18 décembre 2017

Fiche artiste de The Prayer Chain

The Prayer Chain

Les groupes shoegaze ont beaucoup souffert en général. Mais peut-être pas autant que ce groupe chrétien, chef de file du mouvement suite à son célèbre album grungy "Shawl" en 1993, qui a pourtant décidé contre toute attente de changer radicalement de style.
Plus noir, plus torturé, plus bruitiste, rêveur et expérimental, son deuxième album, "Mercury", passe mal auprès des opinions conservatrices. Il aura beau être jugé a posteriori comme une pièce maîtresse du rock indépendant, il fut conspué, décrié, sous-estimé, la faute aux saturations et convocations d'instruments tribaux.

The Prayer Chain : Mercury

Mercury de The Prayer Chain

Date : 1995
Production : Chris Colbert
Label : Reunion

Un album remuant, animal, qui prend aux tripes, avec sa rudesse, son rythme tribal. « Waterdogs » n’offre que du noise et des saturations, pour des riffs noirs et un chant venimeux. Tandis que « Sun stoned » est une longue incantation, transcendantale, lente, aux échos indiens, jusqu’à n’arrivent un mur du son crescendo raboteux.
On dit souvent que le shoegaze est cérébral, fait appel à l’intellectuel, ici, on touche le côté viscéral, pulsionnel et instinctif, pour renouer avec ses racines. La basse profonde, les caisses de batterie frappées avec aplomb, ce suspens vaporeux installent le décor pour l’arrivée d’un refrain où on libère ses expressions à coup de mur du son féérique et de longues vocalises « aaaaaaaaaaaaaah » rédemptrices (« Grylliade »). On est pris de convulsions magiques à l’écoute du splendide « Bendy Line », avec ses percussions, ses violons, son clavier, sa voix féminine de toute beauté, qui ressemble à une longue prière invoquant la grâce et qui se terminera par une montée en puissance. Parfois cette recherche expérimentale pourra être difficile, comme des épreuves ou des nuages, à l’instar de l’avant-gardiste « Humb » ou de « Manta Rae », couvert de saturations et où les cithares ont peine à surnager, tout comme une voix angélique. Pour appuyer ses propos, The Prayer Chain utilisera énormément d’inspirations orientales et/ou africaines, des percussions, des bruits blancs et des voix soufflées. En cela, le groupe ressemble parfois à ce que faisaient les groupes prog. En témoigne le superbe « Creole », aux voix adoucies, dont la langueur et les guitares féériques rappellent Levitation, The Verve ou Catherine Wheel.

 Une synthèse entre les fondamentaux rythmiques et mystiques et des distorsions modernes et bruyantes pour accéder à une sorte d’universalité. Afin que tout le monde puisse comprendre les émotions déployées : prière, colère, doute, évasion.

29 octobre 2017

Fiche article de Incense

Incense

Le groupe japonais probablement le plus proche de My Bloody Valentine, aussi bien dans le son que dans la radicalité, même si on devine des tendances vers l'ambient et la dream-pop.
Présent sur le label culte japonais Cardinal (Capsule Giant, Buffalo Daughter, Seagull Screaming Kiss Her Kiss Her), spécialisé dans le lo-fi pop, le groupe est mené par Yoshiki Watanabe, figure de prou du Shibuya-kei. Il sera entouré de trois jeunes filles, aussi délicieuses que mystérieuses : Aki, Kaoru et Maki.

Incense : Meteorites

Meteorites de Incense

Date : 1996
Production : Yoshidi Watanabe et Daisuke Kawasaki
Label : Cardinal

Cet album est un miracle qui fait de la langueur un moyen transcendantal. Les mêmes mélodies sont répétées en boucle, avec une tranquillité et des couches de saturations légères. L’élégance des bourdonnements de « Aquamarine » (que n’aurait pas renié Kevin Shields) est d’une beauté à couper le souffle, avec ce sentiment de flotter et ces vocalises ouatées et incompréhensibles.
Les guitares glisseront, sublimées par des échos, pour de longues traînées d’étoiles, des saturations à n’en plus finir, parfois tremblotant, jusqu’à immobiliser pour l’infini ce tableau merveilleux, reposant et léthargique, qui se pâme de manière répétitive, sans modification aucune (« Everytime I see you » qui a des petits côtés Th’ Faith Healers, groupe culte anglais). On peut prendre le morceau à la première minute, en son milieu ou vers la fin, on a l’impression que c’est toujours la même chose ! Ainsi, « Sweet Boy », mélange de shoegaze et de krautrock, avec son langage parlé, son chant indolent, mutin, recouvert de saturations étouffées, le tout sans interruption, ni changement pendant de longues minutes, si ce n’est ces crispations stridentes à la guitare, n’est qu’un jam interminable. On se croirait perdu dans l’espace (le superbe « Shooting Star ») au fur à mesure que l’album s’égrenne et se délite. De moins en moins de saturations et de plus en plus de fééries. 
On ne résiste pas à un titre de la trempe de « Flow » : une basse superbe, quelques guitares grattées au loin, une voix incroyablement chaude, qui se répète comme un mantra et se fait lancinante. Puis on répète la même boucle, qui monte, qui monte, ça s’incruste dans la tête, on s’envole au loin, on accroche, et pendant ce temps les saturations s’accumulent pour aboutir à une véritable tempête. Un album japonais fascinant, aussi bien intellectuel que sensoriel.

Fiche artiste de Chimera

Chimera

Chimera est un groupe qui s'est formé à Belfast en Irlande du Nord autour des personnes de Eileen Henry (à la voix magique), Ted Laverty, Steven Emerson et Willie Vincent.
Dans un style évoquant Cranes, Cocteau Twins, Rose Chronicles ou April March, ils ont d'abord oeuvré dans une veine Ethereal Voice, profitant du charisme de Eileen, mais des problèmes de droits ont empêché les rééditions de leur premier album, qui a disparu du marché comme s'il n'avait jamais existé.
C'est grâce au label américain Grass Records que le groupe se refait une santé et signe alors un deuxième vrai album, aux sonorités plus agressives et proches du rock alternatif, voire du shoegaze de Curve, tout en restant bien-sûr collé au gothique.

Chimera : Earth Loop

Earth Loop de Chimera

Sortie : 1996
Produit par Chris Nagle
Label : Grass Records

On pense bien-sûr au Pale Saints mais aussi et surtout au Cocteau Twins ou The Sundays. La délicieuse voix de Eileen Henry est claire, forte, charismatique, voire doucereuse, aux lignes mélodiques lyriques. Ce qui fait que la chanteuse gagne en mystère. Elle est capable de soutenir des vocalises savoureuses comme de monter dans des aigues au-delà de l’imaginable et atteindre des hauteurs incroyables, à grand coup de hoquets (« Let me around »). L'album sera avant tout chaleureux et paisible ; une rêverie, un peu teintée de gothique et d’esprit celte, de manière très légère, car ce qui l’emporte c’est cette sorte de calme royal qu’on ressent lorsqu’on écoute cet album.
De prime abord les chansons sont courtes, pop acidulée, chargées de guitares saturées, mais pas trop (« Blow Away » ou « God Heart »). Quelques réminiscences folk s'infiltrent de ci, de là, ajoutant plus de lumière mélancolique dans la musique du groupe. Par exemple, « All I need » fait la part belle à la guitare sèche, de même pour « 2 Sunny » à la fraîcheur bienvenue. On pense souvent à The Sundays, mais aussi à certains groupes américains comme The Millions, The Innocence Mission ou Strange Boutique. Eileen ose même des petits hoquets adorables sur la ballade « Night Song » et ses riffs oniriques.
C'est la mélancolie qui s’exprime en réalité : les paroles sont toujours défaitistes, sur les regrets, les séparations, l’hypocrisie. Une certaine langueur reste de mise, comme sur « Let me be around », qui finit par des saturations servant d’écrins pour les époustouflantes montées en gamme de la voix d’Eileen, passant du grave à du papier de verre en une fraction de seconde, le temps d’un soupir, ou le superbe « Liquid » et ses distorsions. Parfois le style est perverti et obscurci, comme sur « Catch Me », morceau qui dénote par rapport aux autres, de par une basse très mise en avant, une boite à rythme et des saturations industrielles. Eileen y chante de façon plus mordante encore, joue sur plusieurs registres, subversifs, ensorcelants et séducteurs, par-dessus des guitares glaciales. Un morceau que n’auraient pas renié des formations comme Curve ou Lulabox. « Tiago » qui malgré sa candeur, reste avant tout un superbe hommage aux guitares, dont les distorsions fondantes, façon My Bloody Valentine, se frayent un chemin derrière l’ambiance ésotérique et les notes tombant en pluie d'or. 

Fiche artiste de Swoon 23

Swoon 23

Certainement le groupe le plus radical de la scène indie-shoegaze de Portland, avec Sugarboom (plus rock) et The Dandy Warhols (plus psychédélique), tous signés sur le même label Tim/Kerr. Le groupe, composé de Michael Keating, Megan Pickerel, Marty Smith, et Jeff Studebaker, pratiquait une musique étrange, quelque part entre shoegaze, gothique, space-rock et avant-gardisme, évoquant aussi bien Bowery Electric que Cranes.

Swoon 23 : The legendary ether pony

The legendary ether pony de Swoon 23

Date : 1997
Produit par : Doug Easley
Label : Tim/Kerr Records


Il ne faut pas s’attendre à une atmosphère doucereuse et sucrée. Swoon 23 n’est pas là pour prendre les gens par la main et les faire voyager parmi les délices de la poésie. Au contraire, le monde visité par cette formation américaine est angoissant.
Froide, voire même glaciale, balançant avec un esprit malsain entre lourdeur et contemplation, leur musique laisse songeur. Elle laisse des stigmates profonds à coup de longues plages éthérées et mécaniques, de distorsions lointaines qui laissent l’auditeur avec un mal-être indéfinissable, des brouillages sonores, un tempo indolent et d’autres complications.
A force, Swoon 23 détournera les codes traditionnels du shoegaze pour atteindre une sorte d’astreinte musicale : les guitares seront lourdes, rêches, des échos seront persistants pour donner une impression de glissement ou de flottement, la basse sera particulièrement mise en avant et les chants déshumanisées colleront au mieux avec cette lassitude ambiante.
Fatigué, lent, pesant, « Cellophane » fait froid dans le dos, avec une batterie tranquille, une guitare qui répète les mêmes motifs, une voix angélique et murmurée dans un souffle. La ballade qu’est « Atom Smasher », qui peu à peu se laisse envahir d’un énorme mur du son, est empreinte d’un abandon saisissant. L’entrée d’une voix suave, quelque peu fatiguée, a de quoi étirer ce sentiment de fin de route. Jusqu’à ce qu’elle se double, avec Jeff Studebaker et Megan Pickerel qui se répondent, et que l’intensité augmente.
Cette chanteuse a une façon perturbante de chanter, elle ressemble à Alison Shaw, de Cranes, tout en soupirs.
Cet album distille un venin : profondément rêveur et lunatique, il reste pourtant implacable et dénué d’optimisme. La guitare très alternative-rock de « Sell the things I love », les touches au clavier façon écho de sonar de « Love song 1000 », les distorsions lunaires de « Missing Time », l’intro fantasmagorique de « Fire Hanger » qu’on dirait extrait d’un album de Cranes, ou encore la violence inouïe de « Circadas », noyé sous les saturations, tout ceci concoure à instaurer une langueur et une paresse déshumanisée.
La musique, vaporeuse, inquiétante, contemplative de Swoon 23 ne cache rien, se laisse aller, égrène ses états d'âmes comme des coulées de métal. Il n'y a même pas, parmi ces jeux de guitares glissantes, lointaines et enchanteresses, ces chants mornes et sans lueur, ces harmonies délicates, une tentative de se comprendre, de s'indigner ou de se soigner. L’atmosphère irréelle et froide (comme sur le dépressif « Just like TV ») souligne l'insensibilité, comme l’intangibilité. 

Chacune des chansons est une pause sans en être une. Une pause car elles tirent un constat déprimant, ni négatif, ni positif, juste soulignant le zéro. Tout cela sans en paraître affecté. Et c'est à la fois aussi quelque chose de profond, de rempli, de riche. Un vecteur immense, livré avec retenue, de tout ce que la musique peut posséder de plus fort et de plus évocateur (le sublime « Shady Hands »). Une langueur par ci, un chant doucereux par là ou encore ici, un climat sépulcral, et c’est l’esprit qui vagabonde dans bien des turpitudes. 

5 septembre 2017

Fiche artiste de The Rosemarys


The Rosemarys

A l’heure actuelle, le songwriter américain Ian Parks pose les conditions de sa musique : libre, indépendante et sans aucune compromission avec les labels. Entouré d’une dizaine de musiciens itinérants (guitares sèches comme électriques, mandoline, banjos etc…) et publié sur son propre label, Starletsweb, il visite et revisite le rock américain du rock’n’roll des années 50 jusqu’au grunge des années 90, sous le nom de An American Starlet (Starlet étant déjà employé par un groupe suédois) afin de traiter de sujets qui le tiennent à cœur comme les déceptions amoureuses ou la rancune qu’il entretient vis-à-vis du monde de la musique.
Personnalité reconnue dans le milieu, Ian Parks faillit pourtant tout abandonner à une époque pas si lointaine. Durant deux ans, il vécu une véritable traversée du désert, voyageant jusqu’à Seattle, une guitare sur le dos, et de son propre chef. Il ne voulait plus rien à voir avec ceux qu’il jugeait responsable d’avoir travesti sa vision de la musique.
C’est que avec sa première formation, The Rosemarys (puis juste après avec The Magnetic) il goûta à bien des déconvenues avec le monde des majors.
Le groupe de San Fransisco, formé en 1991, était au départ le simple projet d’amis fans des groupes anglais comme Slowdive ou My Bloody Valentine. Ian Parks (guitare), Matt Greenberg (clavier), Patrick Harte (batterie), Tim Ong (basse et chant) et Peter Weldon (guitare) pratiquaient alors une musique rêveuse et éthérée, proche de la dream-pop et du shoegaze, menée par le chant de Tim Ong. Ils enregistrèrent un premier album (« Providence ») sur une structure indépendante, Continuum Records, qui obtint un relatif succès d’estime sur les college radios. Les ventes (qui atteignent 20 000 unités environ) leur permettent alors d’attirer les faveurs des majors. Jeunes, naïfs, ils se laissent convaincre par le label Fox Records, une subdivision de la chaîne de Rupert Murdocks, Twentieth Century Fox, avec qui ils sortiront un album éponyme en 1994. Selon Ian Parks, ce sera « le baiser de la mort ». Exploités, arnaqués, jugés avec condescendance et mépris, les membres du groupe y laisseront beaucoup de plumes et pas mal de leurs illusions.
Mais nul doute que cette aventure sert aujourd’hui de source d’inspiration au talent intact de Ian Parks.

The Rosemarys : Providence


Providence de The Rosemarys

Coup de coeur !

Sortie : 1993
Produit par Drew Masters et The Rosemarys
Label : Continuum Records / Tribindicular


Ceux qui cherchent du bruit peuvent vite être décontenancés : on ne trouve chez The Rosemarys que des flottements et des ballottages berçant. Ce premier album regorge d’une musique jamais énervée mais louvoyant dans des eaux tranquilles, traversée de ça et là par des guitares splendides, des recours symptomatiques au piano pour venir compléter des arrangements particulièrement rêveurs, des voix virginales, loin d’être viriles, et aussi des empressements féeriques.
Teintées de mélancolie, voire du désespoir le plus cru, les paroles résonnent d’autant plus qu’elles s’envolent sur des airs oniriques, quelque peu majestueux, sans se perdre non plus dans une ampleur qui leur ferait perdre leurs impacts. Tout juste des entrelacs de piano, de guitares, de claviers et de douces voix leur permettent-elles de s’épanouir, alors qu’elles sont parfois d’une tristesse pesante. Pour une fois avec le shoegaze, lire les paroles est fondamental, pour essayer de se saisir de l’insondable défaitisme qui habite les membres du groupe. Les textes témoignent d’une peine irrécupérable : ‘’Quand je suis dans tes bras, je me retrouve abandonné dans les rêves d’un autre’’ sur « Collide », ‘’Toutes les larmes qu’elle a pleuré se sont transformées en pierres jusqu’à construire un mur derrière lequel elle sera seule’’ sur « Stonewall » ou bien ‘’Je voudrais bien ressentir ce que tu dis, mais je ne ressens rien’’ sur « Rollercoaster »). L’impression laissée se rapproche du détachement, les choses matérielles sont laissés de côté et on s’abandonne à la légèreté du monde volubile que propose The Rosemarys tout du long de Providence.
Volontiers rêveur, sans pourtant être ennuyeux (le rythme est toujours alerte, proche de la cold-wave, et les guitares tissent des réseaux harmonieusement tressés, comme sur « Collide »), ce premier opus ressemble à une modeste mélopée élégiaque. Parfois emballant et proche de Manchester (« Spiritualized » ou « Perfect »), souvent rêveur et luxueux (ah, le délicat piano de « Fountain » ou la plainte de « Stonewall » à faire fondre les cœurs les plus durs). Le chant est apprêté, ouaté et extrêmement précieux dans la douceur, laissant poindre une légère mélancolie.

Mais beaucoup trop soyeux et sans vigueur, comment cet album pouvait être reconnu ? Il s’agit là d’élucubrations qui convient surtout à des étudiants en mal de romantisme. Ce fut d’ailleurs le cas, l’album (et sa pochette psychédélique) n’ayant eu d’attrait que pour les résidents des universités californiennes. Peu importe, car les gens peuvent y découvrir alors tout un nouveau monde, remplis de moments éperdus de beauté et d’emphase (« Providence » ou l’élégiaque « Aeroplane » et ses coups de batterie appuyés). Le tout drapé d'un chagrin inconsolable.

27 mars 2017

Fiche artiste de Monkeypig

Monkeypig

Fondé en 1993 à Malmö, par le guitariste Jonas Carlehed, le chanteur Begnt Persson, le bassiste Dan Hultman, le batteur Jonas Elmqvist puis le claviériste Pål Olofsson. Ils ont sorti un maxi en 1994 sur la micro-label Borderline Records, influencé par Ride et Blind Mr Jones, puis un single en 1996 sur Pandemonium, un label anglais qui leur avait promis un album. Ils délaissent leur style mélancolique pour plus de punch et de guitares lourdes hérités du post-grunge, aidés en cela par le producteur Adam Kviman (Drain, This Perfect Day, Popsicle). Le groupe va en Angleterre en studio et enregistre de quoi faire un album, qu'il compte intituler : Francis Bacon Will Never Die! Hélas, en 1997, au moment de presser l'album, le label fait banqueroute. Il se retrouvent sans le sous, sans structure pour publier leur album, retournent en Suède où personne ne leur accorde la moindre chance et abandonnent à peine un an plus tard, en 1998.
Un groupe qui n'a vraiment pas eu de chance ! 

22 mars 2017

Fiche artiste de In One

In One

In One est un trio originaire de Rochester organisé autour de John DePuy (guitare et voix), Tony Allelo (basse) et Micheal Tarala (batterie).
A chaque publication de maxis, ils juraient leur grand Dieu qu'il ne s'agissait que de répétitions avant la sortie imminente de leur album. Bien-sûr, il n'est jamais sorti, le groupe étant tombé avec les autres dans les oubliettes réservés au shoegaze américain.

In One : Ascension

Ascension de In One

Date : 1994
Produit par Jim Huie
Label : Gamma Ray

Ce superbe maxi, inconnu mais réconfortant, respire l’insouciance. Les mélodies sont quelque peu lyriques mais capricieuses. Idem pour les vocalises, relâchées, naïves et expirées doucettement. Les petits arpèges tout mignons tout plein du délicat « Swallowed whole », la libératrice et adorable agrégation de guitares de « Blue », les distorsions ininterrompues et les vocalises rêveuses de « Sour Yellow State » indiquent le sens de leur aspiration. Il s’agit non pas de massacrer, de secouer, mais au contraire, de souligner et pousser vers le haut des morceaux romantiques à l’aide d’un mur du son éclatant et savoureux. A l’oreille, les instruments se confondent et se mêlent ensemble dans un chaos doré, le tout avec beaucoup de candeur. 
Quant à « Flooting Water », c'est tout simplement un titre merveilleux, empli de magie, de psychédélisme et de voix superbement soufflées. Une intro tout en distorsions, puis des bruits de flottements, et enfin l’éclosion, un déballage rock dans la droite lignée de Ride, mais les chants sont alanguis, légèrement affadies, pour plus de détachement (à l’image des photos de leurs albums, sorte de souvenirs photos de passé regretté, tout droit sorti d'albums de vacances d'enfance) et plus de place au vacarme de fin incontrôlé. 
Le groupe est donc loin d’être si naïf, il est juste nostalgique et mélancolique, derrière leur mur du son. C'est derrière ces guitares vives qu'il faut aller chercher les failles et les fêlures de John DePuy, ce personnage à l'origine des chansons de In One, un jeune garçon légèrement tourmenté qui ne voulait pas s'en laisser paraître.

In One : Fade Out

Fade de In One

Date : 1996
Produit par : John Depuy
Label : Interstellar

Comme précisé dans la pochette, cet EP n'est que le résultat de chutes de studio. La plupart des pistes ne sont d'ailleurs que des instrumentaux ou des interludes, conférant une drôle d'ambiance de rêverie inachevée.
Il vaut principalement pour "Mercury", merveilleux titre plein d'entrain, où le chant doucereux et légèrement laconique, est en décalage avec le rythme de la batterie, plutôt vif et excité. On retrouve de belles harmonies vocales, comme sur "Gasping for air" et son riff cosmique assuré. Comme on le sait, ce groupe américain, avant tout le projet de John Depuy (qui écrit les chansons, joue de la guitare, chante, produit, enregistre, mixe et remastérise tout), cultive une espèce de fatigue nostalgique. 
C'est d'autant plus apparent lorsque le groupe se dépouille des saturations pour ne conserver qu'une guitare sèche et une voix savoureuse, empreinte d'une retenue et d'une pudeur tout à leur honneur. Le lent "The Ceiling Reappears" vire alors vers le doute et l'introspection, quant à "Mercury" reprise une seconde fois, mais cette fois-ci en version acoustique, on dirait un merveilleux morceaux de twee-pop, inoffensif et déchirant. 

18 mars 2017

Fiche artiste de The Suncharms



The Suncharms

"On veut être le premier groupe à jouer sur la lune [i]" affirmait, hilare, John Malone, le guitariste du groupe, à un journaliste venu écouter LA nouvelle formation venue de Sheffield en cette année 1991, époque où le shoegaze envahissait les pages de la presse. Au lieu de ça, The Suncharms se contenta de sortir deux singles, sur le label Wilde Club (celui qui aura lancé Catherine Wheel) avant de disparaître de la circulation. Pourtant au moment de leur formation à Sheffield, Marcus Palmer (chant), John Malone (guitare), Chris Ridley (batterie), Richard Farnell (basse) et Matt Neale (guitare), pensaient conquérir le monde. "Nous pensons qu'un bon album provoque des émotions : tristesse, joie, peu importe. Et c'est ce que nous faisons.[ii]" Effectivement c'est ce qu'ils faisaient, brassant des influences larges. "Regardez tous ces groupes, Moose, Slowdive, Chapterhouse, chacun possède les mêmes disques que les autres ![iii]" critiqueront-ils, fiers de leurs influences allant de Hendrix ou Pale Saints à Ultra Vivid Scene en passant par les saugrenus West Coast Pop Art Experimental Band. Même si bien-sûr, tout cela n’était que de la posture pour tenter maladroitement de se démarquer. Bien des années plus tard, Richard Farnell avouera avoir été bercé par les mêmes groupes que tous les shoegazers : « On était très influencé par le C-86, cette compilation qui regroupait beaucoup de nos groupes favoris. Marcus et moi-même, on était influencé par des groupes comme The Pastels, Sea Urchins, Field Mice, Wolfhounds, McCarthy, mais dans le même temps Pale Saints et My Bloody Valentine débarquaient à cette époque et nous ont chamboulés[iv]»
Ils seront pris en charge par Barry Newman, le patron de Wilde Club à Norwich, celui qui aura donné une chance à ces petits groupes shoegaze provinciaux. Un processus qui s’est fait naturellement comme cela se faisait à l’époque. Culotté le groupe a juste tenté sa chance. « On était très naïf comme tous les groupes indie des années 80/90. On a envoyé quelques démos et on a croisé nos doigts. Un bon ami à nous, Marcus, avait acheté le premier single de Catherine Wheel et noté pour nous l’adresse du label (…) Honnêtement Wilde Club ont été les premiers à nous appeler. [v]» Mais comme chacun sait, le label n’a pas les finances pour un album et il faudra se contenter de deux EPs.
Cela ne suffira pas, et après une session chez John Peel, The Suncharms n'existera plus dès 1993, et ce sans avoir sorti le moindre album. Richard n’arrive même plus à se souvenir comment ils se sont séparés : « Je pense que c’est parti en sucette vers 1993 quand les membres du groupe ont déménagé, ont changé de carrière, se sont mariés etc. et je pense qu’on a commencé à côtoyer des amis pas vraiment connectés au groupe. Je suppose que sans contrat de label (pour un album), on a perdu la motivation.[vi] »
On retiendra d'eux cependant cette interview extraordinaire dans le NME, au cours de laquelle, sans vergogne et avec une morgue éhontée, ils osaient affirmer être la nouvelle sensation rock. "Quand vous écoutez un autre groupe, vous vous dites, si seulement ils avaient ce petit truc en plus. Et bien nous on essaye de prendre ce petit truc en plus pour l'importer dans nos chansons[vii]".
Sacré Marcus ! Tu nous manques.




[i] John Malone cité par Jonny Tatcher sur NME, 13 juillet 1991, [en ligne] http://drmango.net/birdpoo/sun/sunch_on.htm
[ii] Idem
[iii] Idem
[iv] Interview de Richard Farnell par Cloudberry Records, 19 septembre 2011 [en ligne] http://www.cloudberryrecords.com/blog/?p=1424
[v] Idem
[vi] Idem
[vii] John Malone cité par Jonny Tatcher, op. cit.

The Suncharms : The Suncharms



The Suncharms 

Date : 1990-91
Produit par The Suncharms
Label : Cloudberry Records


The Suncharms se sera contenté de sortir deux singles sur le label culte du Wilde Club, celui de The Bardots, Catherine Wheel ou Cherry Forever. Pour cette miraculeuse compilation de Cloudberry sortie en 2016, on y ajoutera quelques démos, histoire de faire le nombre (et tant pis pour la piètre qualité du son).
Ces gamins ont ainsi contribué à cette scène shoegaze de province, parallèle à celle, plus connue, de la Thames Valley. Ce shoegaze-là s’embarrassait moins de lyrisme pour se concentrer sur ce qui plaisaient à ces jeunes : le bruit, la pagaille, l’espérance. Car il ne faut pas se leurrer, le shoegaze, en somme, ce ne sont que des guitares qui secouent dans tous les sens. Et cette compilation ne déroge pas à la règle. Ainsi « Reflections » aura beau démarrer comme une ballade à la guitare sèche, cela n’empêchera pas l’intrusion impromptue d’un déluge de saturation. Pour les textes, on passera, le chant est si doux, qu’on l’entend à peine ! Marcus Palmer a cette façon de chanter, tout en halètement et suavité (« Sparkle » ou « She feels »).
The Suncharms possède également un autre atout, en plus de son insouciance et de sa préciosité mal dégrossie, c’est sa basse. Richard Farnell joue superbement bien de son instrument, souvent mis en avant et appuyée, c’est dire, c’est presque lui qui fait parfois la mélodie du morceau (« Verge of tears » ou le mid-tempo « Time Will Tell »).

Ce qui compte, c’est ce son surchargé, presque mal produit, ou du moins dans ce cas volontairement, qui noie presque tout le reste. Et cela fait un bien fou d’écouter les superbes « Spaceship », à la simplicité retrouvée, ou bien « One I See », au tempo surmultiplié et qui ferait presque tourner les têtes. Un superbe groupe shoegaze que beaucoup avait oublié.