28 avril 2014

Secret Shine : Untouched


Untouched de Secret Shine

Coup de coeur !

Sortie : 1993
Produit par Corin Dingley
Label : Sarah Records

Déballant un incroyable arsenal instrumental, à coup de basse racée, d'arpèges brillants, de batterie cérémoniale et d'harmonies célestes, ce groupe signe une symphonie condensée, démesurée et à la grandeur exubérante. Le jeu, tout en saturation, créé un décorum parfait pour les voix vaporeuses, immaculées et légères, dont les échos sont d'une beauté à couper le souffle. Les chants sont si éthérés qu'on croirait entendre des anges (« Temporal »). Ces titres, assez lents, très majestueux, sans véritable couplet, ni refrain, et dont on comprend à moitié les paroles, sidèrent pourtant par leur magnificence inégalée, leurs mélodies cachées, leur maniérisme de cathédrale. Des pièces comme « Into the either » ou « Toward the sky », sont des joyaux compliqués, recouverts de voiles multiples, tant et si bien que tout se mélange, sans rien perdre de la grâce. Malgré la guitare sèche, un titre comme « Sun Warmed Water » reste extrêmement vaporeux et difficilement tangibles, surtout lorsque la batterie frappe fort et que tout est noyé sous les distorsions.

En quelques pièces riches et exigeantes, Secret Shine redécouvre une merveille d'intensité dont le flot cristallin nous entraîne dans des dérapages inouïs. Untouched est un miracle. Une sorte de soleil noir qui nous réchauffe et nous enveloppe dans sa clarté brumeuse pour réveiller en nous des impressions de douces tristesses. Sommet inconnu du mouvement shoegazing, considéré à tort par la presse de l'époque comme un opus de second ordre par rapport aux chef-d'oeuvres que sont Nowhere de Ride ou Souvlaki de Slowdive, Untouched arrive pourtant largement à leur hauteur. Il se veut même la plus parfaite déclaration d'amour à la mélancolie.

C'est sans doute pour cela que cette musique incroyable nous touche autant : profondement tourmentée, désespérement en quête de rien d'autre qu'elle-même, magiquement délicate, discretement insidieuse, simplement envoutante...

17 avril 2014

Spirea X : Fireblade Skies


Fireblade Skies de Spirea X

Sortie : 1991
Produit par Jim Beatie et Dave Pine
Label : 4AD


Spirea X s’est lancé dans un pari fou : ressusciter l’esprit hippie. Et avec leurs arpèges délicats, leur indolence et leur groove dans le rythme, leur simplicité mélodique, leurs chants de chérubins et leur esprit bon enfant (« Smile »), ils arriveront à redonner un souffle moderne à cette époque d’insouciance. Après tout, on ne pouvait pas s’attendre à autre chose de la part d’un ex-membre de Primal Scream. En fait le groupe correspond à la première collaboration entre Jim Beattie et celle qui allait devenir sa petite amie, Judith Boyle. Jim Beatie étant responsable de l'esprit néo-sixties de Primal Scream, époque C-86, il est donc normal qu'on retrouve cette ambiance hédoniste avec Spirea X. Mais le groupe, auquel il faut adjoindre Andrew Kerr, brasse beaucoup plus large encore : groove de type Madchester, légèreté de type shoegaze, avec une bonne dose de délire et d'inventivité ; leur musique ne ressemble à rien d'autre.
On retrouve pas mal d'esthétisme assez décalé, flottant quelque part entre délires indoux (« Chlorine ») et mysticisme psychédélique (« Nothing happened yesterday » et ses guitares sèches, ou bien la reprise de Love). Pas de guitares saturées ici, mais beaucoup de finesse et d'originalité dans les arrangements. Les ambiances très chaloupées et paresseuses évoquent de tendres réminiscences des sixties, ou plus proche de nous, des débuts des raves parties en Angleterre. Bandes passées à l'envers, guitares claires, clavier (le magnifique « Fire and light »), voix adorables et éthérées, chœurs dédoublées, tout concourt à faire durer le plaisir et à surprendre au cours de ce voyage vers la flânerie et l'utopie. Il est donc logique de voir le groupe lorgner parfois vers l'esprit des Stones Roses, voire se taper un délire électro-shoegaze, comme sur le bizarroïde « Rollercoaster ». Globalement, un certain esprit bon enfant est de mise, à l'instar des légers « Speed Reaction » ou « Sisters and brothers ». Dans leur monde à eux, tout n’est que bonne humeur et magnificence enfantine. On se laisse bercer alors dans des états proches du trip. Le tranquille et soporifique « Confusion in my soul », avec ses percussions et son chant soufflé ne sert qu’à entrainer la torpeur. Pour Spirea X, le bonheur se trouve dans le partage, le goût pour la défonce et l’esprit de communauté.
D'ailleurs de la morgue ou de la suffisance, ce groupe n'en avait pas, se contentant de pratiquer une musique perdue quelque part dans les affres de l'art pop. Et personne ne réussit à savoir ce que réellement le groupe voulait leur montrer. Jamais violent, jamais à fond mais jamais perdu dans une contemplation béate non plus, Spirea X écrivait juste des chansons délicieuses et innocentes. Pouvant même atteindre des sommets comme le final « Sunset Dawn », sorti d'un rêve. Vocalises à la fois masculines et féminines, soufflant en canon comme des anges, pour une chanson à tiroir, commençant dans le lyrisme et se poursuivant dans la libération festive et positive, s’achevant dans un mix concassé, où on reconnait une fanfare. Avant de reprendre tout doucement avec une simple guitare sèche qui accompagne la voix déchirante et belle à pleurer de Jim Beatie, achevant le morceau dans une méditation teintée de nostalgie.