28 mars 2015

Readymade : The dramatic balanced

The dramatic balanced de Readymade

Date : 1997
Production : Howard Redekopp
Label : No Records

Avec un sens du recyclage inouï, ce groupe originaire de Vancouver renouvelle les codes du shoegaze, pour l’emmener sur les terres de l’electronica et du post-rock. Traitant avec une rigueur méticuleuse les arrangements et les possibilités modernes de production, Readymade mêle donc petits bruits électroniques, caisses claires et arrangements synthétiques à leurs guitares qui se posent comme des drones caressant.  
Le groupe arrive à manier des outils techniques froids (les claviers, les boites à rythme, les grésillements de guitares, les voix trafiquées au micro…) pour aboutir toujours à une musique chaleureuse. « Wayfinding » démarre par des pshuut, des plics, des ticccs, des plocs, pourtant cette voix adoucie et un peu fatiguée rassure, même si elle peut être parfois perturbée par une saturation industrielle. Readymade arrive à faire de l’émotion avec l’artificiel. Les riffs sont entrainants, joués avec assurance mais indolence, et envoutent, tant pis s’ils sont interrompus par des brisures ou recouverts de sirènes (« Of urban sprawl »), tant pis s’ils sont grésillant. Car les voix, elles, restent angéliques et émasculées.  
C’est surtout lorsque Readymade se lance dans des berceuses qu’il arrive à subjuguer par son invention et son ingéniosité. Sur « Following a typewriter to sleep »), on devine bien que tout est synthétique, des boites à rythme, au petit riff samplé qui se répète indéfiniment, aux échos de guitares tremblotants façon Loveless, en passant par la voix trafiquée et mixée pour être un peu étouffée, et malgré cela, on ne peut s’empêcher d’être saisi : c’est si tranquille, si relaxant et si beau !
Ce joyaux du shoegaze canadien est si finement travaillé qu'on dirait qu'il sort tout droit d'un rêve. C'est avec stupeur qu'on se lance à l'écoute de ces guitares saturées qui dessinent des nuages qui s'évaporent aussitôt, dans une ambiance de féérie électronique. Les membres de Readymade paraissent user de moyen si fragile que c'est à peine si la boite à rythme arrive à passer par-dessus le reste. Ainsi, « Hamburg » est une ballade adorable, à déchirer les cœurs. Avec son rythme lent, confirmé par une batterie sûre d’elle-même, et d’une basse en avant, elle berce. Puis déboule des drones parasitant, un clavier féérique et un chant céleste pour achever la capture.
De simples saturations, une simple rythmique, sont là pour tisser une toile filamenteuse où vient se déposer une voix toute douce et toute douce, car il n'y a guère d'autres mots pour désigner le degré de légèreté qu'atteignent les vocalises du groupe. L’univers de Readymade n’est pas dur comme l’acier, il est au contraire réconfortant. Certains morceaux, très longs, peuvent alors emmener l’auditeur à se perdre et à rêvasser, d’autant qu’il perd toute notion organique à quoi se raccrocher. C’est loin d’être tarabiscoté, ça prend son temps, ça peut même démarrer très lentement, comme sur le superbe « Head falls to shoulder », un peu comme une ballade slowcore, puis lorsque les claviers arrivent et que la batterie se fait un poil plus insistante, la pression artérielle augmente progressivement, on s’étonne d’adhérer avec ce chant si laconique, pourtant lorsqu’enfin arrivent les saturations, on le vit comme une libération, un apaisant paroxysme

20 mars 2015

Soon : Scintille

Scintille de Soon

Date : 1996
Production : Andjela Dutt
Label : Black Out / Mercury

Produit par Andjela Dutt, une spécialiste du shoegaze (Swervedriver, The Belltower, The Boo Radleys, Rollerskate Skinny, Submarine, The Werefrogs, elle est même conviée un temps pour participer au Loveless de My Bloody Valentine), cet album pourtant sorti sur une major se dote d’un mur du son pour doper ses mignonettes chansons pop. Le groupe italien signe des tubes destinés à conquérir les charts tout en se compliquant la tâche à grand renfort de guitares. Malgré l’esprit ouvertement pop et mignon tout plein, les déferlantes font mal aux oreilles, comme sur « Ordine » ou « Settimane », qui rappellent un peu ce qu’ont pu faire Pale Saints (lorsque Meriel Barham était aux commandes) ou Lush sur la fin.
En effet, grâce à Andjela Dutt, les influences shoegaze pointent le bout de leur nez. Exit les voix inaudibles et la torpeur mélancolique, mais derrière les saturations, les accélérations à la batterie et le son bodybuildés, Soon dévoile tout de même quelques surprises. Une pulsion à pervertir juste ce qu’il faut ses chansons, pourtant adorables et basiques de prime abord (le punk « Stasi »). Mais ce n’est qu’une apparence. Car il faut voir derrière la voix cajoleuse et enjouée d’Odette Di Maio (tout en italien), un esprit espiègle et fragile. 
A bien y réfléchir, le groupe est en réalité loin de vouloir s’épanouir dans une ambiance frivole, tout juste bonne à plaire au grand public, il souhaite avant tout sublimer une certaine vision de la beauté, en y injectant le doute. C’est ainsi que le sublime « Il fiume », démarrant pourtant avec une guitare sèche et une magnifique mélodie à la guitare, va être envahi à chaque refrain par une déferlante de gros sons, puissant et grondant.
Il faut entendre la petite Odette Di Maio chanter innocemment sur « Larva », tandis que graduellement les saturations s’accentuent. Elle continue comme si de rien n’était et se laisse envahir par cette déferlante de bruits autour d’elle, une démarche assez subversive en soi, car on aurait tendance, par facilité, à la mettre en avant. Pourtant, pour le groupe, les choses sont claires, ce qui est à l’honneur, ce sont avant tout les guitares.
C’est en étant sans cesse emballées et saturées qu’elles prennent les devants et donnent un cachet particulier à ses magnifiques morceaux que sont « O almeno sembra », où la voix aérienne de Odette fait des miracles, ou « In nessun posto », une vraie ballade romantique.
Certes, la formule reste souvent basique : couplet vindicatif, refrain apaisé et lumineux, cependant, ce (léger) mur du son perverti un tout petit peu ces chansons joyeusement dynamiques.