24 novembre 2008

Submarine : Kiss Me Till Yours Ears Burn Off



Kiss Me Till Yours Ears Burn Off de Submarine

Sortie : 1994
Produit par Keith Cleverley, Tim Summerhayes et Anjali Dutt
Label : Fantastik Records


C’est parfois sur un dérapage noisy incontrôlé, brouillon, voire séminal, que l’impact est le plus fort : les retenues pudiques se lâchent tout autant que les instruments, si bien qu’on assiste à une débandade telle que ne subsiste plus qu’un stupéfiant, et presque honteux, détachement. Les distorsions et le mur du son qui en découle se déploient de manière nonchalante, emplie de morgue mais aussi de paresse et d’affront. Souvent d’une beauté à couper le souffle, l’intensité prend toute sa mesure au grès des laisser-allers, des ajouts progressif ou des digressions vaporeuses.
Sur ses premiers singles, placés dans l’ordre chronologique ici, Submarine nous invite à l’évasion, au trip musical, à un moment unique composé de fuzz et de fumée. Plus question de redescendre.
Des guitares saturées aux tambourins, en passant par les voix mixées et fatiguées par les shoots successifs, on nage en plein psychédélisme total. On n’a rarement entendu bordel musical aussi jouissif.
Sur la base d’un rock, vrai, brut, celui où les guitares sonnent sales, Submarine décline tout un hommage aux drogues et aux effets qu’elles procurent. Chaque seconde de l’album réveille les sens, que ce soit dans la fureur d’une tempête sonore ou dans l’apaisement d’une douce complainte lyrique et poisseuse.
L’intro délicatement prenante de « Salty Killer Whales » fait dodeliner les têtes, dans une nonchalance digne de ce qui se fait de mieux en matière de cool attitude. Branleurs évasifs, paresseux sublimes, les gars de Submarine avaient tout compris. Bande passée à l’envers sur « Dinosaurs » avant l’entrée du riff superbe : c’est le retour du psychédélisme dans sa forme la plus absolue. Les guitares seront grasses et crades, le tempo tranquille et le chant langoureux comme mal articulé et légèrement traînard.
Bien que recueillant les premiers singles, certains en version live (le magnifique « Jodie Foster »), et les faces-b les accompagnant, le recueil vaut le détour : captivant de bout en bout, Submarine fait preuve d’une qualité de composition au-delà de la moyenne. Comment ce groupe a-t-il pu demeurer si longtemps dans l’ombre ? On se le demande encore. Car à l’heure du retour du psychédélisme en cuir, avec les excellents Black Rebel Motorcycle Club ou The Black Angels, il est judicieux de ne pas négliger Submarine, élément fondamental dans ce rock enfumé.
Le son de Submarine est cradingue, chargé et rempli de superbes parties saturées, mais toujours travaillées, captivantes et enivrantes. A l’instar de la ballade languissante « Learning to live with ghosts », dont la voix trafiquée, soufflée et légère file des frissons. Le mur du son se construit petit à petit, lentement, jusqu’à parvenir à des sommets de distorsions. Et ce le long de morceaux longs, qui n’hésitent pas à prendre leur temps. On savoure alors les délices que sont « Tugboat », aussi mou et désoeuvré que l’original signé Galaxie 500, choix de reprise qui n’est pas si étonnant vu que les membres de Submarine en étaient fans, ou encore « Pollen », écrit en 1993, tout en tremblement, mirage et évanescence, qui prend de plus en plus de poids à mesure que les minutes passent.
Aucune chance de reconnaître un hit potentiel, pourtant ces chansons sont toutes fascinantes. Le tour de force principal de ce groupe est d’arriver à aboutir à partir de saturations à un ensemble enchanteur, obscur et littéralement accrocheur. Il y a un risque d’y perdre son âme à force de côtoyer de telles bassesses psychédéliques, mais on serait prêt à le refaire dix mille fois s’il le fallait, ne serait-ce que pour prolonger le plaisir.

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