5 septembre 2017

Fiche artiste de The Rosemarys


The Rosemarys

A l’heure actuelle, le songwriter américain Ian Parks pose les conditions de sa musique : libre, indépendante et sans aucune compromission avec les labels. Entouré d’une dizaine de musiciens itinérants (guitares sèches comme électriques, mandoline, banjos etc…) et publié sur son propre label, Starletsweb, il visite et revisite le rock américain du rock’n’roll des années 50 jusqu’au grunge des années 90, sous le nom de An American Starlet (Starlet étant déjà employé par un groupe suédois) afin de traiter de sujets qui le tiennent à cœur comme les déceptions amoureuses ou la rancune qu’il entretient vis-à-vis du monde de la musique.
Personnalité reconnue dans le milieu, Ian Parks faillit pourtant tout abandonner à une époque pas si lointaine. Durant deux ans, il vécu une véritable traversée du désert, voyageant jusqu’à Seattle, une guitare sur le dos, et de son propre chef. Il ne voulait plus rien à voir avec ceux qu’il jugeait responsable d’avoir travesti sa vision de la musique.
C’est que avec sa première formation, The Rosemarys (puis juste après avec The Magnetic) il goûta à bien des déconvenues avec le monde des majors.
Le groupe de San Fransisco, formé en 1991, était au départ le simple projet d’amis fans des groupes anglais comme Slowdive ou My Bloody Valentine. Ian Parks (guitare), Matt Greenberg (clavier), Patrick Harte (batterie), Tim Ong (basse et chant) et Peter Weldon (guitare) pratiquaient alors une musique rêveuse et éthérée, proche de la dream-pop et du shoegaze, menée par le chant de Tim Ong. Ils enregistrèrent un premier album (« Providence ») sur une structure indépendante, Continuum Records, qui obtint un relatif succès d’estime sur les college radios. Les ventes (qui atteignent 20 000 unités environ) leur permettent alors d’attirer les faveurs des majors. Jeunes, naïfs, ils se laissent convaincre par le label Fox Records, une subdivision de la chaîne de Rupert Murdocks, Twentieth Century Fox, avec qui ils sortiront un album éponyme en 1994. Selon Ian Parks, ce sera « le baiser de la mort ». Exploités, arnaqués, jugés avec condescendance et mépris, les membres du groupe y laisseront beaucoup de plumes et pas mal de leurs illusions.
Mais nul doute que cette aventure sert aujourd’hui de source d’inspiration au talent intact de Ian Parks.

The Rosemarys : Providence


Providence de The Rosemarys

Coup de coeur !

Sortie : 1993
Produit par Drew Masters et The Rosemarys
Label : Continuum Records / Tribindicular


Ceux qui cherchent du bruit peuvent vite être décontenancés : on ne trouve chez The Rosemarys que des flottements et des ballottages berçant. Ce premier album regorge d’une musique jamais énervée mais louvoyant dans des eaux tranquilles, traversée de ça et là par des guitares splendides, des recours symptomatiques au piano pour venir compléter des arrangements particulièrement rêveurs, des voix virginales, loin d’être viriles, et aussi des empressements féeriques.
Teintées de mélancolie, voire du désespoir le plus cru, les paroles résonnent d’autant plus qu’elles s’envolent sur des airs oniriques, quelque peu majestueux, sans se perdre non plus dans une ampleur qui leur ferait perdre leurs impacts. Tout juste des entrelacs de piano, de guitares, de claviers et de douces voix leur permettent-elles de s’épanouir, alors qu’elles sont parfois d’une tristesse pesante. Pour une fois avec le shoegaze, lire les paroles est fondamental, pour essayer de se saisir de l’insondable défaitisme qui habite les membres du groupe. Les textes témoignent d’une peine irrécupérable : ‘’Quand je suis dans tes bras, je me retrouve abandonné dans les rêves d’un autre’’ sur « Collide », ‘’Toutes les larmes qu’elle a pleuré se sont transformées en pierres jusqu’à construire un mur derrière lequel elle sera seule’’ sur « Stonewall » ou bien ‘’Je voudrais bien ressentir ce que tu dis, mais je ne ressens rien’’ sur « Rollercoaster »). L’impression laissée se rapproche du détachement, les choses matérielles sont laissés de côté et on s’abandonne à la légèreté du monde volubile que propose The Rosemarys tout du long de Providence.
Volontiers rêveur, sans pourtant être ennuyeux (le rythme est toujours alerte, proche de la cold-wave, et les guitares tissent des réseaux harmonieusement tressés, comme sur « Collide »), ce premier opus ressemble à une modeste mélopée élégiaque. Parfois emballant et proche de Manchester (« Spiritualized » ou « Perfect »), souvent rêveur et luxueux (ah, le délicat piano de « Fountain » ou la plainte de « Stonewall » à faire fondre les cœurs les plus durs). Le chant est apprêté, ouaté et extrêmement précieux dans la douceur, laissant poindre une légère mélancolie.

Mais beaucoup trop soyeux et sans vigueur, comment cet album pouvait être reconnu ? Il s’agit là d’élucubrations qui convient surtout à des étudiants en mal de romantisme. Ce fut d’ailleurs le cas, l’album (et sa pochette psychédélique) n’ayant eu d’attrait que pour les résidents des universités californiennes. Peu importe, car les gens peuvent y découvrir alors tout un nouveau monde, remplis de moments éperdus de beauté et d’emphase (« Providence » ou l’élégiaque « Aeroplane » et ses coups de batterie appuyés). Le tout drapé d'un chagrin inconsolable.