant gardé son style précoce, une production simple, une composition teintée de candeur, le groupe fait crisser les guitares et enchaîne les riffs sur un rythme fracassant. Mais là où « Total Change » impose son tempo, le chant reste effacé, quelque peu désabusé. « Haze » possède un tempo alangui et laisse couler un riff déglingué, titubant et hésitant tout en étant magnifique, initiant la voie à un superbe morceau honnête et simple de ballade rock, qui à chaque fois se verra plombé par une allure hachée. La fausse simplicité des chansons du groupe renvoie à la forme originelle du shoegaze. Sous-produit, avec un petit côté garage, légèrement crasseux tout en restant psychédélique et voluptueux (les superbes parties de guitares de « Was it you »), le recueil revient au basique et au merveilleux.
On note également qu’il n’est nullement question de s’affoler et de forcer le propos : toutes ces chansons, rondes et saturées de bruits, restent avant tout d’adorables compositions, adolescentes, touchantes et vibrantes. La magie opère dans son apparence la plus simple, la plus dépouillée, la plus proche des enregistrements studio, avec peu de moyens mais beaucoup de cœur. La photo de la pochette (signée J Oldshitz) efface le côté affrété et romantique du shoegaze pour ne retenir que les moyens basiques. Sans prétention aucune et sans les obligations d’une quête de succès, The Lavender Faction touche ainsi au plus juste. L’arrêt de l’envolée de « Crawl Down », charmante chanson en apparence, entraîne un ton plus désabusé, que vient souligner le chant tranquille, voilé, masqué par le mixage amateur, presque susurrant, un ton aussi splendide que quelque peu triste, ce qui en fait au final quelque chose de sincère et de superbe.
The Lavender Faction possède un côté touchant car derrière cette apparence de jeunes premiers, passant leur vie dans les salles de concert paumés, se révèlent une grande sensibilité, encore toute barbouillée, mal dégrossie et un peu imparfaite. Ce qui est d’autant plus stupéfiant, c’est que ce style va plomber encore plus l’Angleterre dans un marasme désabusé, ouvrant ainsi la porte à l’arrivée d’une Brit-Pop avenante, cette même Brit-Pop qui enterrera davantage ces groupes comme The Lavender Faction.

4 mai 2011

The Sunflowers : Closer EP


Closer EP de The Sunflowers

Sortie : 1991
Produit par Steve Mark
Label : Claw Fist

The Sunflowers fait parti des sans-grades, de ceux qui n’auront jamais sorti d’album et qui n’auront jamais fait de vraies salles de concerts. C’est dans les bars que le groupe s’est construit et cela s’entend.
Ce qui est fascinant avec ce groupe, c’est la hargne qu’ils mettent à capter l’attention et à maintenir une certaine idée de tension dans leurs compositions. Balancé à mille à l’heure, « Day into day » pourrait quasiment être un titre punk. L’énergie est communicative, hachée, emportée par son propre élan, propulsé par une morgue incroyable de petits voyous. On imagine sans peine le rendu en live, dans des conditions dantesques, telles qu’on pouvait les trouver dans ces bars de quartiers où la bière est moitié moins chers qu’en centre ville, dans ces clubs où les jeunes remuaient, époustouflés qu’ils étaient par cet assaut supersonique.
Ces gars-là se donnaient sans compter. Et c’est cette insouciance, associée à beaucoup de présomption, qui fait de « Closer », un titre sublime, entraîné par un rythme à la fois magique, dansant et remuant, des arpèges géniaux à la guitare, un chant rempli de fierté mal placée, des chœurs mélodieux et des saturations jouissives.
Le groupe turbine à fond et se renvoie coup sur coup, en se moquant des convenances. On aurait tant aimé que cela se poursuive indéfiniment.

2 mai 2011

The Sunflowers : It's only everything EP


It's only everything EP de The Sunflowers

Sortie : 1991
Produit par Steve Mark
Label : Claw Fist

Il est de tradition dans le rock anglais, de faire des ballades, mais des ballades rapiécées, jouées tambour battant et toute barbouillées. The Sunflowers, petit groupe sans prétention, est plutôt bon à ça. Reprenant leur répartition habituelle du vinyle single, une face plutôt calme, l’autre plutôt nerveuse, The Sunflowers signe deux titres superbes de shoegaze.
Le premier, le divin « It’s only everything », probablement leur meilleur morceau, se gorge de guitares saturées, jusqu’à emplir tout l’espace, mais n’oublie jamais un seul instant un certain côté enjôleur, sublimé et quelque peu magique, mais alors avec beaucoup de pudeur. Et ce qui en fait une chanson culte, parfaite pour définir ce qu’était réellement le shoegaze à cette époque bénite, c’est que ce côté alangui est joué avec une tendresse toute naïve, celle de jeunes désireux de faire avant tout cracher les guitares. La basse est splendide, elle se maintient durant tout le morceau malgré le recouvrement, tout comme cette merveilleuse guitare sèche qu’on devine à peine derrière les saturations, qui va conférer beaucoup d’émotions, repris par ce chant mi-ampoulé, mi-braillard. L’écriture qui mélange un sens inouï de la mélodie romantique et une volonté farouche de faire exploser les enceintes, est pourtant typique de l’Angleterre.
Car il ne faut pas l’oublier, les gosses de The Sunflowers sont avant tout des sales gosses, et ils le font bien savoir avec « Too far too fall ». Ce second titre dégage une pugnacité, un affront et une nervosité sans égale, sans que jamais le sens de la mélodie ne soit galvaudé : refrain rock digne des meilleurs concerts anglais, chant dédoublé et grandes bouffées de « aaaaaaaaaaaaaaaaah » revigorant, solos de guitares virevoltant et partant dans tous les sens, saturation et son particulièrement dense, on se régale ! Il n’y a qu’eux pour faire des ballades rock aussi criardes et vulgaires.