29 octobre 2017

Swoon 23 : The legendary ether pony

The legendary ether pony de Swoon 23

Date : 1997
Produit par : Doug Easley
Label : Tim/Kerr Records


Il ne faut pas s’attendre à une atmosphère doucereuse et sucrée. Swoon 23 n’est pas là pour prendre les gens par la main et les faire voyager parmi les délices de la poésie. Au contraire, le monde visité par cette formation américaine est angoissant.
Froide, voire même glaciale, balançant avec un esprit malsain entre lourdeur et contemplation, leur musique laisse songeur. Elle laisse des stigmates profonds à coup de longues plages éthérées et mécaniques, de distorsions lointaines qui laissent l’auditeur avec un mal-être indéfinissable, des brouillages sonores, un tempo indolent et d’autres complications.
A force, Swoon 23 détournera les codes traditionnels du shoegaze pour atteindre une sorte d’astreinte musicale : les guitares seront lourdes, rêches, des échos seront persistants pour donner une impression de glissement ou de flottement, la basse sera particulièrement mise en avant et les chants déshumanisées colleront au mieux avec cette lassitude ambiante.
Fatigué, lent, pesant, « Cellophane » fait froid dans le dos, avec une batterie tranquille, une guitare qui répète les mêmes motifs, une voix angélique et murmurée dans un souffle. La ballade qu’est « Atom Smasher », qui peu à peu se laisse envahir d’un énorme mur du son, est empreinte d’un abandon saisissant. L’entrée d’une voix suave, quelque peu fatiguée, a de quoi étirer ce sentiment de fin de route. Jusqu’à ce qu’elle se double, avec Jeff Studebaker et Megan Pickerel qui se répondent, et que l’intensité augmente.
Cette chanteuse a une façon perturbante de chanter, elle ressemble à Alison Shaw, de Cranes, tout en soupirs.
Cet album distille un venin : profondément rêveur et lunatique, il reste pourtant implacable et dénué d’optimisme. La guitare très alternative-rock de « Sell the things I love », les touches au clavier façon écho de sonar de « Love song 1000 », les distorsions lunaires de « Missing Time », l’intro fantasmagorique de « Fire Hanger » qu’on dirait extrait d’un album de Cranes, ou encore la violence inouïe de « Circadas », noyé sous les saturations, tout ceci concoure à instaurer une langueur et une paresse déshumanisée.
La musique, vaporeuse, inquiétante, contemplative de Swoon 23 ne cache rien, se laisse aller, égrène ses états d'âmes comme des coulées de métal. Il n'y a même pas, parmi ces jeux de guitares glissantes, lointaines et enchanteresses, ces chants mornes et sans lueur, ces harmonies délicates, une tentative de se comprendre, de s'indigner ou de se soigner. L’atmosphère irréelle et froide (comme sur le dépressif « Just like TV ») souligne l'insensibilité, comme l’intangibilité. 

Chacune des chansons est une pause sans en être une. Une pause car elles tirent un constat déprimant, ni négatif, ni positif, juste soulignant le zéro. Tout cela sans en paraître affecté. Et c'est à la fois aussi quelque chose de profond, de rempli, de riche. Un vecteur immense, livré avec retenue, de tout ce que la musique peut posséder de plus fort et de plus évocateur (le sublime « Shady Hands »). Une langueur par ci, un chant doucereux par là ou encore ici, un climat sépulcral, et c’est l’esprit qui vagabonde dans bien des turpitudes. 

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