4 mai 2014

Fiche artiste de Secret Shine


Secret Shine


On aura toujours un peu de mal à parler de Secret Shine, ce groupe si loin de la notoriété et rattaché à jamais au label Sarah Records, une maison de disque d’un autre genre, sans moyens mais animée par la seule passion d’une musique douce et enfantine. Ils sont apparus et ont disparu avec eux, un triste soir de 1995, après un dernier concert sur une péniche à Bristol, lorsque les dirigeants de Sarah ont décidé de mettre la clé sous la porte, une fois qu’ils avaient estimé avoir fait le tour de la question. Secret Shine ne s’en remettra pas et aura bien du mal à vivoter après coup. Scott Purnell avouera : « nous sommes le groupe le plus paresseux du monde »[i].
Pas grand monde ne fera réellement attention à leur passage, quelques singles, et un seul album. « Les fans des années 90 étaient plutôt attachés à la scène de Sarah Records. C’était un peu comme avoir une étiquette. Dans un certain sens, ça nous a donné une petite notoriété et un public déjà tout fait, mais aucun d’entre eux ne nous aimait. 9 fans sur 10 de Sarah préfèrent The Field Mice. »[ii] Eux voulaient bien conserver la tendresse des groupes de Sarah Records (comme Brighter, The Sweetest Aches, Another Sunny Day), notamment grâce à la voix de leur chanteuse Kathryn Smith, mais en l’écrasant par un mur du son effarant. Scott Purnell raconte : « J’étais un grand fan de JAMC et je voulais faire partie de la scène émergente shoegazing. On voulait sonner comme personne, mais après nos premiers enregistrements, on s’est dit qu’on allait garder nos mélodies pop et ajouter des distorsions par-dessus. On n’était même pas sûr que Matt et Clare, les patrons de Sarah, allaient accepter, mais ils ont sauté à pied joint dedans. »[iii] 
 "Loveblind" sera choisi comme single, le fameux "Sarah 71", puis après cinq jours et cinq nuits enfermés dans le studio de Sarah Records, sortira leur album Untouched en 1993 qui allait imposer définitivement leur style.  
C’est avec cet album emphatique que Secret Shine est véritablement rattaché au style shoegaze. Scott reconnaîtra : « Si je relis les articles, l’étiquette shoegaze est apparue avec le single Loveblind et notre premier album. Avant, on était plutôt taxé de twee. Sur Untouched, on a commencé à laisser respirer les chansons et on a usé de la structure classique tranquille / bruyant. Les critiques musicaux peuvent décrire n’importe quel son comme n’importe quel style, de façon délibérée, mais il faut reconnaître qu’on adorait les guitares saturées et les tendres vocalises féminines / masculines, ce qui est la signature du shoegaze. Les étiquettes peuvent être utiles comme destructrices, dont on s’en foutait un peu. Nos influences personnelles étaient très diverses, mais d’un point de vu collectif, on voulait tous le même son et on savait comment l’obtenir. Je serais un menteur si je disais qu’on n’aimait pas les autres groupes shoegaze et qu’on n’a jamais été influencé par eux. »[iv] Mais le groupe de Bristol, trop éloigné de la Thames Valley, n’a jamais pu s’imposer. C’est comme s’ils n’avaient jamais été à leur place, trop noisy pour être estampillé Sarah Records, trop précieux pour être des vrais shoegazers. Selon Scott : « Je pense qu’on appartenait à la scène shoegaze originelle mais on n’était pas les leaders. Ride, MBV, Slowdive, Chapterhouse (et tellement d’autres) étaient déjà établis lorsqu’on s’est joint à eux. Je pense aussi qu’on a toujours voulu être plus noisy-pop que vraiment avant-gardiste. On s’est toujours senti un peu à part. »[v]
Secret Shine pratiquait une musique très riche, contrairement aux canons de l'époque et aux poseurs Brit-Pop qui commençaient à apparaître. Pas évident de passer pour des intellectuels, noyant un manque de percussion dans un discours, semble-t-il abscons. C'est surtout en live que les difficultés du groupe sont les plus criantes. Là où en général, la tournée est le point d'orgue pour bon nombre de groupe, monter sur scène se révèle une vraie sinécure pour le groupe. Sur six ans, s'étalèrent seulement une trentaine de concerts, ce qui est bien peu pour se faire un nom, la faute à de la paresse, une phobie des gens, un goût certain pour l'alcool avant les shows et un manque de matériel. Malgré un grand concert devant plus d'un millier de personnes, en première partie des grands Jesus and Mary Chain, les tournées ressemblent à des chemins de croix. Une des raisons pour lesquelles le groupe s’est mis en stand-by pendant presque dix ans. Avant une inespérée reprise.




[i] Cité sur Milk Milk Lemonade, [en ligne] http://milkmilk-lemonade.blogspot.fr/2006/08/secret-shine.html
[ii] Interview de Scott Purnell par Jen Dan, sur Desilusion of Adequacy, 3 juillet 2007, [en ligne] http://www.adequacy.net/2007/07/interview-with-secret-shine/
[iii] Interview de Scott Purnell par John Girgus (du groupe Aberdeen, ex-Sarah Records), sur Third Outing, 6 décembre 2015, [en ligne] http://www.thirdouting.com/interviews1/secret-shine-interviewed-by-sarah-record-mate-john-girgus-of-aberdeen
[iv] Interview de Scott Purnell par Jen Dan, op. cit.
[v] Interview de Scott Purnell, sur When the sun hits, 2 novembre 2010, [en ligne] http://whenthesunhitsblog.blogspot.fr/2010/11/interview-scott-purnell-of-secret-shine.html

1 mai 2014

Fiche artiste de Spirea X

Spirea X

Spirea X est le groupe de Jim Beattie après que celui-ci fut viré de Primal Scream, dont il utilisera une chanson pour baptiser son nouveau projet.
En fait le groupe correspond à la première collaboration entre Jim Beattie et celle qui allait devenir sa petite amie, Judith Boyle. Responsable de l'esprit néo-sixties de Primal Scream, époque C-86, il est donc normal qu'on retrouve cette ambiance hédoniste avec Spirea X. Mais le groupe, auquel il faut adjoindre Andrew Kerr, brasse beaucoup plus large encore : groove de type Madchester, légereté de type shoegaze, avec une bonne dose de délire et d'inventivité ; leur musique ne ressemble à rien d'autre.

Fiche artiste de Bleach


Bleach


Parmi tous les groupes shoegaze qui ont pu émerger en peu de temps sur la scène du rock, certains n'y firent qu'un bref passage, parfois même dans l'anonymat le plus complet.
C'est le cas pour cette formation d'Ipswitch, qui cristalise à merveille toutes les injustices dont le monde de la reconnaissance est capable.
Car leur style, innimitable et reconnaissable entre mille, vaut le détour !
Mené par la charismatique et forte tête Salli Carson, Bleach est un groupe anglais qui s'est formé en 1989, avec les frères Neil (guitare) et Nick Singleton (basse), ainsi que Steve Scott (batterie).
Leur parcour sera somme toute classique : d'abord des EPs, "Snag" et "Decadence", une apparition aux BBC Sessions puis un album. Mais le groupe paiera les faibles ventes de l'album, bien qu'un single, "Shotgun" en soit issus. Avec le temps, le chaos remplace l'évanescence, et les fans s'y perdent, pour peu qu'ils en aient eu véritablement.
Deux autres EPs paraitront en 1992 puis en 1993, "Hard" et "Fast", avant une séparation inévitable. Regrets éternels.

Bleach : Bleach EP



Bleach EP de Bleach

Sortie : 1992
Produit par : Bleach
Label : Way Cool


Salli Carson n'est pas une fille comme les autres. Elle clame haut et fort son caractère : elle est butée, sans concession, brutale même, mais sait aussi se faire douce.
Et cela s'en ressent dès les premiers efforts du groupe, ici regroupés sur une compilation, formée des deux EPs du groupe.
Le style de Bleach aurait pu n'être qu'un embrouillamini invariable de saturations. Au lieu de ça, entre voix caressante (le magnifique "Decadence") ou phrasé agressif (le tortueux "Burn"), Salli Carson réussit à faire du vacarme une revendication. Elle arrive à donner une dimension épique, comme la leader d'un mouvement révolutionnaire, tout en rappelant que le rock ne doit servir qu'à une chose : la superficialité. Le plaisir brut de faire cracher les guitares.
Et c'est là que Neil Singleton, superbe guitariste, offre son concours précieux, en faisant de feedback et autres distos, d'improbables mélodies. Amoureux du krautrock et du noise, il fera des chansons de Bleach des modèles de trips lunaires. Effet renforcé par une section rythmique redoutable, particulièrement lourde, répétitive et insistante.
Ce qui n'empêche pas pourtant les morceaux de décoller, comme le mirifique "Seeing", vocalises oniriques sur d'écrasants brouillages sonores. C'est là que le rôle de Salli est prépondérant : elle va donner de la force et du sens.
Mais encore à ce stade, tout est brouillon, empreint d'une énergie sans aucune mesure, ce groupe ayant une approche viscérale, presque violente, faisant d'eux les maîtres hardcore du shoegaze, ce qui n'épargne pas quelques accrochages au passage.