23 mars 2013

Pale Saints : Slow Buildings


Slow Buildings de Pale Saints

Sortie : 1994
Produit par Hugh Jones
Label : 4AD

A l’écoute de l’intro transcendantale et d’influence presque africaine de ‘’King Fade’’, de sa trompette fantomatique ou de ses slides perdus, on se dit que le groupe a su garder son goût pour l’étrange. Bien-sûr, l'absence de ce compositeur/parolier de génie se fait ressentir mais cela n'empêche pas Slow Buildings d'être suffisamment riche et intéressant en soi.
Toujours finement racé et vaporeux, le chant de Meriel Barham brille froidement tout du long. Bien-sûr le groupe ose quelques excursions vers une pop très accessible. Des titres comme "Angel" ou "Under your noise" sont de purs délices simples et efficaces. Ils pourraient même constituer une très bonne leçon pour ceux qui appréhenderaient découvrir le shoegaze. La voix de Meriel se fait tout autant douce qu’enjouée. Mais globalement, réduire ce qu’est devenu le groupe à ces morceaux, serait occulter les prises de risques. Car sur l’ensemble de l’album, le son est plus lourd et plus électrique ("Song of Salomon"), sans pour autant enlever toute majesté aux compositions. Les mélodies prennent l'habitude de se dissoudre dans un brouhaha sonore littéralement envoûtant. Quelques chansons plus acoustiques ("One Blue Hill", absolument magnifique et poignant d'authenticité délicate ou "Gesture of a fear"), rares dans le genre, ajoutent une touche de douceur, presque féminine. Bien souvent les chansons posent un décor aérien avant de se perdre dans un prolongement évasif, qui se réitère et se multiplie à l'infini. Certaines dépassent largement les sept minutes. A l'instar de l'envoutant "Suggestion".
Cette démarche paresseuse et contemplative pourrait même s'accommoder de la tristesse qui en est le moteur. Les guitares sont écrasantes et le tempo plutôt lent, voire recouvrant. Et le caractère délié de "Henri" (et ses hoquets aussi bien exotiques que ténébreux) prend alors un tour fascinant sur plus de dix minutes de rêverie inquiétante. En cela c'est tout l'album qui se pare alors d'un aspect plus sombre et plus reposé.

12 mars 2013

The Verve : A storm in heaven



A storm in heaven de The Verve

Sortie : 1993
Produit par John Leckie
Label : Hut

Avec ses longues tirades de guitares, son rythme nonchalant, ses tempêtes impromptus, son chant perdu, le premier titre « Star Sail » balise pourtant bien le chemin. Le groupe se veut éminemment psychédélique, en signant des titres longuets, brumeux et chloroformés. Et le chant se veut léger. Des morceaux comme le single « Slide Away » seront d’une redoutable énergie, mais bien souvent ce seront plutôt des plages tranquilles, lentes, hyper cools (grâce notamment à une basse fantastique), très relâchées, comme « Butterfly », sorte de folk sous orage électrique. Avec son piano, ses saturations fantomatiques, sa légère guitare sèche et sa voix émasculée, le groupe proposera une vision du céleste, pervertie par les nombreuses drogues ingérées par chacun des membres. Cette musique apaisante se doit de recréer un état d’apesenteur. Richard dira : « ce n’est pas une longue odyssée jazz, ce n’est pas une question d’additionner les solos mais d’avoir un flot continu. »[i] La musique devient par moment illisible, la voix de Richard Ashcroft se faisant ouatée et les nappes de guitares flottantes. Les mélodies ne se retiennent pas, aucune structure couplet-refrain n’apparait et les textures fusionnent entre elles. « Beautiful Mind » ressemble même à de la dream-pop d’avant-garde, tandis que « Make it ‘til Monday » se rapproche du minimalisme shoegaze, c’est à peine si on entend les paroles. Pour Richard : « cet album, c’est du pur jam en studio, comme on a toujours fait. On a eu la liberté de faire ce qu’on voulait, et je pense que ça nous donne de meilleur résultats parce qu’on n’a pas peur. On n’a pas peur de faire des chansons trop longues, pas peur de tenter de nouveaux trucs. C’est une démarche moins artificielle que par rapport à bien d’autres musiques entendues ces dernières années. »[ii] Difficile d’accès, ses ventes sont désastreuses. La presse déjuge le groupe. C’est Suede qui raflera tous les lauriers. Sans regret : « On continue d’explorer notre métier. J’aime beaucoup les pop-songs mais quand tu achètes un single, tu es un peu stressé, tu espères que la face A soit un classique et que la face B soit aussi bonne. Tu veux avoir immédiatement de la magie. Alors qu’avec un album, tu as plus le temps de t’immerger, de sombrer dedans. Beaucoup de gens nous ont dit qu’on aurait pu rentrer dans les charts avec une succession de petits singles courts, mais à l’époque, cela aurait été mentir. »[iii]
Cet album devient alors, a posteriori, un témoignage d’une époque révolue (et méconnue du grand public, voire même des propres fans de The Verve).




[i] Richard Aschroft cité par Michael Leonard, sur Total Guitar, 1 mars 1998, [en ligne] http://www.thevervelive.com/1998/03/total-guitar-magazine-genius-of.html
[ii] Idem
[iii] Richard Aschroft cité par Andrew Smith, sur Melody Maker, 15 mai 1993, [en ligne] http://www.theverveonline.com/press/mm93.html

9 mars 2013

Shapeshifter : Plectrum EP

Plectrum EP de Shapeshifter

Date : 1994
Producteur : Shapeshifter
Label : Prospective

Il s’est passé quelque chose d’assez étonnant à Minneapolis durant les années 90. Alors que les Etats-Unis presque tout entier se ruaient dans le post-grunge en espérant qu’émergerait un nouveau Saint Cobain, une minuscule scène s’est développée au sein de la Cité Jumelle, comme on surnomme la ville et sa voisine Saint-Paul, qui préférait, elle, se positionner dans le shoegaze. L’expliquer est compliqué, mais on sait que c’est avant tout une histoire d’amitié indéfectible entre des étudiantes et étudiants de l’Université de Saint-Paul, qui s’est poursuivi jusque dans les formations de groupes, les échanges de membres, les influences et les concerts dans les petites salles des deux villes. Peut-être également parce que le label local, Prospective Records, mené par John Kass, préférait depuis des années valoriser des formations psychédéliques et garage plutôt que des similis Pavement ou Nirvana, comme c’était l’usage lorsqu’on souhaitait amasser de l’argent facile.

Par conséquence, de nombreuses formations, fans des importations anglaises de chez Creation, ont trouvé là un formidable terrain d’expression. Les radicaux Colfax Abbey, les virevoltants Hovercraft, les poppy Deep Shag, les psychédéliques Overblue, les éthérés February, un jour faudra-t-il se rappeler leur rôle dans le shoegaze des deux villes. Au sein de cette scène, Shapeshifter est peut-être le groupe le plus extrême. Ils se déclaraient amoureux de Ride et Pale Saints, tout comme des groupes de Amphetamine Reptile, label spécialisé dans le hardcore noise. Réputé pour ses concerts intenses, noirs et ardents, la formation (dont les membres se connaissent depuis le lycée) allait jusqu’au bout de ses idées. Entre les nappes de saturations de Paul Horn et le jeu fracassant à la batterie (libre et avant-gardiste) de Terry Haanen, la voix habitée et doucereuse du charismatique Jason Ducklinsky fait de « Plectrum » un superbe morceau hypnotisant, surtout lorsque le rythme survolté se suspend parfois et permet des passages transcendantaux de pure nuisance sonore.
Bien-sûr cette façon de faire ne pouvait être qu’un marchepied vers l’expérimental, chaque membre s’en allant soit vers le drone, soit vers l’electro, emportant avec eux la magie insouciante de cette scène shoegaze trop méconnue. 

7 mars 2013

Fiche artiste de Solar

Solar

Groupe chilien de la deuxième moitié des années 90, mené par Alejandro Gomez, ancien guitariste de Sien et Sicadélica.