29 novembre 2008

Fiche artiste de The Earthmen



The Earthmen


Il est nécessaire de replacer l’Australie sur la carte de la pop. Ce pays a contribué à fournir de nombreux groupes originaux et capables de signer des tubes à la pelle. Mais rares sont ceux qui pensent à regarder ce qu’il se passe là-bas.
Pourtant, pendant une poignée de minutes (la durée en fait de leur premier single « Cool Chick #59 », sorti en 1991), The Earthmen aurait du être au sommet, être les rois. Englobant l’héritage sixties et la folie noisy qui sévissait en Angleterre au début des années 90, la formation de Melbourne composera quelques chansons terrifiantes d’énergie et de fouillie pop.
Alors qu’ils étaient encore gamins, Scott Stevens, Aaron Goldberg, Nick Batterham, Glen Petters et Eric Prentice, signe sur le label Summershine Records qui les aide à presser en vinyls leurs singles. Aux Etats-Unis, ils se font un petit nom, aidé par le label Slumberland qui édite leurs singles là-bas et Seed Records qui diffuse un recueil. D’ailleurs en 1994, ils feront une tournée aux Etats-Unis, avec Velocity Girl ou Jupiter Sun.
Complice de Drop City et formation culte en son pays, le groupe représente une frange affranchie de la pop australienne, influencée par ce qui se faisait ailleurs mais tiraillée par l’envie de s’en détacher. Seulement The Earthmen, avec son deuxième album « Loved Walked In » (avec sa pochette qui fit scandale, représentant un couple nu), souffrira inévitablement du jeu des comparaisons. Face à Blur, James, Manic Street Preachers et tant d’autres, The Earthmen ne fait pas le poids pour les gens. Un album chatoyant et frénétique dont la plupart passa à côté. Dommage.

28 novembre 2008

The Earthmen : Teen Sensations



Teen Sensations de The Earthmen

Sortie : 1993
Produit par The Earthmen
Label : Seed

« Teen sensations » et c’est bien de cela qu’il s’agit. Car au final, toute cette histoire, se réunir, s’exercer sur des guitares, répéter, se lancer dans des jams avec les potes, composer, cela ne reflète-t-il pas une ardente manifestation d’insouciance ?
Aucun soucis de vouloir révolutionner le monde ou ne serait-ce qu’apporter un semblant de remise en question ; le monde des adultes, celui avec tous les problèmes, les jeunes de The Earthmen s’en moquent, ils sont bien plus intéressés par leur riff ou trouver LA mélodie qui tue. Une bonne chanson, tout simplement, c’est cela l’important, c’est grâce à cela qu’on peut ouvrir des concerts, qu’on signe sur des labels, qu’on couche avec des groupies, qu’on peut frimer. Il faut alors s’en donner à cœur joie, faire cracher les guitares, faire parler son sens inné pour la pop, des Byrds aux Boo Radleys.
Dans leur quête débraillée de la chanson parfaite à faire pâlir les filles et à rendre vert de jalousie les garçons, The Earthmen signe quelques pépites encore joliment brouillonnes, comme « Staceys Cupboard », traversé d’éclairs brutaux, ou « Too Far Down » et les chœurs de Caroline.
Regroupant en partie les singles sortis aux Etats-Unis, « Teen sensations » est un recueil de tubes en puissance (le célèbre « Cool Chick #59 ») à la justesse mélodique stupéfiante. Avec de l’énergie à revendre, The Earthmen fait preuve d’une spontanéité telle qu’on a l’impression qu’ils sont les premiers et les seuls à évoluer dans ce registre et que tout était à inventer. Tout est là : les mélodies impeccables, simples et facilement accrocheuses, la douceur de la guitare sèche, les zébras noisy survoltés, le chant léger et encore adolescent. Mais attention, il ne faut pas se méprendre, le groupe ne se limite pas à cela : tantôt enjouées, tantôt douces-amères, les chansons de ce recueil s’emballent et laissent parler la personnalité de ses auteurs. On y retrouve du reste de superbes ballades pop-folk (« In the south ») ou d’incroyables moments d’émotions (l’intense crescendo de « Memento »).
A y réfléchir, il y a un peu l’esprit des Lemonheads là-dedans, ou ceux d’autres groupes australiens comme Drop City, les guitares noisy en plus, et une telle insouciance culottée, ça fait un bien fou !

25 novembre 2008

Fiche artiste de Submarine



Submarine


Le premier concert de Submarine a lieu en novembre 1989 au Léviathan, un pub au nord de Watford. Neil Haydock est alors au chant et à la guitare, Rob (dit Robbie) Harron à la basse et Jeff Townsin à la batterie. Le trio sort son premier single « Chemical Tester » à la fin de l’année 1992. D’autres suivent, comme « Dinosaurs », affirmant leur empreinte dans le rock anglais noisy, à la suite de formations comme My Bloody Valentine, Spacemen 3, Galaxie 500 ou Spirtualized. Même si Rob Harron se refuse à reconnaître des influences : « Franchement, on ne va pas s’asseoir et dire ‘’eh, on aimerait tellement sonner comme ce groupe-là’’ puis on s’y colle et on écrit des chansons dans un style précis. Nos chansons viennent juste comme ça. »[i] Ils sont remarqués par Keith Cleversley, des américains de Flaming Lips, qui leur propose de produire leur premier album, tout comme il a pu le proposer pour Spiritualized. Celui-ci, éponyme, sort en 1994 sur la petite structure Ultimate Records. Une maison de disque qui laissera carte blanche au groupe. Le bassiste, Rob Harron, confirmera : « Notre relation avec Ultimate n’était pas si mauvaise que ça. Ils avaient tendance à nous laisser nous débrouiller avec ce qu’on avait envie de faire. Tout ce qui concernait les pochettes d’album, les playlists, le choix des producteurs, relevait de nos propres décisions. Ils nous ont donné beaucoup de liberté. Vu la façon dont ça s’est fini, on peut même dire qu’on en a eu un peu trop ! » [ii] Le résultat est une claque psychédélique. Cathartique, il livre des morceaux percutants comme d’autres, plus longs et évasifs, qui se concluent par des moments de grâce. Pourtant, il ne fut pas écrit sous influence, comme le confirme Rob Harron : « Nos consommations quand on jouait en live ou lors des enregistrements, se limitaient à alcool/nicotine/caféine. Pas d’excès rock n’roll concernant les drogues, j’en ai peur, du moins pas lorsqu’on jouait... Comme disait Ringo Starr, si tu joues à l’état d’épave, la musique risque d’être sacrément merdique. »[iii] Submarine joue avec les climax. Il offre, avec patience, des montées langoureuses jusqu’à une libération somptueuse d’émotions. On distingue, derrière leur opacité psychédélique, des mélodies savamment construites d’une beauté triste et intense.
Aux Etats-Unis d’ailleurs, la même année, un recueil de tous leurs singles parait sur le label Fantastick. Durant leur carrière, Submarine fera un petit tour chez John Peel et enchaînera les concerts, notamment avec les Flaming Lips mais aussi avec Moose et Radiohead. Ils participeront également à une soirée rassemblant des groupes signés sur Ultimate, à savoir The Werefrogs et Sidi Bou Said. C’est en revenant d’une tournée avec le groupe de metal Tool, que Keith Cleversley leur propose d’enregistrer un deuxième album. Jeff Townsin a entre temps quitté le groupe pour être remplacé par Robert Haviss. Mais il ne verra jamais le jour. Submarine se sépare en 1995. Pourtant deux ans plus tard, Neil Haydock et Rob Harron sortent le single « She’s so fine », sous le nom de Jetboy DC. On retrouvera trace d’eux sur deux compilations, mais aucun album depuis. Qu’un tel groupe comme Submarine ait pu être à ce point négligé est une fatalité dure à admettre. Il faut pourtant se rendre à l’évidence, il n’y a aucun rapport entre la qualité de Submarine et l’étendu de sa reconnaissance actuelle. Il faut alors insister et insister encore pour ressortir ce groupe génial de l’oubli.



[i] Interview de Rob Harron, été 2003, [en ligne] http://home.comcast.net/~thades/taky/sub_interview/interview.htm
[ii] Idem
[iii] Idem


24 novembre 2008

Submarine : Kiss Me Till Yours Ears Burn Off



Kiss Me Till Yours Ears Burn Off de Submarine

Sortie : 1994
Produit par Keith Cleverley, Tim Summerhayes et Anjali Dutt
Label : Fantastik Records


C’est parfois sur un dérapage noisy incontrôlé, brouillon, voire séminal, que l’impact est le plus fort : les retenues pudiques se lâchent tout autant que les instruments, si bien qu’on assiste à une débandade telle que ne subsiste plus qu’un stupéfiant, et presque honteux, détachement. Les distorsions et le mur du son qui en découle se déploient de manière nonchalante, emplie de morgue mais aussi de paresse et d’affront. Souvent d’une beauté à couper le souffle, l’intensité prend toute sa mesure au grès des laisser-allers, des ajouts progressif ou des digressions vaporeuses.
Sur ses premiers singles, placés dans l’ordre chronologique ici, Submarine nous invite à l’évasion, au trip musical, à un moment unique composé de fuzz et de fumée. Plus question de redescendre.
Des guitares saturées aux tambourins, en passant par les voix mixées et fatiguées par les shoots successifs, on nage en plein psychédélisme total. On n’a rarement entendu bordel musical aussi jouissif.
Sur la base d’un rock, vrai, brut, celui où les guitares sonnent sales, Submarine décline tout un hommage aux drogues et aux effets qu’elles procurent. Chaque seconde de l’album réveille les sens, que ce soit dans la fureur d’une tempête sonore ou dans l’apaisement d’une douce complainte lyrique et poisseuse.
L’intro délicatement prenante de « Salty Killer Whales » fait dodeliner les têtes, dans une nonchalance digne de ce qui se fait de mieux en matière de cool attitude. Branleurs évasifs, paresseux sublimes, les gars de Submarine avaient tout compris. Bande passée à l’envers sur « Dinosaurs » avant l’entrée du riff superbe : c’est le retour du psychédélisme dans sa forme la plus absolue. Les guitares seront grasses et crades, le tempo tranquille et le chant langoureux comme mal articulé et légèrement traînard.
Bien que recueillant les premiers singles, certains en version live (le magnifique « Jodie Foster »), et les faces-b les accompagnant, le recueil vaut le détour : captivant de bout en bout, Submarine fait preuve d’une qualité de composition au-delà de la moyenne. Comment ce groupe a-t-il pu demeurer si longtemps dans l’ombre ? On se le demande encore. Car à l’heure du retour du psychédélisme en cuir, avec les excellents Black Rebel Motorcycle Club ou The Black Angels, il est judicieux de ne pas négliger Submarine, élément fondamental dans ce rock enfumé.
Le son de Submarine est cradingue, chargé et rempli de superbes parties saturées, mais toujours travaillées, captivantes et enivrantes. A l’instar de la ballade languissante « Learning to live with ghosts », dont la voix trafiquée, soufflée et légère file des frissons. Le mur du son se construit petit à petit, lentement, jusqu’à parvenir à des sommets de distorsions. Et ce le long de morceaux longs, qui n’hésitent pas à prendre leur temps. On savoure alors les délices que sont « Tugboat », aussi mou et désoeuvré que l’original signé Galaxie 500, choix de reprise qui n’est pas si étonnant vu que les membres de Submarine en étaient fans, ou encore « Pollen », écrit en 1993, tout en tremblement, mirage et évanescence, qui prend de plus en plus de poids à mesure que les minutes passent.
Aucune chance de reconnaître un hit potentiel, pourtant ces chansons sont toutes fascinantes. Le tour de force principal de ce groupe est d’arriver à aboutir à partir de saturations à un ensemble enchanteur, obscur et littéralement accrocheur. Il y a un risque d’y perdre son âme à force de côtoyer de telles bassesses psychédéliques, mais on serait prêt à le refaire dix mille fois s’il le fallait, ne serait-ce que pour prolonger le plaisir.

19 novembre 2008

Submarine : Submarine


Submarine
Coup de coeur !
Sortie : 1994
Produit par Keith Clerverley
Label : Ultimate


L’album démarre sur les chapeaux de roue avec un bon blues énervé et cradingue (« I can’t be satisfied »), aux guitares stridantes et au groove incroyable. Un style tout en recouvrement et énervement, une façon de prendre en otage l’espace sonore par des riffs gras et un son énorme (que l'on doit à Keith Cleversley, des Flaming Lips). L’effet de trip n’en est que plus saisissant encore. Véritable leçon de rock psychédélique, avec fumette, fuzz et fanges noisy, l’album de Submarine est étonnant : pas une seule faiblesse !
La transition avec « Electric Bathing », qui porte bien son nom, est imparable. Les chants déformés et semblant venir de l’espace et les bandes passées à l’envers créent une impression de flottement, aussitôt démolie par un assaut de distorsions incroyables et de riffs violent. Nerveux, tendu et pourtant éminemment psychédélique dans l’esprit, capable de suspendre le tempo pour mieux surprendre, cette chanson se laisse complètement aller.
Du coup, lorsque les quelques notes superbes de « Jnr. Elvis » retentissent dans un climat de torpeur, on est déjà bien loin, en train de planer, et la voix qui résonne et déclame des propos d’une douceur saisissante, parait venir de loin. C’est une impression de flottement qui nous saisit, renforcé par le rythme à la batterie lent et appliqué et les glissements des guitares. De temps en temps des avalanches de riffs saturées viennent exploser l’ensemble pour laisser exploser le stock émotionnel contenu en chacun de nous, dans une gerbe éclatante et kaléidoscopique. Le retour au calme se fait juste comme il faut, comme une descente d’acide.
A partir de là, complètement chamboulé et adhérant à l’univers opaque de Submarine, on se laisse pénétrer par le style superbe de « Empty », chanson magnifique, d’une majesté à couper le souffle, avec ses riffs saturées, sa paresse, ses chœurs d’anges camés jusqu’aux yeux.
« Lips and finger » assure la transition parfaitement, en reprenant le tempo indolent précédent mais en l’allongeant encore, et en s’épanchant sur une mélodie inouïe. Les guitares envahissent la chanson par moment mais s’effacent bien vite pour une suspension en apesanteur, avant que la ligne mélodique ne reprenne ses droits pour nous enchanter davantage. Somptueux avec son final tout en éclat et en surenchère, ce morceau langoureux et noisy serre les cœurs. On ne peut s’empêcher de retenir sa respiration. La conclusion où des « lalalaa » de drogués essayent de surnager par-dessus par un immense déballage shoegaze est tout bonnement d’une beauté absolue, quand bien même celle-ci se trouve être pernicieuse.
Le grand déballage sonore qu’est « Never be alright again » vrille la tête. Tout est lâché, sens dessus dessous. Ça crache, ça se veut brumeux, ça sent l’arrogance à plein nez, mais ça a surtout le mérite d’être accrocheur.
Et alors qu’on se remet à peine de ce voyage, l’album va finir en apothéose, avec l’extraordinaire et merveilleux « Pading », extrêmement lent et calme, mais dont le chant fatigué et doux, les réminiscences shoegaze, le claquement régulier de la cymbale, la délicate mélodie à la guitare sortie tout droit du ciel, les échos de violons d’une tristesse déchirante, charment immédiatement. L’arrivée des guitares fait rêver. Celles-ci s’imposent et emmènent l’auditeur ailleurs, un monde psychédélique, où des trompettes surviennent et où tout n’est que beauté. Le crescendo est saisissant et aboutit à une majesté saisissante, entêtante, qui fait des allers et venues.
Le titre suivant, le fameux « Jodie Foster », frappe encore plus fort. Démarrant sur des saturations mais sur un rythme indolent, celui-ci invite une guitare sèche à venir sublimer la grâce du morceau. Le chant est complètement ailleurs, plus aussi mordant que sur les autres, quasiment suave, soufflant des propos laconiques, tandis que les guitares vont venir emplir l’espace au cours d’une montée en puissance intense. Exaltantes comme étourdissantes, ces dernières minutes achèvent le voyage en une longue ostentation. Le climax atteint est tout bonnement incroyable et il faut bien de longue seconde où ne reste que la guitare sèche pour s’en remettre.
C’est sur une mélopée en fanfare que l’album s’achève : accompagnant un riff accrocheur, les instruments vont s’additionner un par un, tout d’abord les cymbales puis les caisses, puis les tambourins et une seconde guitare tout aussi magnifique de beauté triste, avant d’inclure trompettes et cuivres, puis des saturations noisy. Ce sommet psychédélique que représente « Alright Sunshine Song » représente la dernière étape du voyage. Un voyage dont on aura peine à se rétablir tant les beautés traversées auront été confondantes. Submarine, au travers sa musique, se calque sur les effets psychédéliques, d’où une certaine opacité, mais aussi une grâce sans pareille. On finit chamboulé et au bord des larmes.

12 novembre 2008

Fiche artiste de Aenone

Aenone

Quoi de mieux que le lycée pour échanger les disques de ses groupes favoris ? C’est en découvrant Sonic Youth ou My Bloody Valentine que bon nombre de jeunes ont eu envie de monter leur propre groupe.
Aenone démarre de cette manière en 1988 à New-York, dans le quartier de Nyack plus précisément, alors que Kreg Stern et Kim Collister étaient encore au lycée. Aenone est en réalité la première mouture du groupe Nyack, puisqu'on y retrouve quasiment tous les membres, première mouture éphémère, puisque n'ayant signé qu'un seul EP.
« Nous étions très fortement influencé par la scène shoegaze anglaise », racontera Kreg et le groupe devient alors un des premiers à faire rentrer le genre aux Etat-Unis. Après avoir cassé leur tirelire pour s’offrir un clavier, un Mac et un séquenceur, ils bricolent à la maison leurs premières démos. Déçus par le son lamentable qu’ils obtenaient, ils ont passés une petite annonce dans le Village Voice pour recruter un bassiste et un batteur. Bill Stair et Steve Crowley y répondent et rapidement ils décrochent leur premier concert au défunt Underworld, mythique petite salle de New-York, près de Broadway. Au sein du public, figuraient les habituels poivrots du bar, dont les membres de Lotion, qui accrochèrent à la musique virevoltante proposée par Aenone. Ils les soutiennent et se chargent d’envoyer leurs démos à Shymmidisk, le label de Kramer.
Les membres de Aenone enregistrent un EP de quatre titres sous sa houlette au sein même de son studio. S’enchaînent alors une série de concerts, avec entre autres Velocity Girl ou Medicine, et ils finissent par capter l’attention de l'Angleterre. « Notre manager a réussi à transmettre nos chansons à un représentant du label Echo, suite à un de nos concerts au CBGB’s ». Se rendant à Londres pour enregistrer avec Alan Moulder, ils sont obligés de laisser sur place leur batteur, qui préfère se consacrer à d’autres projets. Ils feront appel à Steve Ferrara pour le remplacer, ce qui les incitera à changer de nom. C’est en référence au quartier d’enfance de Kreg que Nyack sera choisi.

Aenone : Saints and Razors


Saints and Razors de Aenone

Sortie : 1993
Produit par Kramer

Label : Kokopop / Shimmydisc

Il est parfois étonnant de constater à quel point on peut faire du bruit, augmenter à fond le volume des amplis, jouer des saturations, et continuer malgré tout à se lover dans une douceur réconfortante.
A ce jeu, le jeune groupe new-yorkais se débrouille très bien.
Refusant de laisser ses guitares sur son clair, Aenone s’appuie sur une batterie simple mais précise qui lance un rythme mid-tempo et des riffs toujours brouillons mais ne s’écartant jamais d’une certaine marge mélodique. Un titre comme « Celestia » se révèle efficace sans varier sa formule, surchargeant un refrain clair et envoûtant par des guitares noisy. L’intro de « Gaze » est plus glacé, reposant sur la basse (constante sur toute la durée de la chanson), et ouvre un monde plus rêveur et enchanteur, que des saturations vont ensuite recouvrir. Le chant doux, léger et vaporeux, presque emprunté, va se laisser traîner pour dépeindre une mollesse adolescente saisissante de justesse. Sans conteste, le meilleur morceau de cet EP sympathique.
Le titre éponyme, en ouverture, se veut plus direct, plus accrocheur, plus virevoltant : dans ce tourbillon, seul finalement le chant reste monocorde dans la douceur. Quant à "Going Nowhere", cette gentille ballade convie à la fête tambourin, chant innocent et basse sautillante, compagnons d'un groove à base de distorsions.
Même si pour l’instant, le groupe répète ses gammes, leur personnalité peine à émerger. On se retrouve donc avec un ensemble de morceaux très agréables mais ayant du mal à proposer une nouveauté ou une remise en question du genre. Aenone a cependant le mérite de figurer parmi les premiers, et ce dès le tout début des années 90.

9 novembre 2008

Fiche artiste de Closedown


Closedown

C'est sans doute parce qu'il fut signé sur le label Silent, spécialisé dans l'ambient, que le groupe californien Closedown passa inaperçu, considéré comme un participant de plus à la vague electro.
Pourtant, clairement inspiré de Slowdive ou de Curve (dont une des chansons inspira le nom du groupe), la formation menée depuis le début des années 90 par Jerry Battle (voix et guitare) sera une des premières à utiliser les samples, les claviers et les guitares saturées comme des supports pour une musique relaxante, zen et presque proche du new age. La section rythmique sera elle assurée par le bassiste Fernando Benitez et le batteur James Moran, et Ceasar Betancourt sera crédité de certains traitements numériques, qui consisteront en réalité à reprendre et mixer des samples préparés par Jerry Battle.
A partir de 1993 et jusqu'à 1995, date de la séparation du groupe, Scott McDonald viendra apporter de l'aide, en ajoutant ses parties de guitare. On le retrouvera plus tard lorsqu'il quittera la Californie pour l'Arizona au sein de Alison's Halo, puis en compagnie de Brad Laner (ex-leader de Medicine) au sein de Amnesia à son retour. Personnage important et incontournable dans le paysage shoegaze américain, il fait aujourd'hui parti des Meeting Places.
"Nearfield" sera le seul album de Closedown, et malgré une chanson sur la compilation culte "Splashed with many checks", la formation finira bien vite par arrêter toute activité.

Closedown : Nearfield



Nearfield de Closedown

Sortie : 1994
Produit par Kim Cascone
Label : Silent

Le premier et le seul album de Closedown est tout en sourdine, un brin monotone, mais se prête à l’hypnose pour peu qu’on plonge dans ce climat, mélange flou entre le shoegaze et l’ambient.
Sans pic, ni heurt, la musique enfantée par Jerry Battle n’est qu’une succession de passages vaporeux, déliquescents, ténus, voire même miroitant. On ne peut rien retenir de tangible, de concret, à quoi se raccrocher. Mirages instrumentaux fait d’illusions de guitares, de claviers clapotant et de vapeurs d’eau de voix condensée, les chansons de Nearfield ne font que passer, et n’arrivent pas à s’inscrire. Il n’y là d’espace que pour la fluidité, la profondeur d’une basse (« Mouth »), l’étendue de guitares glacées (« Bumblebee ») ou la tristesse doucement déclamée par une voix qui, elle-même s’efface devant son propre souffle (« Sunangel Summer »).
Extrêmement relaxant et apaisant, ces successions de plages sonores, graciles mais profondes, allègent les pressions et laissent l’esprit sortir de ses étaux étriqués. Ses morceaux d’ambient ressemblent à de l’éther, des remous d’ondes ou des nappes de fluides inconnus mais ondulant. D’origine synthétique, essentiellement à base de samples de guitares et d’un rythmique souple, ils prennent pourtant une apparence organique presque troublante. Les échos de claviers évoquent de l’eau, les répétitions de guitares féeriques, des remous. Les saturations qui parfois les recouvrent, font penser à des caresses sylphidiennes, tout juste appuyées par les bruissements de la boite à rythme lorsque celle-ci est présente. Dérivant au sein de cet univers feutré, évoquant Slowdive ou Seefeel, on croirait entendre des enregistrements d’oiseaux (« Red Oval ») ou des rivières qui coulent (« Aquila »).
Et à la limite, l’élément le moins organique de l’album, serait peut-être la voix. Le chant est tellement doux et ouaté que l’on croirait entendre des souffles de chérubins venus du ciel.

7 novembre 2008

The Milk and Honey Band : Round the Sun



Round the Sun de The Milk and Honey Band

Sortie : 1994
Produit par Robert White
Label : Rough Trade

Ecris et composé par le seul Robert White, « Round the sun » est un album en marge : en marge des modes, en marge du groupe Levitation et probablement en marge de tout ce qui fait office de règles en matière de rock. Pas sûr que quelqu'un se soit rendu compte de l'existence de cet album. Le premier essai du groupe a fini par être abandonné.
D’ailleurs ce n’est pas un album à probablement parler puisque les chansons ont été écrites de façon éparse, au grès des humeurs et des lassitudes, à divers moments que l’on devine de solitude (cela s’entend), éparpillées entre 1992 et 1994. Cet aspect de vagabondage imprègne le recueil, les enregistrements étant fait maison, Robert White jouant même de tous les instruments et le son étant très dépouillé, oscillant quelque part entre un psychédélisme pastoral et un folk boisé très aérien.
En réalité, « Round the sun » n’a que très peu à voir avec le courant shoegaze : il ne s’en rapproche que par le chant, très vaporeux et doux. Il s’agit plus d’un psychédélisme très tranquille, qui n’hésite pas à s’égarer parfois. Bucolique et new age (le magnifique « Not Heaven »), la musique de The Milk and the Honey Band renoue avec quelque chose de simple, reposant et rassurant, quelque chose qui évoquerait l'évidence et le plaisir de s’évader dans un univers douillet.
Seul le plus conventionnel « Another Perfect Day » fait appel à un mur de guitares saturées. Mais le mot d’ordre général reste tout de même le dénuement.
Lorsque l’ensemble des arrangements s’effeuille et se déshabille, et qu’il ne reste qu’une belle guitare sèche, on aboutit à des ballades évanescentes mais magnifiques de pureté (« Tin Cars » ou bien « Out of nowhere »). Agrémenté d’échos lointain, le folk désabusé à tiroir de « Round the sun » est un modèle de beauté : on se prend à fermer les yeux et à se laisser dériver, accompagné par les vagues ouatés de la voix légère de Robert White, enregistrée plusieurs fois pour des dédoublements.
Composées entre deux concerts de Levitation ou seul à la maison, les chansons parviennent avec leur maigres moyens à dériver dans des expérimentaux planants, à l’instar de « Tea » et son xylophone, ou bien de « Pierview », sonate au piano et violons. Ces instrumentaux ne sont pas toujours évidents, sans dénoter cependant de l’impression de flottement ou de tranquillité qu’apporte l’album. Dans des notes crépusculaires et lugubres (le superbement ténébreux « Light »), Robert White surprend et fascine à la fois. L’album se termine sur un instrumental lapidaire, qui s'éteint sur des bruits de pluie.
Ce qui ressort tout de même, c’est cette saisissante impression d’apaisement. Tout y est plus doux, plus chaleureux, plus confortable. Des chansons comme « Puerta » ne font qu’effleurer, souffler des brises et s’envoler de l’esprit comme elles étaient venues…