29 janvier 2015

Throw : Rememory

Rememory de Throw

Date : 1995
Production : Rob Mayes
Label : Failsafe Records

Cet album aurait pu tout simplement ne jamais paraître et pourtant il s’agit probablement d’un des plus beaux de ce label minuscule. Preuve que la Nouvelle-Zélande possédait une scène indépendante fertile.
Car au moment de son enregistrement, le groupe n’existait déjà plus ! En effet, seul Rob Mayes, le fondateur, est resté aux manettes de son propre studio et a récupéré les cassettes précédentes et les chutes pour monter un album complet au mixage !
Et sur celui-ci, on tombe sur de véritables tubes, aux mélodies faciles et très romantiques. Ce qui caractérise le groupe, c’est son émotion à fleur de peau (on dirait de l’émo parfois, comme sur « Nowhere Near »), marqué par des arpèges magnifiques (les riffs byrdiens de « Wishes from the heart »), des déferlantes de saturations (le rapide « All different things »), une basse à se damner (derrière les guitares sèches et le mur du son enivrant de « Honeyblonde ») et une voix douce et sensible (toutes les chansons). On dirait entendre Revolver ou Straitjacket Fits. C’est époustouflant de constater à quel point toutes ces chansons sont emballantes et à quel point peu de gens les connaissent. Et forcément le groupe est expert en slow qui tue, celui pour emballer et celui pour rêver, comme sur le sensuel « Falling inside me », avec la divine Rebekah Davies au chant.

6 janvier 2015

Astreal : Ouijablush

Ouijablush de Astreal

Date : 1997
Production : Muhammad Alkhatib
Label : Pony Canyon

Un univers artificiel, dessiné d'entrée par des distorsions qui surgissent progressivement du silence, puis un rythme en mode turbo jaillit subitement et des saturations dévalent (« Just a dream »). On dirait une ambiance de boite de nuit à l’époque où le trance goa faisait fureur en Asie. Seulement la voix est là, savoureuse, calme, reposée et ensorcelante. Melissa Lim est celle qui confère toute la magie à la musique cosmique d’Astreal. Elle chante toujours de façon si douce quoiqu’il arrive. Elle devient alors une figure centrale, autour de laquelle toutes les mélodies gravitent, sorte de référence entre fille de l’air et incarnation mystique.  
Le groupe convoque les astuces synthétiques, beat electro, sample et clavier, pour accélérer le tempo mais l’évanescence reste de mise. « Stay Awake », que John Peel programmera lors de ses émissions, est une adorable chanson typée indie pop, évoquant Talulah Gosh ou Heavenly, mais avec des beat programmés assez rapides. Même chose avec « Vir-Uno », où les ordinateurs permettent d’accélérer le rythme et de s’offrir des saturations constantes. A chaque fois, Melissa Lim rayonne de par sa majesté. C'est tous nos sens qui se noient dans cette (fausse) innocence vaporeuse.
Féérique, spatiale et pleine d'emphase raffinée, la musique de cette formation culte de Singapour (qui s’est reformée vingt ans plus tard !) met en scène une sorte d'apologie de la rêverie. Avec les nappes grésillantes du splendide « Wait » et son petit riff entêtant qui appelle à s’évader, on stoppe tout blocage, on élimine tout ce qui est toxique et on décolle vers un nouvel espace apaisé et poétique, emporté par les chants, masculins et féminins, tranquilles et sucrés.  
La mollesse est d’autres fois à son comble tout comme le raffinement. Les titres nuageux et ensorcelants sont remplis de claviers atmosphériques et d'instruments dessinés comme des volutes complexes et étranges (le splendide « Barbed Wire »). Influencé par la dream-pop de Pale Saints ou Slowdive, le groupe délivre une vision très personnelle de la beauté. Quelque chose d'infiniment profond comme d'infiniment apaisant aussi. « To the velvet » offre un tryptique basse / guitare féérique / guitare sèche à la beauté reposante, comme sait aussi le faire Sugar Plant. Tandis que « June 12 » garde un rythme lent avant que des tempêtes sonores viennent le secouer.
Sublimée par la voix sylphidienne et angélique de Melissa Lim, la musique d’Astreal est avant tout un hommage, authentique, à l’espoir. L’album se conclut d’ailleurs sur une note plus insouciante et juvénile. « Take my hand », plus frivole, est basé sur un clavier cheap, qui rappelle les années 80, et dévoile des mélodies délicates et menues, presque joyeuses. On dirait un morceau twee. Derrière la volonté d’évasion et de contemplation d’espaces nouveaux, il y a avant tout cet optimisme qui habite le groupe.