22 décembre 2010

Fiche artiste de Lovesliescrushing



Lovesliescrushing


Composé de Scott Cortez et Melissa Arpin (couple dans la vie) mais aussi d’une pédale steel, véritable troisième membre, Lovesliescrushing se forme à l’hiver 91 dans le Michigan. Avec pour seuls artifices une guitare, des reverb, et un delay de 0,8 secondes, ils façonnent de nouvelles structures au format rock habituel, le tout sur une 4-pistes.
Le duo déménage à Tuscon et enregistre là-bas à l’été 92 une démo de Bloweyelashwish, collage de plusieurs bricoles désunies, ce qui leur permet de signer sur Projekt Records. Cette démo fut alors, à titre expérimental, remixée et enregistrée à nouveau. Dans le même temps, le duo fait un ou deux show, ouvrant le groupe Low, notamment, même s’il est difficile pour eux d’exprimer l’étendu de leur déferlante de bruits sur scène.
Après avoir assuré la promo de l’album, le groupe quitte Tuscon en 95, non sans avoir auparavant sauvegardé leurs nouvelles chansons sur un ordinateur portable. Au retour dans le Michigan, Scott et Melissa se séparent.
Quelques temps après Scott se lie d’amitié avec Andrew Prinz (qui deviendra son collocataire) et sa petite amie Allysa Brown. Avec eux, Lovesliescrushing prendra plus de consistance sur scène et de nombreux concerts auront lieu à Pittsburg ou New-York, encadrant la sortie d’un deuxième album. Dans le même temps, Scott se consacre à son autre projet : Astrobrite.
Puis en 97, après un passage à Chicago, Scott atterrit dans l’Ohio, où il traversera un profond passage à vide, déprimant seul chez lui et vivant des rentes de Lovesliescrushing, sombrant même dans l’alcool et rompant l’ennui de temps à autre par des aventures. Touchant le fond, Scott retourne à Chicago pour démarrer une nouvelle vie.
De nombreuses collaborations voient alors le jour, ainsi que de nouveaux albums de Lovesliescrushing, dont un entièrement a capella, en 2005.


Lovesliescrushing : Xuvetyn


Xuvetyn de Lovesliescrushing

Sortie : 1996
Produit par Scott Cortez
Label : Projekt

Lovesliescrushing possède la manie de ne pas vouloir se faire comprendre. C'est assez déstabilisant comme approche - on peut difficilement faire plus abscon comme musique - mais tout aussi fascinant quelque part.
Des paroles incompréhensibles, psamoldiées dans un râle suave et mixées très, mais alors très très, en retrait jusqu'à l'absence complète de support rythmique, voire même mélodique, le style éthéré du duo américain ressemble à une sorte de léthargie. Entrecoupées d'interludes très courts, où ne subsistent que des grondements électriques, des brides de distorsions étouffées ou quelques brouillages sorties des mondes féeriques, les chansons de l'album ne reposent sur rien, sur strictement rien. C'est suffisament déroutant pour le signaler.
En terme de lignes d'harmonie, on a le droit à des samples tremblotant, vaporeux, uniformes et constant, imposant un nuage frémissant. On ne peut même plus parler d'ambient puisque tout s'évanouit sous les bruits sourds de soucoupes volantes qui décollent, d'échos synthétiques provenant de très très loin, ou de mousses de savon à la texture si légère qu'on la traverse sans peine. De là, de ces nappes mélangées entre drones grondant et échos de brouillard magique, de ce décharnement extrême, émerge une sensation de flottement iréel. Comme si on écoutait la bande-son d'un rêve fantastique.
Une drôle de texture se forme, un mélange de fluide et de tressautement, qui patauge, s'imisce et disparait très vite, à la densité proche du zéro absolu, entre les chants indistinct mais léger comme tout, angélique et fondant, et les notes de distorsions d'une fluidité extrême, maintenues dans un registre constant, tissant des ambiances cotonneuses.
Impossible de trouver des repères, un semblant d'éléments solides sur lesquels s'appuyer, un contour bien défini avec des variations, des hauts et des bas : ici, tout est constant, tout est morne, tout s'évapore et rampe et se faufile comme du gaz. A tel point d'ailleurs qu'on cède : la musique de Lovesliescrushing est à ce point floue qu'on en devient passif. C'est alors la musique qui nous envahit et qui prend forme autour de nous. Pas de contour, ni d'allure, mais par contre une consistance : molle, vaporeuse, gazeuse. On la sent, ça frétille, ça coule, ça s'étend, on peut y plonger les bras et traverser de part en part, ça chatouille en passant.
Bien sûr incompréhensible et totalement réfractaire à toute forme d'analyse ou de décryptage, cet album référence du genre n'en demeure pas moins incroyablement dépaysant, avec cette recherche systématique de faire se mouvoir l'informe.

30 novembre 2010

Fiche artiste de State of Grace


State of Grace

Bien que considéré comme culte dans le monde underground des boites de nuit dans les années 90, State of Grace n’a jamais réussi à recueillir le succès qu’il méritait.
La faute à des albums de plus en plus lisses, trop pop, trop artificiels, trop lumineux, malgré la voix suave de Sarah Simmonds. Le groupe tente un mélange entre la Brit-Pop et la dance sur ces albums, le non moins réussi « Jamboreebop » et à un degré moindre, « Everyone Else’s Universe ».
Loin donc de l’esprit des tout premiers singles du groupe, ceux sortis sur le label culte Cheree Records. Au début des années 90, peu après leur formation à Londres, State of Grace (Sarah Simmonds, Anthony Wheeldon, Tim Madesson et Paul Arnall, signe des chansons extraordinaires, envoûtantes, vaporeuses, évanescentes, alliance entre guitares brouillées, boite à rythme et ambiance psychédélique. Ces singles, dont le mirifique « Camden » en 1992, en hommage à ce quartier de Londres, qui à l’époque était le centre névralgique du rock indépendant et du monde de la nuit, seront regroupés plus tard en un album, « Pacific Motion ». Un recueil superbe, indépassable, dont on ne peut s’empêcher d’éprouver une tendresse toute particulière.
Une affection infinie et inexplicable pour ce groupe et ses tout premiers titres, « Love, Pain and Passion » ou « Miss You » par exemple, aux zébras de guitares de Paul Arnall et aux claviers nébuleux, dont on ignore encore pourquoi ils nous accrochent autant. Sans doute est-ce du à la voix pernicieusement douce et charmeuse de Sarah Simmonds… Mais ce qui renforce encore davantage cette impression d’attachement, c’est de réaliser qu’on est bien seul à aimer ce groupe, que ces chansons, personne ne les connaît, mais qu’en les écoutant, dans le noir, avant de s’endormir, suffit à les faire vivre, à les rendre réelles. Dans ce cas, on se trouve face à un trésor : une source inépuisable qu’on cacherait jalousement et qu’on défendrait contre toute la raison du monde.

Discographie :

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Pacific Motion

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Jamboreebop

Fiche artiste de Whipping Boy


Whipping Boy 


 Whipping Boy, c’était Paul Page (guitare), Myles McDonnel (basse), Colm Hasset (batterie) et surtout Fearghal McKee (chant), ce meneur torturé, à l’esprit frappé, haineux et immensément doué. Un groupe culte de la scène irlandaise.

24 novembre 2010

Whipping Boy : Submarine


Submarine de Whipping BoyCoup de coeur !

Sortie : 1992
Produit par Whipping Boy
Label : Liquid Records

La claque ! Un riff coup de matraque ! Puis ça s’ouvre, ça s’éclaire, ça fait rentrer de la lumière pour une mélodie doucereuse noyée de saturations. « Safari », le premier morceau de cet album, marque le tempo pour la suite : il y aura beaucoup de bruits.
Une certaine forme de violence se dégage de cet album. Ferghal McKee est un personnage torturé et il prendra le soin de colorer sa musique selon l’humeur du moment. Particulièrement gorgées de guitares, les chansons de Submarine, cathartiques et vombrissantes, frappent et cognent plus qu’elles ne caressent.
Progressivement, avec le concours de la section rythmique, plutôt martiale, une certaine tension va s’installer, comme sur le superbe « Beatle », irrespirable, enfermant l’auditeur dans un étau. Subjugué par la puissance des coups, ce dernier étouffe presque, s’asphyxie. La nonchalance du chant, parfois même parlé, la gravité du ton, la douceur des mélodies cristallines de certaines intro, renforcent cette impression d’intensité dépassant de loin ce que l’auditeur peut contenir, obligé alors de s’incliner.
Quelque part entre les agressions industrielles du mouvement Camden Lursh (Whipping Boy possède quelques similitudes avec The God Machine ou Therapy ?) et les évanescences du mouvement shoegaze, le groupe irlandais de Ferghal McKee impose un maxi-format de froideur et de saturations.
Il est assez rare de voir autant de violence dans ce type de musique, mais ici, elle est soit subjugué, déformée en un trip robotique (« Buffalo »), soit elle est contenue, rentrée en des moments vaporeux et saturées, aux voix légères comme des plumes (« Astronaut Blue », adorable merveille shoegaze).
Dans un mélange des deux, cela aboutit à de grandes chansons ébouriffantes : « Sushi » et alternant passage cristallin et soubresaut industriel, « Favorite Sister », sa basse, ses roulements de batterie, sa flûte, ses moments d’accalmie, toujours sur la corde raide, ses déferlantes de guitares ou bien « Snow », son groove et sa basse magique en forme de lame de rasoir.
Ce qui est étonnant avec cet album, très réussi, mais malheureusement éclipsé par le succès du deuxième, c’est la facilité avec laquelle Ferghal McKee accepte et semble apprécier devoir se plier sous les coups de ses propres guitares, dans une sorte de masochisme pervers et particulièrement jouissif. Mêlant ainsi riff plutôt rêveur et saccages tourbillonnant, Ferghal McKee cède sous le poids des saturations (extraordinaire morceau éponyme de fin), se laisse emporter, comme s’avouant vaincu, conférant une force de percussion toute particulière à ses chansons.

3 novembre 2010

Whipping Boy : Heartworm


Heartworm de Whipping Boy

Sortie : 1995
Produit par Warne Livesey
Label : Columbia

Cet album de Whipping Boy ne cache pas le fait qu’il soit le premier à être signé sur une grosse major, à savoir Columbia. On y retrouve un Ferghal McKee plein d’allant et de détermination, accompagné par une section rythmique énervée, une froideur digne des années 80 et un gros son, avec de grosses guitares, car il faut le dire, ces dernières sont énormes, plus proches du rock américain que du shoegaze originel.
La production et les moyens offerts se mettent au diapason de la puissance cathartique de Whipping Boy. Le combo irlandais hargneux et désabusé s’offre alors une intensité à la hauteur de la noirceur qui les habite. « Users » ou « Blinded » (qu’on croirait piqué à Adorable) sont des titres ronflants, décoiffants, mais qui possèdent des refrains d’une grande force évocatrice.
Car si les guitares prennent le dessus, le ton lui est vertigineux, alternant les douceurs et les passages davantage brutaux. Whipping Boy est un groupe en perdition, obscur et résolument inquiet. Même si les lignes mélodiques de Paul Barge soufflent un vent épique au sein des morceaux, les glissades, les chutes et les saturations plombent les morceaux, les lestent d’un poid insoutenable, celui des déboires et de la hargne. Le refrain, pardon l’hymne, le slogan, la revendication amoureuse (rare dans le monde du shoegaze), de « We don’t need nobody else » joue sur ces transitions d’état, avec d’abord un chant parlé, puis plus clair, avant d’être trafiqué par mégaphone, le tout sous des guitares saturées et vigoureuses.
L’intro féerique du sublime « Tripped » se laisse complètement saccagée par une basse quasiment grunge et des guitares pataudes. Ferghal hésite entre chant mordant et négligence décontenancée. La violence, jusque là contenue, ne pourra que fatalement finir par exploser à la fin du morceau, assez tourbillonnant.
Car l’humeur n’est pas à la joie avec les tortures intérieures de Ferghal. Une noirceur va s’immiscer dans chacun de ces morceaux épiques et plus lyriques que la sobriété de leur propos. Sur « The Honeymoon is over », tout le désenchantement peut éclater, avec ses guitares tranquilles et sa batterie émoussée, Ferghal peut alors jouer à Nick Cave, finalement la personnalité qui lui ressemble le plus, lui ce grand harangueur du désespoir.
Cette colère prend parfois des airs pompiers mais touche souvent au céleste et laisse pantois, comme sur « Twinkle », énorme et efficace. Le gros son offert et promis par Columbia fait ici son effet, permettant de faire basculer un couplet froid et caressant vers un refrain éclaté, véritable bataille rangée de saturations gonflées à l’hélium.
Cet album, même s’il fut n°1 en Irlande et certifié disque d’or, ne réussit pas à atteindre les ventes espérées, si bien que le label finit par se désengager du groupe. Probablement que malgré le gros son, qui évoque Catherine Wheel notamment, le groupe possédait une noirceur et un esprit trop alternatif pour plaire au plus grand nombre.
Dommage, car une bonne partie des gens passèrent à côté de petites merveilles, ballades romantiques désabusées, noyées sous les cordes de violons, comme les fabuleux « Personality » ou « Morning Rise ».

28 octobre 2010

State of Grace : Jamboreebop



Jamboreebop de State of Grace

Sortie : 1995
Produit par Paul Arnall
Label : 3rd Stone

Sur son premier album, le groupe se fait davantage accessible, en s'orientant plus vers la pop que d'habitude.
La délicieuse voix de Sarah Simmonds est beaucoup plus claire, voire mordante, aux lignes mélodiques faciles à suivre. Ce qui fait que la chanteuse perd en mystère, en charme langoureux, ce qu'elle va gagner en clarté et en vivacité. Quant à la magie sybiline des premiers singles, peu de traces. L'album sera avant tout chaleureux.
La plupart des chansons sont plus courtes, allant à l'essentiel, à savoir un mix entre la techno et la pop acidulée, chargées de guitares, de claviers et de boite à rythme. Quelques réminiscences orientales et psychédéliques s'infiltrent de ci, de là, ajoutant plus de lumière dans la musique du groupe qu'auparavant. Par exemple, "Smile" offre un engagement significatif, de même pour "Hello" à la fraîcheur bienvenue. On oserait même le folk avec la ballade "Different World" et sa guitare sèche.
On pourrait avoir peur que le groupe s'égare mais il faut reconnaître que c'est l'optimisme qui a gagné : le titre final éponyme offre un nuage de bonheur, de "lalala" communicatifs, de saturations et de bonhomie merveilleuse.
Heureusement, une certaine langueur reste de mise, comme sur "Fluorescent Sea", aérien, "Rose" et ses distorsions lointaines. Le style du groupe, unique et précurseur, c'est un esprit évanescent et lougne que le monde des boites de nuit connait finalement peu en Angleterre. Le grand public, lui, méprisera cet album. Ce qui occultera de tel effort expérimentaux, tel que les douze minutes de "Bitter Sun", avec ses recouvrements incroyablement tristes et cette torpeur qui sert la gorge et étreint le coeur.
Une féerie totalement artificielle habite cet album. A l'image du magnifique "And love will fall", qui malgré sa candeur, reste avant tout un superbe hommage aux guitares, dont les distorsions se frayent un chemin derrière les claviers orchestraux et tombant en pluie d'or. A cette occasion, le chant de Sarah Simmonds devient inouï, vigoureux et instannément vibrant. Et c'est bien tout ce qui compte...

Fiche artiste de The Boo Radleys




The Boo Radleys

Le groupe de Martin Carr glissera progressivement du shoegazing vers la pop en passant par le psychédélisme mais sans jamais connaître le succès qui lui était du.
Le groupe de Liverpool sera considéré alors comme le plus grand groupe anglais inconnu du grand public.

24 octobre 2010

Fiche artiste de Henry's Dress


Henry's Dress

L’histoire de cette formation américaine s’est un peu faite selon le hasard, suite à des coups de bol, et de beaucoup d’intuitions.Le groupe, composé de Amy Linton, Matt Hartman et Hayyim Sanchez, enfermé à Albuquerque, où ils sont comparés à Oasis par certains fans, alors qu’ils détestent ce groupe, décide en 1993 de s’installer à San Fransisco, (Amy Linton ayant été acceptée à l’Institut des Arts) dans l’espoir d’y côtoyer des groupes proches de leur inspiration, comme Brian Jonestown Massacre ou The Rosemarys. Arrivés là-bas, le groupe est désappointé par l’étendu de la ville, son immense activité, et cette impression que le temps y passe plus vite. Déboussolé et intimidé, Amy envoie alors une démo au seul label qu’elle connaisse : Slumberland Records.La structure leur permet de produire un single puis un premier maxi de huit titres, avant un album en 1996. Leur musique se rapproche de ce qui se faisaient dans les années 80 avec My Bloody Valentine, The Darling Buds ou bien The Jesus and Mary Chain, mais avec une urgence propre aux groupes garage et mods que le groupe affectionnait beaucoup (The Sonics, The Who, Kinks ou Pretty Things). Mais les projets d’Amy Linton (notamment avec The Aislers Set) ne permettent pas d’assurer une pérennité au groupe, qui finalement tombera dans l’oubli dès l’année suivante. On se souviendra notamment de Henry’s Dress pour avoir participé à un split avec Rocketship, dont le génial « Over 21 » (qui sera suivi d’une tournée commune).

Discographie :


Henry's Dress : Bust 'em Green



Bust 'em Green de Henry's Dress

Sortie : 1996
Produit par Dustin Reske
Label : Slumberland

Le retour au bon rock n’roll à l’ancienne ! Sur cet album, qui a des parfums de rock garage comme il se le pratiquait dans les années 60, on retrouve donc des guitares absolument crades, mal travaillées, distordues, saturées, mais surtout un sens du rythme carré et basique : c’est binaire et on ne se pose pas plus de questions !
« The way she goes » (et son groove entêtant, ses accès de fureur, son esprit vintage), ou encore « Get Yourself Together » sont des condensés de sauvagerie, punk dans l’âme, pop dans la forme, ou l’inverse, peu importe, ce qui prime c’est le bruit, c’est la simplicité, c’est le brut.
La voix espiègle de Amy Linton vient s’immiscer dans cette fureur criarde avec toute la fausse innocence qu’on lui connaît, comme sur les bombes que sont « Target Practise » et « Zero zero zero ». On n’avait pas connu une telle urgence depuis les Primitives ou Talulah Gosh. C’est avec ce genre d’album, que seul le label Slumberland pouvait produire, qu’on revient aux fondamentaux.
Alors bien sûr, il faut se taper les innombrables distorsions, d’autant que le mixage (s’il a bien eu lieu !) n’aide pas à polir le son, et on doit se résoudre à avoir des acouphènes, mais derrière ce tempo endiablé, cette urgence (peu de titres dépassent les deux minutes), cet esprit particulièrement lo-fi, on découvre de véritables perles mélodiques. Le riff très gras de « Winter 94’ » est un pur régal : il est si simple qu’on se demande comment il n’avait pas encore été inventé. Le délire boogie-woogie de « Not Today » est irrésistible. « Treefort », avec sa basse chewing-gum, ses saturations orageuses, son chant nonchalant et divin, est le titre le plus cool et le plus sexy que le groupe ait jamais écrit !
Il n’y a peu ou quasiment pas d’intro, pas de couplet / refrain d’ailleurs non plus, la chanson est un refrain en entier, passé au mixer, complètement torpillé et saccagé par des distorsions infernales ou encore une production déficiente, volontairement en dessous des moyens de l’époque, pour un rendu unique, qui sert uniquement la nonchalance du groupe. Des titres comme l’extraordinaire « Hey Allison » ou « All This Time for Nothing » n’en ressortent que grandis.

21 octobre 2010

State of Grace : Pacific Motion


Pacific Motion de State of Grace

Coup de coeur !

Sortie : 1994
Produit par State of Grace
Label : 3rd Stone

Etat de grâce. Le groupe ne pouvait pas porter d’autre nom. Le sommet est atteint de manière insidieuse, sans qu’on s’en rende compte, mais chaque seconde est encore plus magique que la précédente, on baigne dans une sorte de torpeur merveilleuse et apaisante, propice à l’évasion. Tout trouve sa place, tout se mélange parfaitement, tout s’étend et se prolonge, pour des morceaux dépassant largement les cinq minutes, tout invite au raffinement et à l’ivresse.
Pour cet album dont jamais on n’aurait parié en tomber amoureux, mais qui devient très vite un album de chevet, de ceux qu’on écoute religieusement, seul ou à deux, allongé sur le lit, coupé du monde, du vrai monde, ce qui est surprenant c’est que le monde proposé par State of Grace, lui, est complètement artificiel.
Un état de grâce certes, mais un état de grâce qui dépend d’artifices fabriqués, synthétiques, urbains. Et c’est là que tout ceci devient épatant, puisque la magie, le rêve, finalement une dose de mélancolie, vont se retrouver avant tout dans ces samples de clavier et ce rythme technoïde. On n’avait jamais entendu cela avant et les premiers singles de la formation anglaise se révèleront des bijoux qu’on n’avait pas vu venir mais qu’on chérit par la suite. Ces singles, qui malheureusement passeront trop inaperçus, ont été regroupés ensuite sur cette compilation, « Pacific Motion », sorti en 1994 par le label 3rd Stone.
La lenteur approche de l’ambient, et en cela State of Grace sera un précurseur, ce à quoi s’ajoute une répétition dans les phrasées, les thèmes, les gammes mélodiques. La montée sera progressive, avec une structure alanguie, sinueuse, des réminiscences et des vagues de guitares samplées, de chants mixées, à la douceur infinie. C’est d’un nuage que sort la voix magnifique de Sarah Simmonds. Une percée qui traverse le coton. Un rayon féerique qui vient de loin, de très très loin, au travers l’intro de « Sooner or later », comme s’immisçant dans un sommeil profond, et qui se répète indéfiniment. Un sample de voix qui brouillent les pistes, perturbent les balises, instaurent un climat onirique, sur lequel va se baser une ligne de chant de sirène, trafiquée, puis plus tard un rythme souple à la batterie, un groove ralentie. C’est une boucle qui ne varie jamais, les mêmes phrases se répétant, s’enchaînant et se superposant avec une langueur de boite de nuit. Une nonchalance qui va se renforcer au grès de l’instrumentalisation (la boite à rythme qui s’impose, les claviers, les échos) et qui va donner envie de dodeliner de la tête, tranquillement, doucement, et de fermer les yeux.
Une fois les yeux fermés, le corps se mouvant dans ce faux rythme un peu perdu, un peu adouci et artificiel, la portée des morceaux n’en est que plus grande. Ainsi « Miss You », qui pourtant s’ouvre sur un tempo totalement contrefait, à base de boites à rythme, se love dans une moiteur sexy, grave et quelque peu orientale, probablement de par la voix sensuelle de Sarah Simmonds, et permet à l’esprit de s’y enfoncer, de s’en imprégner. Quant à « Camden », premier single du groupe paru dès 1992, malgré son intro tout en distorsion, la féerie est de tous les instants, dans les petits bidules et les petits clapotis, dans cette voix moite et langoureuse, mille fois trafiquée pour la faire ressembler à celle d’une déesse, dans cette indolence qui peu à peu va se laisser recouvrir de bruits de guitares, de claviers, de claps et de réverbérations, pour un crescendo mécanique, où envers et contre tout s’échappera une petite mélodie entêtante à se damner. Les guitares magnifiquement saturées achèveront le morceau, ainsi que les samples de violons pour le porter vers un luxe tout aussi inouï que reposant.
Il n’y a pas de batterie à proprement parler, juste des machines, ni même un tempo binaire, puisque les plages flirtent avec l’ambient, il n’y a pas d’ossature puisque tout sera flottant, léger comme l’air, fluide, et il n’y a pas non plus de lignes de guitares puisque ces dernières n’apparaîtront que samplées pour déverser des saturations électriques et orageuses. C’est l’incorporation du mécanique, du froid, du numérique dans la beauté.
Ce qui ne nous empêche pas d’être totalement bouleversé. Et la finesse de State of Grace est de réussir à chambouler, à créer un monde magique, digne des Cocteau Twins ou de Slowdive (ah ! ce riff génial de « Love, Pain and Passion » ! Impossible à oublier…), sans composer une seule fois avec des moyens organiques. A partir d’une froideur instrumentale, d’un calcul sans fois refait et modifié, aboutir à une composition vivante, prenante, improvisée, débordante d’émotions. On sent une tendresse infinie dans ces chansons, dans leur façon d’étirer les minutes, de refuser de jouer avec les canevas, avec la limite instrumentale. Avec ces premières chansons, les ajouts se font et se défont, au grès des montées progressives, et il n’y a rien qui retient le tout, mélange de samples, de voix, de claviers, de bidouillages, mille-feuille expérimental à la base d’une beauté incroyable, nouvelle et relaxante.
Cette beauté, on va la trouver lorsque le groupe ose une pause dénudée, plus dépouillée, plus romantique aussi, avec le divin et insurpassable « Bitter Sun », à la guitare sèche et à la basse sublime. On n’a rarement entendu une pareille déclaration d’amour au spleen gothique. Près de huit minutes quasiment parfaites où le chant si gracieux, si angélique de Sarah Simmonds feraient fondre les plus insensibles, près de huit minutes à se perdre et à rêver devant un tel miracle mélodique, près de huit minutes à retenir ses larmes.
State of Grace ne se sert pas des schémas habituels, se contente d’une seule ligne de conduite qu’il étend sur toute une plage, à additionner les instruments, artificiels ou non, pour échafauder une exposition d’une rêverie sans limite, qui s’enrichit au grès des saturations, tout en maintenant une suavité infinie, notamment dans le chant et la tranquillité du rythme.
« Ruby Sky » est ainsi un parfait exemple de ce que l’ouverture peut entraîner : véritable lacher-prise effectuée lentement et avec douceur, ce morceau lumineux et entraînant, celui où le chant de Sarah Simmonds est le plus clair, repose sur des guitares, une orgue, des soubresauts de distorsions dans le lointain, des trompettes en arrière fond, un xylophone qu’on surprend parfois, le tout pour une féerie qui ne demande qu’à éclater, à s’ouvrir, à s’épanouir. La surenchère se fait progressivement, on se laisse facilement entraîner, d’autant que les riffs de guitares nous invitent à partir, et petit à petit les instruments s’ajoutent, s’intensifient, se font plus distincts. Enfin, le morceau abandonne, la richesse prend le pas sur tout et tout est alors envahi, on ne distingue plus bientôt la voix de Sarah Simmonds, renversée par les nappes de guitares distordues, pour un final chaotique, long, interminable et évoquant les grandes envolées du shoegaze.
Et alors qu’on pensait avoir touché au sublime, voilà que survient « Head », morceau tout aussi époustouflant de finesse, qui ne se laisse pas gagner si facilement, mais qu’on apprécie et qu’on chérit plus que tout au fil des écoutes. Comme le reste de la compilation du reste, album qui nécessite de l’attention et qu’on y revienne plusieurs fois, avant d’en faire un compagnon pour l’entrée dans le sommeil. « Head » est époustouflant, car comme les autres morceaux, jaillit d’une intro compliquée, biscornue, et entre par une voix complètement déformée qui scande un slogan. Véritable trip sonore psychédélique, le morceau offre son lot de chausse-trappe, de moments plus sombres et plus tortueux, ces passages noirs comme la nuit, comme de gerbes de lumières et de chaleurs, d’appui, de renforcement, notamment par les trompettes (merveilleuses), d’arrivées impromptues qui tout à coup sauvent le monde, confèrent espoir, plénitude et énergie.
On ne peut s’empêcher de ressentir beaucoup d’affection pour ce groupe et ces premiers essais, ici réunis, à plus forte raison parce qu’on sait que c’est une formation que quasiment personne ne connaît. Au moins, au cours de ces chansons, ont-ils atteint une sorte de perfection. On n’aurait sans doute jamais cru qu’elle aurait pu venir d’une musique si simulée, autant basé sur la retouche, sur le sample, sur les claviers, sur la falsification, et pourtant c’est bien le cas.
Pour s’en rendre compte, il suffit de se laisser porter par le splendide « P.S. High », son chant sexy, ses samples divins, son tempo roucoulant de boite de nuit, ce chant qui se prolonge dans le lointain, cette façon de susurrer des choses magnifiques avec une nonchalance extrême, presque quasiment défoncée et envahie d’une plénitude artificielle. Une poésie incroyable qu’on croirait sortie tout droit des machines, qui dans une autre vie, aurait leur propre sens de la beauté, leur propre définition de l’évasion, leur propre définition de la grâce.

18 octobre 2010

Fiche artiste de Swirl


Swirl

On ne peut s’empêcher de ressentir une tendresse toute particulière pour ce groupe de Sydney, son discours, sa musique aérienne qui s’apparente à une vague, son style indie, ses fringues gothiques et les longs cheveux noirs de Nicola Schultz, probablement une des plus belles chanteuses de l’univers shoegaze. Avec Ben Halways et David Lord, elle incarnera les plus belles heures du label Half a cow (Nic Dalton).

Clip vidéo : "Tide"


11 octobre 2010

Swirl : Aurora


Aurora de Swirl

Coup de coeur !

Sortie : 1992
Produit par Ric Dalton
Label : Half a cow


Bien souvent le shoegaze fut raillé, dénigré comme étant du sous-rock, une absence de prise de risque, un calfeutrage derrière un mur du son, une sorte de dérive puérile, comme si cette pop saturée et électrique devaient témoigner d’une maladresse.
A la différence du rock traditionnel, celui qui groove, celui qui fait danser, celui qui ne réfléchit pas, le shoegaze et ses myriades de couches alanguies et béates se positionnent vers un pôle beaucoup plus évanescent en fin de compte. Vécu comme une arborescence indigne, un bâtard, ce mouvement sera mis de côté, et tous ces groupes, comme Swirl, formation australienne, en même temps.
Swirl, pourtant, pratiquait une musique magique, à la fois noire et pleine d’innocence, construite autour d’ambivalences, de floues et de vagues passionnelles. Si on y réfléchit bien, Swirl ne voudrait faire que de la pop, de la vraie, pure, stupidement enjouée et optimiste, comme sur les adorables ballades folk « Afraid » et « People I know », sauf qu’à chaque fois, le tempo est alors ralentie, les voix toujours aussi douces mais moins convaincues, se laissant gagner par le désenchantement. C'est ce romantisme qui fait qu'on a de la tendresse pour ce groupe.
Là où le rock traditionnel appliquait sa formule ultra-classique et raisonnable, guitare + rythme binaire = bonheur, le shoegaze, celui de Swirl particulièrement, avec ses chansons gothiques recouvertes de guitares sucrées, érige plutôt l’agitation comme credo. Une agitation qui touchera autant les guitares, entre tranquillité et tourbillon forcenée, que les passions, un coup pleines d’espoir, un autre désemparées. Sous les soubresauts émotionnels, ces jeunes musiciens lascifs et au look de corbeaux noirs, chantres du psychédélisme, en viendront à abdiquer, abandonner toute idée de contrôle pour laisser parler les guitares saturées et les roulements de batterie. Les mélodies toute petites et toutes mignonnettes, qui évoquent tant la twee des groupes de Sarah Records (comme Sweetest Ache ou Brighter), traversées de zebras mirifiques de guitares sèches, sont alors interrompues brutalement par une accélération soudaine, déboulant sans prévenir. C’est le cas de « My small life », et c’est le cas aussi de « Kaleidoscope », qui après avoir démarré sur une berceuse avec harmonica, se conclut sur des tonnes de saturations, de coupures de rythme, des démarrages et des ralentissements, partant dans tous les sens dans une orgie sonore.
Les contradictions s’immiscent, entre la légèreté des voix, des chants, et la rudesse des guitares (« The Chase », quasiment aussi noise que The Telescopes) ou les entrées martiales, obscures et solennelles, rompant avec la langueur ambiante.
On pourra toujours reprocher à Swirl son refus du classicisme, cette absence de clarté dans le sens ou le message, malgré tout, cela démontre que le shoegaze est avant tout un mouvement fait pour s’abstenir de contraintes et de barrières. C’est cet élan lunatique, parfois maladroit et disparate, qui sera à la base de ce rassemblement d’échos tout aussi timides que lyriques, tout aussi humbles que tempétueux. Définition même du romantisme, le shoegaze de Swirl, qui se sera révélé comme un groupe attachant injustement méconnu, aura été celui de jeunes gens, un peu perdus mais agités de sentiments exacerbés, tournées vers eux-mêmes et non pas vers l’extérieur, comme pour témoigner un désenchantement générationnel, aussi bien en terme de portée musicale, que de portée tout court. Cela va se traduire par des saturations qui n’en finissent jamais et des chœurs soufflés qui n’en finissent jamais non plus.
C’est noir, presque gothique, mais cela reste léger et aérien. A l’instar des très beaux « Tears » (bouleversant) ou « She goes », tempête grondante, basse en avant, guitare indie pop, et pureté du chant, qui en plus de faire rêver, rassemble en quelques minutes à peine l’amassement des états émotionnels, extases, décroches, tourments. Si bien qu’on obtient quelque chose de bien différent du rock traditionnelle, sans doute trop centré sur le « je » adolescent pour obtenir l’approbation de la presse et du grand public, mais qui a le mérite de proposer un écrin parfait pour le rêve, le ravissement, le mystère, la grâce.
Une manière de se réapproprier les espaces et l’instrumentalisation pour en faire un nouveau refuge, un confident aux aspirations et aux doutes. Car il est si doux de se lover au sein de cette mélodie, celle de « Breathe », chanson fleuve de près de 9 min, si incroyablement belle, menée par une basse de toute beauté, une ligne à la guitare splendide de douceur, des harmonies vocales soufflées d’enfants de chœurs, et des secousses de saturations à en trembler de bonheur.

6 octobre 2010

Swirl : The Last Unicorn


The Last Unicorn de Swirl

Sortie : 1994
Produit par Ben Aylward
Label : Half A Cow


Même si Swirl laisse un petit peu de candeur infiltrer ses chansons, pour une bonhomie qui rappelle le bon temps de l’indie pop, l’innocence et la légèreté, comme sur « Strangelands » ou « Going Home », très traditionnel, il ne faut pas se leurrer : ce deuxième opus est en réalité beaucoup plus noir.
Les ambiances, derrière les apparences, sont nocturnes, avec un je-ne-sais-quoi de féerique qui fait toute la différence. La façon dont les guitares sont distordues à la fin de « Strangelands » annonce la couleur. En réalité, le ton est plus grave et plus profond.
Ainsi les chansons en général sont assez torturées, emportées, assombries aussi quelque part, probablement par les tourbillons de guitares ou le ton évanescent du chant. « Tailor’s Eye » est un superbe morceau, tout aussi magique que dark, mêlant à la fois solennité et émerveillement. La petite mélodie absolument adorable et crépusculaire qui inaugure « Chains », comme on entame une cérémonie funéraire, finit par être recouverte par une déferlante qui n’en finit jamais, sur un ton particulièrement auguste, sorte de tourbillon de plus en plus fort, à en couper le souffle. Ce côté épique, on va le retrouver par exemple sur « Dark Star » (qui porte bien son nom), avec son roulement de batterie d’enfer, ces saccades saturées, ce shoegaze dantesque et impressionnant, conférant de l’ampleur au message.
Mais là où Swirl est le plus subversif encore, c’est probablement dans sa gestion, parfois durant le même morceau, de ses temps effrénés, martiaux, tranchants, et de ses relâchements rêveurs, plus romantiques, dans le chant notamment, très suave. « The Last Unicorn », la chanson éponyme, démarre comme dans un rêve, de manière douce et merveilleuse, soutenue par la voix de déesse de Nicola Schultz, avant d’être entrecoupée de guitares saturées plein d’allant et d’énergie.
Paradoxalement, c’est lorsque les guitares shoegaze s’éteignent progressivement, que Swirl dévoile alors le cœur de son style avec le plus de pudeur, drapé par une théâtralité acoustique, rempli de violons tristes, comme sur « Night of the Unicorn » ou « Poppel Grave », qui évoquent tout autant la dream-pop que le gothisme moyenâgeux, pour atteindre une beauté incroyable.
Beauté qui ne manquera pas d’être sublimée et renforcée par les attaques de guitares saturées, à l’instar du long et ultime « Hyperon Crash ».

3 octobre 2010

Fiche artiste de Straitjacket Fits


Straitjacket Fits

Straitjacket Fits est originaire de Nouvelle-Zélande. Et aussitôt, pour l'amateur averti, cela déclenche une foule de souvenirs : la fameux Dunedin Sound, le label Flying Nun Records, The Clean, The Verlaines, The Bats, The Chills et tous ces groupes cultes.
Ce groupe, qui s'est formé en 1986 sur les cendres de The Double Happys après le décès tragique de Wayne Elsey, est avant tout eclipsé par son leader Sayne Carter, une forte tête. Mais c'est l'arrivée d'Andrew Brough qui va complètement changer la donne : lui, c'est le timide, l'amoureux de la pop, tout l'opposé de Sayne Carter en somme. A eux deux, ils seront les dépositaires du style de Straitjacket Fits, aux guitares abrasives et aux voix adoucies.
Un premier EP, "Life on one chord", sort en 1987, évidément sur le label Flying Nun, qui se classe dans le Top 50 néo-zélandais pendant près de dix semaines d'affilées ! La chanson "She speeds" devient un hymne.
Le groupe quitte ensuite Dunedin pour rejoindre la capitale Auckland. Le premier album sort en 1989, intitulé "Hail" et produit par Terry Moore (ex-Chills), ce qui permet de le défendre en Australie puis en Europe. A leur retour, fort de cette expérience et des influences shoegaze anglaises, un deuxième album, "Melt" parait l'année suivante, ce qui constituera le sommet de leur carrière.
Straitjacket Fits fait alors la première partie de My Bloody Valentine en Australie et de The La's aux Etats-Unis. Malheureusement, c'est là-bas que les tensions entre Sayne Carter et Andrew Brough deviennent insoutenables, entraînant la séparation du groupe et la multiplication des parutions parallèles, au sein de Dimmer ou de Bike.

28 septembre 2010

Straitjacket Fits : Melt


Melt de Straitjacket Fits

Coup de coeur ! 

Sortie : 1990
Produit par Gavin McKillop
Label : Flying Nun

Straitjacket Fits, le groupe culte de Nouvelle-Zélande, est avant tout mené par deux hommes, Sayne Carter et Andrew Brough, qui chacun est à la composition. Frères ennemis, leurs styles s’opposent tout comme ils doivent se servir l’un de l’autre pour se sublimer. C’est de cette relation ambivalente, très tendue, qu’est né Melt, sans conteste leur meilleur album, le plus travaillé, celui où malgré les divergences, chacun va permettre à l’autre de trouver sa place. Le duo est des plus classiques, et évoque tant d’histoires, connues comme oubliées, dans l’histoire tumultueuse des groupes : l’un est pop (ce sera Andrew Brough), l’autre est rock (ce sera Sayne Carter). De cette contradiction naîtra pourtant une des plus belles synergies. La grâce des mélodies et des chants, vaporeux ou langoureux, se verra renforcée par un tempo plein d’allant et des guitares vives, pleine de morgue et rappelant un esprit tout ce qu’il y a d’indie pop, dans la plus pure tradition du pays et du fameux Dunedin Sound.
Les guitares de Carter tourbillonnent, se font souvent saturées, avec un son tout aussi brouillon que magique, s’affolant parfois en des solos distordus et lunaires, appuyant son chant mordant (« Headwin »), arrogant et lâché entre les dents, tandis que le sens inné pour les déviances pop et féeriques, les ajouts de guitares sèches et les voix ouatées, délicates et sexy de Brough, sublimeront l’ensemble (« Down in the splendor », tout simplement superbe, probablement leur plus belle chanson). A l’origine du ténébreux « Skin to wear » (quelle ligne de guitare !), on trouvera la patte de Sayne Carter, mais à l’origine des voix et des chœurs doucereux, il y a sans conteste l’ajout de Brough, de même pour la guitare sèche discrète qui arrive à la fin, enrichissant ainsi la chanson et lui donnant un style que seul Straitjacket Fits possède et qui ne sera pas pour rien dans celui de Swervedriver plus tard. Il suffit d’écouter le romantique « Hand in mine » pour comprendre.
Ces deux forces d’écritures permettront d’écrire quelques unes des plus belles compositions tout aussi rock n’roll que psychédéliques. A ce titre, « Bad note for a heart » et son incroyable virement de cap au milieu de la chanson où après un début noir et brouillé, la musique s’ouvre en un étalage lumineux de forces, de merveilles dédoublées et de guitares lunaires, une vraie mine riche et travaillée. C’est d’un tumulte saturé, vigoureux, qu’émerge, comme sortis des fumées, des affres lunatiques de la musique, une voix marquée par le psychédélisme (« A.P.S »), et c’est d’une vague féerique, que parviennent à nos oreilles ces chants soufflés comme des arias magnifiques (« Melt again yourself »). Alourdi par des caisses frappées avec force et détermination et zébré de long en large par des guitares électriques, distordues sorties du lointain et métalliques, « Such a daze » sera pourtant une ballade magique, avec derrière ces saturations, un chant des plus savoureux, doux et plusieurs fois doublé de chœurs.
C’est doux, c’est dur, c’est noir, c’est lumineux, tout ceci se mélange et se confond, parfois dans la même chanson (le final « Cast Stone », crescendo de défoncés, se passe de tout commentaire, il suffit de se référer aux frissons qu’il procure pour comprendre), prouvant que les deux compositeurs sont ici à leur sommet, tant tout est d’une maîtrise incroyable. Andrew Brough et Sayne Carter signent là avec Melt un pur bijou, une merveille de la scène de Dunedin et de Flying Nun Records, ancré dans l’indie pop, le psychédélisme et le shoegaze de l’époque, style que malheureusement on aura du mal à retrouver par la suite.

26 septembre 2010

Fiche artiste de Nyack


Nyack

Après une série de concerts en première partie de Velocity Girl ou de Medicine, les démos de Aenone finissent par tomber aux oreilles du producteur Steve Ferrara qui venait tout juste de monter son label anglais Echo.
Craig Sterns, Kim Collister, Bill Stair et Steve Crowley s’envolent alors pour Londres et rejoignent leur producteur ainsi que Alan Moulder au mixage. Après avoir été forcé de changer de nom (Nyack sera choisi en référence aux quartiers de New-York dont ils sont tous originaires), ils enregistrent alors tout d’abord un single, "Savage Smile", qui est une reprise d’une ancienne chanson de l’époque d’Aenone, puis un premier album, « 11 Track Player ». La pochette n’est pas sans évoquer celle de Zipgun. L’album voit la musique du groupe hésiter entre le shoegaze des débuts et un entrain power-pop. Mais malgré une bonne presse, de multiples concerts au CBGB’s et des premières parties pour la tournée de Sleeper, les ventes sont maigres, obligeant les musiciens de Nyack à revenir sous un autre nom, dès 1997, à savoir Fork.

Nyack : 11 Track Player


11 Track Player de NyackSortie : 1995
Produit par Steve Ferrara
Label : Echo


Nouveau nom et nouvel album pour les jeunes de New-York qui en profitent pour revenir plein d’allant et d’envie. Mené par un train d’enfer par le charismatique Craig Sterns, sorte de dandy élégant et glamour, ils pratiquent une musique avenante. « Lost in you » ou « Knuck » confirment ce retour punchy. Un style qui se rapproche finalement pas mal des Posies ou des Foo Fighters.
Des bons petits morceaux accrocheurs, emballants sans être excitants, aux guitares light, au son tout juste ce qu’il faut de saturé mais jamais trop, limpide et sans aspérité.
On pourra toujours discuter de cette production, hyper lisse, dont surtout rien ne dépasse, qui ajuste un tempo suffisamment alangui et énergique pour ne pas faire de vagues, ou qui met en lumière un chant tout ce qu’il y a de plus romantique, sous fond de grosses guitares, dans la pure lignée power-pop américaine, mais il n’empêche qu’il y a de sacrés mélodies.
Car c’est tout de même le point fort de Nyack et sur ce terrain, le groupe n’a rien à envier aux autres formations plus connues et au plus grand succès.
Dans un credo « ballade à grosses guitares saturées », le groupe excelle, notamment dans la deuxième moitié de l’album, où à partir de là, le rythme lent, les voix adoucies et légères, un poil lyrique, mais chevrotantes, les dédoublements, les guitares lourdes et saturées, font absolument merveille ! L'extraordinaire « I remember red », par exemple, le passionné « Evergreen » ou le lent « Sepia » sont des petits bijoux shoegaze qu’il est bon de savourer. Il n’y a pas à dire, c’est dans le shoegaze que le groupe joue le mieux, et c’est là que le charme de Craig Sterns s’exerce à plein, dans ses souffles et ses séductions en douceur.
Et puis il y a aussi « Summersleeper », ses guitares sèches et ses violons avec ces nuages de saturations, qui est une curiosité romantique à découvrir !

30 août 2010

Fiche artiste de Clouds


Clouds

A de rares exceptions près, les groupes australiens ont une certaine propension à être maudits. Parmi eux, Clouds est celui qui s’est le plus rapproché d’un succès possible. Culte en son pays, malheureusement, la formation de Sydney n’a jamais eu la reconnaissance qu’elle méritait au-delà du continent. Pourtant sa musique, enjouée, lumineuse et très pop, avait tout pour faire un carton. D’autant qu’elle correspondait à l’émergence de la scène alternative australienne.
Seulement des pépins n’ont jamais cessé de s’accumuler et certaines décisions malheureuses les ont condamnés à rester dans le statut culte, sans jamais aller au delà. Pire, après un album en 1996, « Futura », critiqué et nettement moins bon, le groupe se sépare dans l’indifférence générale.
Et dire qu’à leur début, Clouds portaient tous les espoirs en eux. Grâce notamment à leur prestation lors de la tournée des Falling Joys qui permet au groupe de signer sur Red Eye records. Les deux premiers singles « Clouds EP » en 1990 et « Loot EP » en 1991, ont été très bien accueillis par la presse, comme par le public, faisant la démonstration d’harmonies vocales extraordinaires et de guitares tourbillonnantes. L’album sort dans la foulée, en octobre, et se classe à la 14° place des charts, toujours aussi merveilleux et dans un style décalé, évoquant Lush, My Bloody Valentine, Belly, Throwing Muses. Le groupe participe alors à la scène de Sydney, avec Falling Joys, Ratcat ou The Humingbirds.
Jodi Phillis et Patricia Young, les deux chanteuses à la tête du groupe, deviennent alors les égéries d’une pop décomplexée. Mais par contre, elles changeront sans cesse de musiciens pour les accompagner. Démarrant avec Stuart Eadie et Robert Phelan, avec notamment un premier concert en ouverture des Go-Betweens (autre groupe maudit australien), Dave Easton vient remplacer Robert en 1991, avant que ce ne soit le tour de Stuart de quitter le groupe après pas mal de tensions lors des concerts, remplacé par Andrew Byrne.
Le label leur demande d’attendre un an avant d’enregistrer un autre album mais les filles n’en ont cure et sortent tout de même un mini-album, « Octopus », en 1992, tandis que grâce à Polydor, qui rachète Red Eye, le premier album est diffusé en Angleterre. D’ailleurs le groupe, avec encore un nouveau batteur, ira là-bas pour le promouvoir sur scène.
Pour le troisième album, le groupe envoie une série de démos, que le label retourne, les jugeant insuffisantes, hormis le titre « Domino », qu’ils veulent voir en single. En réponse, Clouds retravaille toutes les chansons, y compris « Domino », dont la voix sera tellement remixée et déformée, qu’elle en sera méconnaissable ! D’où la méprise qui veut qu’on ait l’impression d’entendre un chanteur masculin ! Suite à ce sabotage, c’est donc un autre titre, « Bowers of Bliss », qui sortira comme single pour accompagner l’album « Thunderhead ».
L’année suivante, les galères et les accrocs avec les labels empirent. Alors que le groupe prépare une tournée aux Etats-Unis, le label refuse de faire paraître leur album là-bas à temps pour leur arrivée. Si bien que les membres du groupe passe leur temps à l’hôtel à San Francisco en attendant la sortie de leur album sur place. Ils en profitent pour signer un deal avec le label Elektra. Seulement, on leur demande de réécrire leur single car leurs textes sont trop « explicites » pour passer à la radio. Les choses semblent s’arranger lorsque le label fusionne avec East West sous la contrainte de Warner Bros et que la quasi-totalité du catalogue est purement et simplement jetée à la poubelle !
Découragé, le groupe retourne en Australie, et Easton abandonne. Polydor leur impose de chercher un nouveau guitariste, qui sera Ben Nightingale. Des démos pour un nouvel album sera envoyé au label qui à nouveau les renvoiera, jugées insuffisantes. Malgré ces péripéties, « Futura » sortira en 1996 mais les ventes seront tellement décevantes que Jodi Phillis et Patricia Young décideront de jeter l’éponge. Définitivement.

Le single "Hieronymus" est visible en vidéo.

Clouds : Penny Century


Penny Century de Clouds

Sortie : 1991
Produit par Tim Whitten
Label : Red Eyes


Suivant de près une série de singles remarqués par la presse, ce premier album fait de Clouds le symbole du renouveau australien. Bien sûr, comme la plupart des premiers albums, « Penny Century » possède des idées qui demanderont à être développées plus tard. Il n’empêche que pour l’instant, avec son ton frénétique et sa fraîcheur bon enfant, Clouds se place illico parmi les espoirs de l’indie pop australienne. Une indie-pop plutôt musclée cependant.
Mené avec un train d’enfer par deux nanas qui possèdent un sacré caractère (c’est le moins qu’on puisse dire), Clouds fera ce que peu de groupes indépendants australiens dans les années 80 avaient osé faire : faire du bruit.
Le schéma couplet calme Vs refrain plus furieux est connu depuis les Pixies et Clouds s’en inspire évidemment, à la différence que la féminité apporte un plus, un charme évident et beaucoup d’élégance. Guitares claires, son à peine noisy, batterie foldingue et voix emplies de pureté et de malice, dans un savoureux mélange des genres. On pense souvent aux Breeders ou aux Throwing Muses, là aussi menés par des femmes, comme sur « Immorta », « Souleater », le très punk « Visionnary », l’hyper cool « Show Me » ou la saturé « Anthem » et son clavier tout mignon tout plein, qui fait penser aux carillons pour bébé.
Souvent courtes, efficaces, aux guitares tranchantes et au ton chaleureux, les chansons de Clouds n’en font jamais trop, n’usent jamais plus d’instruments que basse-guitare-batterie, restent ouvertes
Les mid-tempo (« Maybe », le renversant et léger « Foxes Wedding » où le chant des filles fait des miracles, ou encore « Fantastic Tears » qui se perd dans le céleste) sont superbes et on devine alors plus l’influence de groupes comme Lush, du moins les débuts de Lush, et on se doute alors que le groupe a du beaucoup écouter tout ce qui venait du label 4AD. « Too Cool », où les filles peuvent alors se permettre d’être plus langoureuses, noyées qu’elles sont sous les saturations tranquilles, est un véritable sommet, difficilement surpassable.
Mais ce que possède surtout ce premier opus, c’est un single extraordinaire, le jouissif « Hieronymus », parfait, dans son jeu, dans son éclat, dans sa candeur pop et son esprit vivifiant. Tout s’emballe et nous avec ! On se damnerait pour un jeu pareil de guitares, à la fois d’une souplesse lumineuse et de force de frappe éblouissante, pour des lignes mélodiques sucrées et vives, et bien sûr pour ces deux voix mirifiques !

29 août 2010

Fiche artiste de Super Thirty-One


Super Thirty-One

La blague rituelle voulait d'annoncer qui faisait les premières parties lors des concerts à Hollywood : "Super Thirty-One... encore !", en levant les yeux comme d'un air exaspéré.
C'est que ça ne manquait jamais : le groupe californien ouvrait pour quasiment tous les groupes qui se produisaient dans la région, Radiohead, Slowdive, Verve, Swervedriver, Belly et tant d'autres...
Selon les dires des membres du groupe, les concerts étaient soit d'une énergie folle, alliance de grâce élégiaque et de fuzz, soit remplis de ratés, d'amplis grillés ou d'attitude arrogante envers le public. C'est ça la jeunesse ! Car formé en 1992 et n'ayant exercé que jusqu'en 1996, le temps pour eux de sortir un single, "Acceleration", et un album seulement, le groupe voulait s'amuser et rien de plus, eux qui prenait leurs concerts à chaque fois comme une chance.
Brian Espinosa, la délicieuse Kelly Davis, Quinn Quirion, Frank Rogers, Robert Grahams, Terry Bailey ou encore Jason Schmit, tous ces membres qui ont participé à Super Thirty-One, cette bande de potes à peine sortis de l'université, ne se sont jamais pris au sérieux et c'est tant mieux !

Super Thirty-One : Eye Heavy


Eye Heavy de Super Thirty-One

Sortie : 1996
Produit par Greg Montgomery
Label : SNAP! Records


Le fait d’utiliser des guitares saturées fait que les choses deviennent alors immensément sensuelles. Puissantes, lentes, majestueuses et rêveuses, les chansons de Super Thirty-One réussissent de surcroît à se charger d’une tension inouïe, renforçant chaque envolée, chaque dérobade, chaque volute. Jouant avec la suavité du chant, ambivalence sexuelle renforcée par l’intervention discrète mais angélique de Kelly Davis, la formation californienne se fait si doux que ça en devient irréel, flirtant avec une sorte de virginité candide mais absolument pleine de beauté. La portée des chansons n’en est que démultipliée, surtout lorsque les guitares s’échappent, tissent des lignes infinies, multiplient les couches.
Avec une tentation juvénile de vouloir signer des titres poétiques, Super Thirty-One emploie les guitares pour se doter d’une force renforcée, adolescente, sans limite et brouillonne. Apprêtées, magiques, celles-ci révèlent des moments de repos admirables, des moments où le temps se suspend. Au milieu de ce brouhaha, qui parfois se transforment en tempête d’une grâce stupéfiante, la basse ou quelques arpèges à la guitare, deviennent de sublimes trésors, tout autant de raison de se laisser porter, de s’abandonner au sein de cette vague torpeur.
Il y a une telle énergie et pourtant une grande timidité, et c’est de cette contradiction que naît la qualité des morceaux de Super Thirty-One, et du mouvement shoegaze en général, auquel s’inscrit en plein le combo californien. A tel point que les balbutiements n’en sont que plus appréciables.
Voilà que des comptines pudiques et très suggestives finalement, prennent une toute autre ampleur, fièvre incandescente, désir de transgresser et de vouloir se réaliser, sans jamais dépasser le cadre du fantasme. C’est une langueur qui annule toute velléité de positionnement sexuel mais qui pourtant procure mille frissons, réveille des désirs et sublime dans une sorte de bulle magique les aspirations de ces jeunes musiciens. Car il faut se souvenir, les membres de Super 31 sont tous très jeunes. Et c’est comme s’ils se perdaient au sein des rêves sortis de leur propre imagination.

28 août 2010

Clouds : Thunderhead


Thunderhead de Clouds

Sortie : 1993
Produit par Paul McKercher
Label : Rhino / Elektra


Il se dégage beaucoup de force et d’énergie de cet album. Les caisses sont frappés durement, les guitares sont puissantes, les refrains lumineux et plein de vie. C’est frais, vivifiant, chaleureux et coloré : cela rappelle les albums de Brit-Pop de Echobelly ou Catatonia.
« Red Serenade » ou encore « Baby » sont joués à cent à l’heure. C’est un vrai tourbillon.
Certes le ton reste souvent léger mais cela est communicatif. Sur cet album, les guitares occupent le devant de la scène, pour signer des chansons aux mélodies évidentes, portées par les voix des deux australiennes : Jodi Phillis et Patricia Young.
Tout est ficelé et suffisamment bien écrit, pour que dans une veine classique on ne s’ennuie pas une seule seconde. Avec le jubilatoire « Kathy », le riff gratté et râpant est absolument génial, avant que la basse n’occupe tout le devant de la scène, pour servir d’écrin aux chants angéliques et pourtant pernicieux des deux filles, parfois perturbés par des saccades de guitares agitées. Sur « Universal », une fois encore c’est la basse très en avant qui confère le petit plus au morceau. Plus lounge, plus bossa-nova, « Expecting » évoque les ambiances de plage et le surf en Australie. Quant au très bon « Motherson » ou « Bower Bliss » et ses distorsions dérangées, ils participent à faire de « Thunderhead » un album de bonne facture.
Mais c’est avec des morceaux plus lents et plus rêveurs que Clouds esbaudit particulièrement, atteignant presque la perfection. Le rythme n’hésite pas à suspendre le temps, pour sublimer les interventions des guitares et rendrent les voix encore plus divines, plus gracieuses. Leur souffle fait frissonner, intensifiant chaque crescendo, conférant une puissance évocatrice incroyable aux déclamations. « Close my eyes » impressionne ainsi beaucoup plus que sa simplicité apparente ne le suggère, se transformant en beauté shoegaze inouïe, qui monte en intensité jusqu’à un climax magnifique. La dérive peut conduire à des chansons si merveilleuses qu’elles en deviennent irréelles, comme sur l’extraordinaire « Ghost of love returned », incontestablement la perle de cet opus, démonstration sidérante de langueur shoegaze, aux guitares lunaires et aux voix douces et féeriques, avant les saturations. Tout simplement bluffant.
Ces titres charment d’entrée de jeu, sans une once de complexité et en misant sur des refrains impeccables. Les guitares se mélangent pour composer des ambiances délicieusement dynamiques, dans lesquelles éclairent superbement les voix douces et fruitées de Jodi Phillis et Patricia Young.
Elles osent toute les extravagantes possibles, signant des harmonies vocales emballantes, parfois vindicatives (« The Rocket », tout en force), voire mirifiques (« Alchemy’s Dead »), quitte à jouer avec, en mixant les enregistrements au ralenti et très bas, ce qui donne l’illusion d’entendre une voix masculine sur la parodique « Domino ».
Beaucoup plus de maîtrise sur « Thunderhead », beaucoup plus de funs et d’amusement également, en tout cas un vrai plaisir.

23 août 2010

Fiche artiste de Spiritualized



Spiritualized

C'est un chagrin d'amour qui sera à l'origine du chef-d'oeuvre de Spiritualized. La claviériste du groupe, Kate Radley, et accessoirement petite amie de Jason Pierce, annonce qu'elle s’est mariée en secret avec Richard Ashcroft, le dandy shooté de The Verve. Marqué par une immense peine, presque impossible à calmer, malgré les quantités incommensurables de drogues qui transitent par ses veines, Jason Pierce ira se consoler dans la musique.
L'innoubliable « Ladies and gentlemen we are floating in space », ode à l’évasion, ode à la fuite, ode aux transgressions, octroie à l’auditeur un voyage incroyable et inouï, traversé de milliers de sentiments, complexes et touffus. La mélancolie enserre le tout et sublime chacune de ces notes délirantes.
Véritable support et catharsis des angoisses de son génie créateur, au cerveau cramé, Jason Pierce, la musique de Spiritualized, nourrie à diverses influences garage, soul, shoegaze, psyché, est le dernier refuge pour les âmes meurtries.
Tout d’abord, et c’est bien normal, la pochette ressemble à une boite de médicament, il s’agit de suivre scrupuleusement la posologie. Après tout, la musique se vit comme un remède, Jason Pierce le dit lui-même : « je veux un peu d’amour pour faire fuir la douleur ». Comme un appel, le titre (définitivement culte) nous invite à l'évasion. Car pendant plus d'une heure il n'est pas question de poser les pieds sur Terre. Des guitares saturées et carillonnantes aux choeurs gospel en passant par des saxos déchaînés ou des violons poignant de grâce, on vogue dans un psychédélisme total. Fanfare folle pour fanfare de l'espace : on n'avait jamais entendu pareil bordel instrumental qui soit autant maîtrisé, aussi cohérent et surtout, surtout, aussi jouissif.
L’album, sorti en 1997, considéré comme un des meilleurs jamais sortis en Angleterre, classé n°1 de l’année par le NME, devant OK Computer de Radiohead (« ce qui en dit plus sur le NME que sur Spiritualized » dira plus tard Jason Pierce), est avant tout l’apothéose d’une progression constante dans le lyrisme, la boursouflure et l’imagination. La concentration du désir de Jason Pierce de créer l’œuvre psychédélique ultime, lui qui avait commencé avec Spacemen 3, dans les années 80, à « prendre des drogues pour faire une musique à écouter en prenant des drogues ».
Déjà groupe culte de la petite ville de Rugby, aussi connus pour ses albums fumeux et langoureux que pour leurs concerts, où les membres se contentaient de jouer assis, sans regarder le public, avec pour seul éclairage des projections d’images psychédéliques, une attitude larvaire et neurasthénique qui ne sera pas pour rien dans le shoegaze à venir. Mais avec son comparse Sonic Boom (qui s’en ira former Spectrum), les contentieux s’additionnent, les autres membres du groupe adjurent Jason Pierce de monter un autre projet, Spiritualized, et le divorce sera définitivement consommé lorsque sortira la reprise des Troggs en 1990, « Anyway that you want me », chanson que voulait reprendre Sonic Boom depuis des années.
Avec Spiritualized, Jason Pierce aura les mains libres, et au grès des changements de personnels et de musiciens, il construira un des œuvres les plus passionnantes et les plus fascinantes du rock indé anglais. Dès son premier album, « Lazer Guilded Melodies », un album subtil, langoureux et tranquille, application directe de la devise « minimum is maximum », il déposera pour la postérité les bases d’un shoegaze envahi de torpeur, influence pour une génération entière de musiciens.
Contaminé par l’expansion et l’excès, les albums suivants, comme « Pure Phase » ou « Let it come down », seront eux-aussi de vraies réussites, de vraies capsules hallucinogènes, de vraies défouloirs sentimentaux, jusqu’à ce qu’une grave pneumonie laisse Jason Pierce entre la vie et la mort. Remis de cette expérience douloureuse, ce dernier, avec son album « Songs in A and E », reviendra à plus de délicatesse, de simplicité et de minimalismes, comme on revient à ses premiers amours en somme.

20 août 2010

Fiche artiste de All About Eve


All About Eve

"Ultraviolet", le quatrième album de la formation anglaise, paru en 1992, aura été celui de l'incompréhension. Pour les fans, ce fut l'équivalent à une trahison. Car au départ, All About Eve était une des références en matière de gothique. Voilà que désormais, on avait le droit à des guitares noisy comme Curve ou My Bloody Valentine. 

Formé au milieu des années 80 par Julianne Regan (ex-bassiste de Gene Loves Jezebel), Tim Bricheno, Andy Cousin et Mark Price, proche de The Mission, le groupe sera vilipendé pour avoir "renié" leur passé. Julianne Regan aura bien du mal à défendre cet album : « J’adore Ultraviolet, mais je dois être bien la seule. [Personne ne l’a aimé], même pas notre public, nos familles, ou les autres membres du groupe ! »[i]. Pour elle, il n’y aurait eu aucune polémique s’ils étaient allés au bout de leur idée, quitte à changer carrément de nom : « Je voulais changer le nom du groupe avant Ultraviolet. J’étais là à dire ‘’mais enfin, ce n’est plus vraiment All About Eve !’’ mais les autres me répondaient ‘’MCA n’acceptera jamais ça’’. C’était encore une de mes idées anti-lucratives. Ça n’a plu à personne mais je maintiens qu’on aurait dû le faire »[ii].
Les influences shoegaze sont évidentes même si des traces gothiques sont toujours présentes. C’est juste que le groupe ne désire plus persister dans un carcan. Et préfère coller aux tendances du moment. Les fans de la première heure ne comprendront pas. Julianne se défend : « Il semble que l’on se dissocie de ce qu’on a fait précédemment mais ce n’est pas juste pour le plaisir de le faire. C’est juste que ça date de 1987. Occasionnellement je vais écouter ça par nostalgie, et c’est génial, mais je ne porte plus les mêmes chaussures qu’en 1987, de même, je n’écoute plus les mêmes disques. Ça sonne vieux et je n’ai pas envie de rejouer les mêmes chansons cinq ans plus tard même si les gens te poussent à le faire. Il faut être un peu égoïste. Donc, non, on ne se renie pas totalement, c’est juste qu’on est plus en raccord avec ce que nous faisons »[iii].
Riff gras, mur du son pompier et voix aérienne derrière, le style a clairement changé. C’est ce qu’on a particulièrement reproché à cet album : voilà que la voix de Julianne avait été « saccagée » par cette mixture shoegaze gluante. Pourtant, c’est exactement ce qu’elle cherchait. « J’aime bien le fait qu’on ne puisse pas m’entendre. On peut aimer le style du chant mais sans pouvoir reconnaître les paroles. Certaines personnes me disent : ‘’oh mais qu’avez-vous fait ? on ne peut pas distinguer ce que vous dites, c’est juste une mixture blah, blah, blah !’’ »[iv].
Marquant une rupture définitive avec le public, il aura sonné le glas du groupe, le label MCA qui venait de les accueillir ayant purement et simplement décidé de retirer l'album de leur catalogue pour ventes insuffisantes après avoir rompu leur contrat ! Julianne paiera son entêtement. Lancer l’énigmatique « Phaser » comme single était d’ailleurs prendre un risque, qui sera raté du reste. Julianne persiste et signe : « Le problème avec Phased, c’est qu’on ne l’a pas sorti pour être dans les charts. On voulait montrer aux gens où on en était. Comme on prenait un nouveau départ, on l’a publié comme pour dire « voilà ce que nous faisons, est-ce que vous aimez toujours ? est-ce que vous allez toujours venir en concert nous voir ? voulez-vous toujours acheter l’album ? ». car si on avait voulu rentrer dans les charts, on aurait sorti plutôt Some Finer Day ou Yesterday Goodbye ou que sais-je encore »[v]. La presse n’aura eu de cesse de s’interroger sur ce goût soudain pour le shoegaze. Julianne en tire de l’amertume : « Les gens aiment catégoriser. C’est la même raison qui fait que les gens nous aiment ou nous détestent. (..) Plutôt que de nous voir comme innovant car on va de l’avant, ils pensent que nous sommes dilettantes, on papillonne entre divers styles, sans vraiment y rester, pour accumuler des influences et pomper les autres »[vi].  Le groupe, las, sera obligé de se séparer en 1993, après que "Ultraviolet", magnifique album ignoré, ne réussit à se classer péniblement  #36 des charts. Il faudra attendre plusieurs années pour que cet album maudit soit enfin réhabilité. A sa juste place.


[i] Interview de Julianne Regan par Mike Mercer, On the eve of mice, 13 avril 1994, [en ligne] http://www.goony.nl/aae/articles/mickmercer/
[ii] Idem
[iii] Interview de Julianne Regan par Andre, janvier 1992, [en ligne] http://www.withguitars.com/all-about-eve-ultraviolet-interview/
[iv] Idem
[v] Idem
[vi] Idem

19 août 2010

All About Eve : Ultraviolet


Ultraviolet de All About Eve

Sortie : 1992
Produit par Ted Hayton
Label : MCA

Beaucoup ont jugé cet album comme une énième parution shoegaze, mais en fait, cela reste et restera un superbe album gothique.
Le travail sur les guitares, ces flots qui se déversent, qui écrasent tout (le solennel « Dream Butcher »), qui annoncent fièrement la main mise du merveilleux sur la réalité (« Blindfolded Visionary ») ou qui se perdent et avancent dans le noir comme des sirènes (« Mine »), permet de construire un style bien personnel, à la fois majestueux et inquiétant. La couleur de l’album est essentiellement noire. Hormis sur quelques morceaux, où les refrains sont presque pop, la langueur est de mise, la solennité aussi, se conjuguant à un laisser-aller voluptueux. Un charme qui suinte des échos pernicieux, des souffles et des distorsions emphatiques et ténébreuses. Les textes sont durs, crus et guère sans espoir. Mais c’est aussi un album incroyablement féminin, avec ses grâces, ses moments suspendus, ses tendances à se faire langoureux, ses errances balançant entre le dark et la séduction.
Julianne Regan, en prêtresse gothique pour qui on succomberait sans résistance, se fait roucoulante, avec sa voix susurrante, tout dans le souffle et le râle sexy, qui se mélange au moyen d’un mixage diminué à des échos inquiétant et flottant (le single « Phaser »). Son chant peut se permettre toutes les emphases, accompagner subrepticement une petite guitare sèche, des petites notes de piano, des sirènes lointaines de guitares, gonfler dans le majestueux et enclencher alors l’apothéose, où guitares grondent avant de s’additionner en multi-couches (« Infrared »).
Une leçon qui apporte la preuve éclatante que le gothique et la féminité ne font souvent qu’un. Et que cet art si délicat de se laisser aller, de se complaire à céder la place à l’inquiétude, à débusquer le Beau dans des trésors négligés et pervertis par le lugubre, devient alors une ode au voyage. Cette musique devient un moyen inégalé de partir dans des affres immatérielles. Une tendance psychédélique qu’on va retrouver sur le superbe « Freeze », un des meilleurs titres avec sa basse extraordinairement froide, très en avant, et ses éclairs saturées, ses distorsions et autres effets fuzz, assez déstabilisant, ou encore « I don’t know », son mixage, ses bandes passées à l’envers, sa voix douce et légère héritée du shoegaze et son influence orientale, sitar en tête.
Alors là, on peut se lover dans le vaporeux sans retenue, sans frein, sans limite, et cultiver l’art du pessimisme.
A l’image de l’incroyable dernier morceau, le fameux « Outshine the sun », morceau épique de près de huit minutes, basé sur deux boucles répétées. Les douces notes grattées de départ, auquel s’additionne un riff tordu et génial, offrent un écrin splendide à la voix de Julianne Regan, qui progressivement va s’intensifier, au même titre que les guitares plus nerveuses, le ton plus grave, avant de se suspendre un instant, instant de grâce, puis d’éclater de manière majestueuse. Alors à ce moment-là le schéma peut se répéter, créer une sensation de perte et de fuite, reprendre ses boucles d’une beauté confondante où la voix de Julianne fait son plus bel effet, passant en une fraction de seconde de la luminosité à l’obscurité. Et lorsque la chanson se suspend à nouveau et qu’on s’attend à reprendre à nouveau le refrain sur le même degré, voilà que le ton baisse d’un cran, la voix s’écrase dans les graves, pour céder la place à une tempête de distorsions, de guitares et de brouillages sonores, concluant là ce morceau effrayant. Il n’y a que la musique pour dépeindre au mieux ces sentiments tortueux. Et il n’y a que la musique pour les calfeutrer et les aider à s’épanouir. “When the gods are shaken from the sky, there's a scientific reason why. There's no wish to replace them and no-one's rushing in to win the race to fill the empty space” : inquiétude tant partagé et lyrisme volatile.
Quelques années se sont écoulées depuis la sortie de cet album tant décrié par les amateurs d’All About Eve et il est surprenant de le voir s’arracher à prix d’or en vente d’occasion, malgré tout ce qui s’est dit. Comme quoi, justice serait en fin de compte peut-être rendue…

12 août 2010

The Boo Radleys : Giant Steps


Giant Steps de The Boo Radleys

Indispensable !

Sortie : 1993
Produit par The Boo Radleys
Label : Creation


Avec Giant Steps, Martin Carr apporte sans doute la réponse la plus cinglante à tous ses détracteurs.
Critiqué, répudié pour être un mouvement sectaire, jusqu’auboutiste, le shoegaze était replié sur lui-même. Le leader des Boo Radleys fit la démonstration par A + B que ce style n’était pas qu’un simple empilement de guitares. Le fruit d’un an de travail acharné en studio permet de prouver au passage que la saturation n’est pas un facteur limitant à la soif de nouveautés ou de mariages incongrus.

Ce qui étonne d'emblée, c'est le ton résolumment positif que l'on retrouve dans beaucoup de chansons. Pour du shoegaze, cela peut être étonnant, le genre étant souvent cantonné dans une pesanteur hermétique. Ici, Martin Carr, qui a quasiment écrit l'album à lui tout seul, a permi à ses titres de gagner en chaleur, en bonne humeur et en légereté. Un certain côté aérien et savoureux se dégagent de "Wish I was kinny" (ou ont été convié les membres de Moose au grand complet), "If I want it take it" ou "Barney (and me)", qui auraient pu être de véritables tubes en puissance, malgré leur saturation.

Mais Giant Steps c'est bien plus que cela : c'est un trésor, une source inépuisable d'émerveillement, une parfaite réussite où harmonies vocales, électricité et trouvailles pop s'assemblent superbement, avec un sens de l'invention inouï. Depuis combien de temps n'avait pas entendu de tels enchantements à l'image de "Best loose the fear" ou le single "Lazarus" (Margaret Fiedler de Moonshake participe à la chanson) ? Il n'est pas encore arrivé le groupe qui égalera ne serait-ce que le dixième de la magie de ces morceaux.

On n’avait jamais entendu de pareils arrangements associés à des saturations sans fins. Personne n’avait jamais osé. Ce troisième opus se révèle surprenant, luxueux, cosmopolite et bigarré. Enrobées par des saturations omniprésentes et intrusions décalées d’arrangements de guitares acoustiques, de claviers, de flûtes, de trompettes, de cors et autres bruits samplés, les chansons chavirent entre vague tranquille et tempête excentrique. "Take the time around" en est un parfait exemple. Ballotté au grès des eaux, on perd repère et on plonge alors beaucoup plus volontiers dans ce kaléidoscope fascinant. Immédiatement enchanteur et pourtant incroyablement riche, Giant Steps est un rendez-vous psychédélique immanquable. Tentez l'expérience vous-même : réécoutez l'album de manière répétée et vous y découvrirez toujours quelque chose de nouveau.

Arriver à conjuguer ainsi mur du son et exigence dans le rendu, le tout pour servir des chansons de très grande qualité, est un pari sur lequel beaucoup n’aurait pas misé une livre auparavant. Mais les Boo Radleys précisent ici qu’on peut très bien s’amuser avec le shoegazing et jongler avec les humeurs. Chaque chanson regorge de trouvailles, que ce soit les saxos de "Butterfly Mc Queen", le rythme dub de "Upon 9th and fairchild" ou reggae de "Lazarus", les bandes passées à l'envers sur "Spun Around", l'intro tecknoïde de "Rodney King" (avec Muriel Barham en guest voice), ou encore l'orchestre symphonique suivi de façon incongrue par l'ambiance lounge sur "I've lost the reason". La voix de Sice se fait tantôt caressante, tantôt elle est trafiquée et mixée. Dans tous les cas, elle sert idéalement le caractère léger des morceaux. Toujours saturées, mais jamais bruitistes, ces derniers sont tout aussi ouatés qu'ils sont acidulés. The Boo Radleys signe alors là une vraie référence psychédélique, les rapprochant de leurs glorieux ainés des sixties (et on comprend mieux pourquoi Martin Carr était si fan du groupe californien Love).

En 1993, lorsque l'album fut sorti, la presse tomba des nues, et devant pareille beauté, pareil sens de l'arrangement, pareilles mélodies pop, il fut élu "album de l'année", ce qui vaut tous les commentaires. Ce titre est suffisament équivoque pour en rajouter.