20 août 2010

Fiche artiste de All About Eve


All About Eve

"Ultraviolet", le quatrième album de la formation anglaise, paru en 1992, aura été celui de l'incompréhension. Pour les fans, ce fut l'équivalent à une trahison. Car au départ, All About Eve était une des références en matière de gothique. Voilà que désormais, on avait le droit à des guitares noisy comme Curve ou My Bloody Valentine. 

Formé au milieu des années 80 par Julianne Regan (ex-bassiste de Gene Loves Jezebel), Tim Bricheno, Andy Cousin et Mark Price, proche de The Mission, le groupe sera vilipendé pour avoir "renié" leur passé. Julianne Regan aura bien du mal à défendre cet album : « J’adore Ultraviolet, mais je dois être bien la seule. [Personne ne l’a aimé], même pas notre public, nos familles, ou les autres membres du groupe ! »[i]. Pour elle, il n’y aurait eu aucune polémique s’ils étaient allés au bout de leur idée, quitte à changer carrément de nom : « Je voulais changer le nom du groupe avant Ultraviolet. J’étais là à dire ‘’mais enfin, ce n’est plus vraiment All About Eve !’’ mais les autres me répondaient ‘’MCA n’acceptera jamais ça’’. C’était encore une de mes idées anti-lucratives. Ça n’a plu à personne mais je maintiens qu’on aurait dû le faire »[ii].
Les influences shoegaze sont évidentes même si des traces gothiques sont toujours présentes. C’est juste que le groupe ne désire plus persister dans un carcan. Et préfère coller aux tendances du moment. Les fans de la première heure ne comprendront pas. Julianne se défend : « Il semble que l’on se dissocie de ce qu’on a fait précédemment mais ce n’est pas juste pour le plaisir de le faire. C’est juste que ça date de 1987. Occasionnellement je vais écouter ça par nostalgie, et c’est génial, mais je ne porte plus les mêmes chaussures qu’en 1987, de même, je n’écoute plus les mêmes disques. Ça sonne vieux et je n’ai pas envie de rejouer les mêmes chansons cinq ans plus tard même si les gens te poussent à le faire. Il faut être un peu égoïste. Donc, non, on ne se renie pas totalement, c’est juste qu’on est plus en raccord avec ce que nous faisons »[iii].
Riff gras, mur du son pompier et voix aérienne derrière, le style a clairement changé. C’est ce qu’on a particulièrement reproché à cet album : voilà que la voix de Julianne avait été « saccagée » par cette mixture shoegaze gluante. Pourtant, c’est exactement ce qu’elle cherchait. « J’aime bien le fait qu’on ne puisse pas m’entendre. On peut aimer le style du chant mais sans pouvoir reconnaître les paroles. Certaines personnes me disent : ‘’oh mais qu’avez-vous fait ? on ne peut pas distinguer ce que vous dites, c’est juste une mixture blah, blah, blah !’’ »[iv].
Marquant une rupture définitive avec le public, il aura sonné le glas du groupe, le label MCA qui venait de les accueillir ayant purement et simplement décidé de retirer l'album de leur catalogue pour ventes insuffisantes après avoir rompu leur contrat ! Julianne paiera son entêtement. Lancer l’énigmatique « Phaser » comme single était d’ailleurs prendre un risque, qui sera raté du reste. Julianne persiste et signe : « Le problème avec Phased, c’est qu’on ne l’a pas sorti pour être dans les charts. On voulait montrer aux gens où on en était. Comme on prenait un nouveau départ, on l’a publié comme pour dire « voilà ce que nous faisons, est-ce que vous aimez toujours ? est-ce que vous allez toujours venir en concert nous voir ? voulez-vous toujours acheter l’album ? ». car si on avait voulu rentrer dans les charts, on aurait sorti plutôt Some Finer Day ou Yesterday Goodbye ou que sais-je encore »[v]. La presse n’aura eu de cesse de s’interroger sur ce goût soudain pour le shoegaze. Julianne en tire de l’amertume : « Les gens aiment catégoriser. C’est la même raison qui fait que les gens nous aiment ou nous détestent. (..) Plutôt que de nous voir comme innovant car on va de l’avant, ils pensent que nous sommes dilettantes, on papillonne entre divers styles, sans vraiment y rester, pour accumuler des influences et pomper les autres »[vi].  Le groupe, las, sera obligé de se séparer en 1993, après que "Ultraviolet", magnifique album ignoré, ne réussit à se classer péniblement  #36 des charts. Il faudra attendre plusieurs années pour que cet album maudit soit enfin réhabilité. A sa juste place.


[i] Interview de Julianne Regan par Mike Mercer, On the eve of mice, 13 avril 1994, [en ligne] http://www.goony.nl/aae/articles/mickmercer/
[ii] Idem
[iii] Interview de Julianne Regan par Andre, janvier 1992, [en ligne] http://www.withguitars.com/all-about-eve-ultraviolet-interview/
[iv] Idem
[v] Idem
[vi] Idem

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