26 novembre 2016

Fiche artiste de The Mandelbrot Set


The Mandelbrot Set
Réputé pour leur concert psychédélique, l'usage de nouvelles technologies et les projections d'images, les très jeunes musiciens de The Mandelbrot Set se sont placés très en avant sur la scène locale d'Adelaïde, au sud de l'Australie.
Ils ont pu signé sur le label culte RooArt (le label fondé par le manager d'INXS) et, bénéficiant du succès de Ratcat ou encore de Hummingbirds, ont pu être diffusé sur JJJ, la célèbre radio australienne.
Deux EP ont été sortis, un en 1992, très shoegaze, même si on retrouve quelques influences des Smiths ou du mouvement C-86, l'autre en 1993, très new-wave, et hommage à New Order. Après, le groupe ne donne plus signe de vie.
Composition : Tim Mortimer, Robert Pyper, Adam McBeth et Micheal Bajer Jr, malheureusement décédé en 1999, à l'âge de 28 ans seulement.

18 novembre 2016

The Mandelbrot Set : A placed called Kansas EP


A placed called Kansas EP de The Mandelbrot Set
Sortie : 1992
Produit par Wayne Connolly
Label : RooArt

Ce n’est pas avec ce premier EP que l’on peut connaître le style dans lequel évolue le groupe australien. Ici, plusieurs formules sont testées, on navigue entre plusieurs touches personnelles, de façon de construire des mélodies.
Sans signer d'album, The Mandlebrot Set a disparu des écrans radar. Il est donc extrêmement difficile de se projeter, de deviner ce qu’ils auraient pu donner par la suite, d’identifier une empreinte, un signe reconnaissable. On n’arrive d’ailleurs pas à les extraire de la mêlée parmi tous les groupes shoegaze. La faute à une envie de s’essayer à diverses ambiances.
Tantôt les titres sont très élégants, soignés, aériens, comme avec « I swan », tantôt ils flirtent avec un esprit naïf, enjoué, et très léger (« More than happy », emporté, avec un chant doux mais optimiste, et une basse dynamique). Une autre fois, on découvre un titre hypnotique (« Massive »), aux vocalises éthérées, noyées sous des saturations et une cadence rythmique qui rappelle Chapterhouse. Autrement c’est le courant C-86 qui est revisité avec « Julia » : on dirait presque The Servants ou encore Mc Carthy.
Si on a donc l’impression d’avoir une collection assez hétérogène, il faut se contenter de prendre ces titres comme ils sont : des petites pépites mélodiques. Dommage que le groupe australien n’ait pas pu perdurer car il possédait un vrai sens de l’écriture, fluide, évident et efficace. On se régale ainsi avec « Landslide », très entraînant et aux superbes harmonies vocales, ou le merveilleux « Lush », qui conclue cet EP, distillant une ambiance féérique et exotique, évoquant des ondes se diffusant dans une eau cristalline, dans laquelle glisse un chant aussi léger qu’innocent et où résonnent des guitares atmosphériques au travers un nuage de saturations.
Il s’agit de l’essai de jeunes musiciens shoegaze (très jeunes même) qui ont avant tout fait ce qui leur passait par la tête, leur faisait envie, selon leurs goûts et leurs inspirations, sans vouloir pour l’instant se donner un genre ou une personnalité qui les aurait emprisonnés au final. Et c’est aussi bien comme ça.

22 octobre 2016

Fiche artiste de Sun Dial

Sun Dial 

Sun Dial n'est pas vraiment un groupe, mais plus le projet de Gary Ramon, grand fan devant l'éternel des années 60-70. C'est avec un premier album d'une incroyable finesse qu'il allait débarquer dans le monde dingue du rock indépendant, sans pourtant que quiconque ne le remarque ! Divagations fumeuses, immenses solos cradingues, évanescences mélodiques (avec petite flûte ou orgue), nappes de guitares, torpeur à tous les étages, Other Way Out, sorti en 1990 est un chef d'oeuvre méconnu. 
Etant une incroyable surprise et une source de délectation inépuisable pour tout amateur de rock psychédélique, il eut été difficile de rééditer l'exploit. A moins d'augmenter considérablement les fournitures en drogues, chose impossible...
C'est donc notamment pour cette raison que Gary Ramon décida de faire évoluer à coup de petites touches le style de Sun Dial. Alors que son premier coup d'essai remettait au goût du jour avec une nonchalance inouïe le psychédélisme (13th Floor Elevator, Pink Floyd, UFO2, Jimmi Hendrix, The Stooges) et semblait touché par une grâce particulièrement culottée, l'album Libertine, sorti en 1993 rapprochait le groupe d'un format plus concis et plus pop, mais aussi plus puissant dans le son et plus bruyant. Il ne servait à rien de refaire un autre Other Way Out, et la tentative aurait été vouée à l'échec, le disque appartenant à ces éclairs de génie qui n'arrivent que lorsqu'on atteint un état de trip qui se reproduit que trop rarement. Gary Ramon le précise lui-même: "Je souhaite que chacun de mes albums ait leur propre sensibilité. Non pas que je veuille changer de style, finalement ils gardent un fil conducteur, mais je préfère expérimenter". Il faut aussi souligner qu'il devra composer avec un changement permanent de musiciens, notamment de guitaristes, ce qui ne compta pas pour rien dans le changement de son du groupe. Reflecter, mini-album, mais en fait regroupement de singles déjà sortis en EP, mais dans d'autres versions, se situe exactement à la croisée des chemins. Supprimant les distorsions façon Stooges pour les remplacer par des saturations type Ride, Gary Ramon n'en oubliera pas moins une certaine langueur dans le style, enveloppant son chant dans une nonchalance légère et adoucie. Et cela est d'autant plus étonnant qu'il s'agit pour la plupart de compositions déjà existantes, parfois même depuis l'époque The Modern Art, mais repris à la sauce noisy. Pour un résultat époustouflant: le son tourbillonnant, beaucoup plus puissant et rempli de volutes, tournant en boucle, possède le don d'être particulièrement planant, rappelant ce côté tripant qu'on retrouve dans beaucoup de formations shoegaze.
Par la suite, au cours d'une carrière qui ne sera jamais reconnue à sa juste valeur, Gary Ramon revisitera le psychédélisme avec des albums magnifiques.

Sun Dial : Reflecter

Reflecter de Sun Dial

Sortie : 1992
Produit par Gary Ramon
Label : UFO Records

Gary Ramon, chantre du psychédélisme, change clairement de braquet. Grosse, mais alors très grosse, basse (qu'on doit au terrifique Nigel Carpenter), utilisation d'une boite à rythme de façon presque industrielle, grand renfort de réverbération de guitares, beat moderne digne des boites de nuit, et sous ce maelström, la voix mixée en retrait de Gary Ramon, c'est évident, avec ce morceau d'ouverture, "Reflecter", on affiche beaucoup de la force et de l'énergie. 
Influencé par le shoegaze (surtout celui de Ride, Curve et Revolver), le génie anglais qu'on croyait perdu dans les années 60, se met au gout du jour et injecte dans sa musique, une dose de modernité. "I don't mind" aurait franchement pu être écrit par Andy Bell et Mark Gardener en 1989, ce qui d'ailleurs accrédite la thèse selon laquelle Ride, c'était déjà du psychédélisme.
 Avec ces tourbillons de guitare, il revisite des titres déjà parus sur d'autres singles, pour appuyer sur les guitares et jouer sur les chants langoureux, ce qui amplifie l'impact du psychédélisme, qui quoiqu'il arrive, reste le fil rouge de l'album (et de toute la carrière de Gary Ramon). "Never Fade" devient ainsi un slow d'une beauté absolue, lancinant, bercé par une voix douce et certainement stoned, accompagné par une mélodie divinement soporifique et un solo égaré,  
Pas mal de morceaux sont en réalité issus des sessions gargantuesques de l'année précédente (qui sortiront sur le brouillon et déjanté Return Journey) pour être ici remixé et subir un léger lifting. "Slow Motion" et son orgue inimitable ou encore l'énormissime "Sunstroke/Mind Train" (sorte d'hommage au Pink Floyd de Syd Barrett) reprennent des couleurs : plus punchy, plus vibrant, plus clairs aussi, ils entraînent l'auditeur très loin à force de l'assommer. 
C'est en conjuguant un mur du son (saturation, guitare sèche, solo de guitare, basse, sans relâcher un seul instant la pression) et des voix doublées étonnamment légères que Gary Ramon provoque les effets de l'évasion, car noyé par cette déferlante, on devient nettement plus sensible à la trame mélodique.
A ce titre, il n'oublie pas non plus que le shoegaze, c'est avant tout du rêve, et il fait rentrer toute la magie dans un morceau tout juste ouaté de saturations, un instrumental sans parole mais émouvant en soi : "Tremelo". Et prouve ainsi quel grand compositeur il est.

21 juin 2016

BP. : Golden BP.

Golden de BP.

Sortie : 1997
Produit par BP.
Label : ZK Records

Il n'y a que les japonais pour faire une musique aussi furieuse de dézinguos !
Une tête de jouet sur fond jaune est dessiné sur la pochette. Un logo intrigant, qui devient carrément suspect et tendancieux à l'écoute de ce déluge fracassant et déstabilisant.
Impossible d'apposer une étiquette sur cette musique, encore moins de la classer quelque part tant ça ne ressemble à rien de bien arrêté. La jaquette fait penser à de l'electro ou de la J-pop des plus affreuses, quant au son il flirte aussi bien avec le screamo qu'avec le rock le plus sucré qu'il soit. Ici les définitions explosent littéralement à grand coup de guitares lourdes et de coups de batterie énervés ("ES", meilleur exemple). Pourtant l'album n'est en rien extrême mais il est juste étonnant. Notamment par la voix, funambule et gracieuse ("Count"). Ce qui est encore pire. Et que penser de cette voix gentillette et candide, qui rien que par sa présence dans ce fracas dangereux fait frissonner ? Les mélodies sont à tomber à la renverse, le rythme imposé est particulièrement prenant, l'atmosphère effrénée en impose et le chant est absolument charmant, d'une douceur inégalable. Cependant on sent bien que c'est totalement subversif, profane et que le ton implacable et pesant en devient alors déroutant, presque attrayant.
On passe du shoegazing pur à la pop en passant par du grindcore ("Diving Death Drive") avec à chaque fois une maîtrise impeccable du son ou de l'instrumentalisation. Rien ne semble incongru. Ça sonne metal (les vocaux grawlés de "A girl in a closet") tout en gardant un sens inouï pour la mélodie et l'atmosphère acidulée de la pop. Leur chanteuse a une voix unique, capable de chanter de façon douce et sensuelle comme de monter dans les aiguës avec une agilité qui force le respect. Les riffs sont tout simplement monstrueux. Des morceaux comme "Cereal" ou "(Behind the)Green Door" sont des merveilles de rock bruitiste et nerveux aux enchaînements entêtants, capables de se faire tout aussi adorables. Ce n'est ni violent ni brutal à proprement parler, c'est juste que BP. exprime une forme de furie contrôlée.
Le résultat dérange parce qu'il ne va pas à l'encontre des idées arrêtées et cartésiennes. La musique BP. est fascinante en ce sens qu'elle a un côté mystérieux et impossible à déchiffrer. C'est le grain de folie qui se cache derrière qui donne un côté dangereusement attirant et en tout cas très troublant.

20 juin 2016

Fiche artiste de Loco-Holidays

Loco-Holidays

Trio composé de Hideka Matsuno (à la basse et parfois au chant), Moriya Kamijyo (guitare et chant principal) et de son frère, Kinya (batterie). Avec très peu de moyens, ils ont pourtant importé au Pays du Soleil Levant, un tourbillon de guitares jamais vus auparavant. Le temps d'un mini-album et de deux singles, "Drive" et "Screw" en 1992, avant que le groupe ne se sépare, Hideka Matsuno décidant de fonder Ruby Ruby Star. 

Loco-Holidays : Engine Flower

Engine Flower

Sortie : 1991
Produit par Hideroni Ataka
Label : Confusion

Et si une des meilleurs reprises du Velvet Underground nous venait du Japon ? Qui aurait cru qu'avec le très saturé "Femme Fatale", cet obscur groupe allait nous offrir cet hommage ? Pour entendre cette curiosité, il faut auparavant mettre la main sur cet album, aussi demandé qu'il est rare.
C'est un maxi en forme de premier jet, une tentative brouillonne, histoire de voir la suite, mais ça en restera là, les membres du groupe s'en allant pour d'autres aventures. On pourrait se sentir frustré de si peu de titres.
Mais au final, tout est dit. Saturations, rythme enlevé, guitares sèches par moment ("Desert me"), chant légèrement en retrait et peu concerné, fanfaronnade instrumentale, on s'amuse beaucoup ici et on se délecte ("Silly Smile"). Et derrière cette apparente bonne humeur, le détachement n'est jamais loin de se faire sentir, avec des chants langoureux, des nappes de guitares, et des coupures transcendantales, de chérubins venus du ciel, comme avec ces échos sur "Bloody Minded Hill".
Le chant de la délicieuse Hideka Matsuno apporte une couleur bien chaleureuse aux chansons, comme sur "Strawberry", tout couvert de rose, de jaune flashy, d'orange mélancolique et de vert insouciant. Elle s'envole dans de tels aigus !
Ce qu'on aime dans le shoegaze japonais, c'est cette réappropriation, faisant d'un style anglais, le leur, comme s'ils l'avaient inventé et que ça avait toujours existé chez eux, étant donné que ça leur colle à la peau. Il y a une langueur dans le chant, même dans le jeu de l'excellent "Two Gloomy Suns", qui dépeint parfaitement les errements d'une nouvelle jeunesse, désabusée vis-à-vis de la génération précédente, et aspirant à des exaltations beaucoup plus artificielles, pour ne pas dire narcotiques.


Fiche artiste de The Darling Buds

The Darling Buds

La formation originaire de Newport n'est pas connu pour être un groupe shoegaze. D'ailleurs, à l'origine, c'est dans un style évoquant tout à la fois Jesus and Mary Chain, Buzzocks ou Blondie, qu'elle se fait connaître vers le milieu des années 80, à l'époque du célèbre mouvement C-86.
Emmené par la délicieuse Andrea Lewis, le groupe va faire turbiner les guitares, avec légèreté, piquant et nonchalance. Une pop sucrée, comme le pratiquaient The Primitives ou The Flamates, mais avec l'acidité des guitares. Entourée de ses boys aux lunettes noires, la chanteuse allait offrir un style rafraîchissant, notamment sur le premier album "And the pop said...", qui aura le mérite de remettre les femmes en avant dans le monde de l'indie pop.
Malheureusement la formule ne dure qu'un temps puisque le deuxième album sera un véritable échec, plus commercial que stylistique. Les morceaux sont trop longs, trop ambitieux, presque trop bien produits. C'est clairement bien écrits mais les gens se demandent où est passé le côté rébellion des débuts. Il ne reste plus que de jolies arrangements et une voix toute mignonne. 
Pour tenter de se racheter, The Darling Buds change de style et commet une nouvelle erreur : se lancer dans le shoegaze, un genre mort-né et condamné à la moquerie. Ce sera injuste car vouloir revenir à des guitares saturées relevait d'une certaine cohérence. Et le groupe s'y prend plutôt bien, livrant un album qui possède un certain charme, porté par la voix chaleureuse d'Andrea. Mais les fans ne s'y reconnaissent pas. Comble de malchance, l'album  sort une semaine avant le "Erotica" de Madonna, et partage une pochette similaire et le même titre ! Coïncidence ou non, on ne le saura jamais, cela fut préjudiciable à tous les niveaux.
Enfin, pour enfoncer le clou, leur major esquive leurs responsabilités et refuse de financer toute nouvelle tournée. Le groupe se sépare alors pour un long moment.

12 mai 2016

Mercromina : Acrobacia

Acrobacia de Mercromina 

Date : 1995
Production : Joaquín Pascual
Label : Subterfuge

Ce premier album est tout en guitares. Des guitares en veux-tu, en voilà. Du fuzz, des gros riffs, des distos, des solos, des nappes saturées, des sèches, des juste grattées. C'est à si perdre délicieusement.
Il n'y a d'ailleurs pas ou peu de relâche. A l'époque, pour les ex-membres des Surfin' Bichos, il s'agissait de découvrir tout un nouveau son, épais, bourré et proche du shoegaze, du rock alternatif ou de Sonic Youth. "El Cometo", avec sa batterie frappé calmement et détermination, ses trompettes étonnantes et ses guitares tout en fuzz, rappelle les Smashing Pumpkins ou des groupes grunge comme Green Apple Quick Step. Tandis que "Ciencia Ficción", qui démarre pourtant comme un mid-tempo, est en fait un tourbillon où on se laisse emporté.
Il y a bien-sûr des mélodies évidentes comme s'il en pleuvait et malgré le départ de Fernando Alfaro (parti former Chucho), les autres, notamment Joaquín Pascual, démontrent alors un vrai savoir faire en matière de songwriting. Et puis il y a la voix superbe de Joaquín Pascual, râpeuse, chaude, latine, veloutée. On constate une fois de plus que l'espagnol s’accommode parfaitement du style shoegaze. Ces paroles tout en voyelle et aspiration, sans parler des fameuses "jotas", prennent un accent encore plus sexy lorsqu'il est chanté suavement.
Et puis, dans l'écriture et les mélodies, vives et assumées, Mercromina s'inscrit dans la droite ligne du shoegaze espagnol : Automatics, Los Planetas, de vrais exemples de rock alternatif. Avec le riff qui tue de "Pájaros", mélangé à un petit arpège, Joaquín Pascual impose le message suivant en Espagne : il va falloir compter avec son groupe.

28 mars 2016

Ultracherry Violet : I fall to pieces

I fall to pieces de Ultracherry Violet

Sortie : 1994
Produit par Tony French
Label : Bedazzled

Le groupe s'est enfoncé dans l'obscurantisme et la complexité. Les moments de violence se font plus rares, mais lorsqu'ils surviennent, ils commettent bien plus de dommages. Et cela parce que justement, ils surgissent après des moments de silence ou de calme ou de dérives soporifiques. Le tempo peut d'ailleurs ralentir presque jusqu'à l'arrêt. Les notes de guitares sont espacées, à peine grattées, pour se prolonger dans le silence, sans qu'il n'y ait d'ailleurs de sons de batteries, à part quelques cymbales frappées doucettement, le chant est atonique, ça joue sur les crescendo en faisant monter l'intensité, avant de la suspendre, puis tout à coup, sans sommation, les guitares lourdes sont lancées et écrasent tout ("I think you're lying to me"). Ces moments où le groupe joue avec les nerfs de l'auditeur s'étendent souvent sur plusieurs longues minutes, au-delà des cinq, six, parfois sept minutes. Une vraie torture psychologique. 
Les intros sont obscures, pesantes et distillent un climat hostile, proche du post-rock ou de la dream-pop la plus contemplative. Parfois même, il n'y a plus de chant. Juste des instrumentaux ténébreux et gresillant ("Post-Wing and Prayer"). Référence au sein du label culte Bedazzled, on devine toute l'influence qu'a pu exercer le combo sur des formations de shoegaze et space-rock comme Jessamine, Bethany Curve ou 7% Solution.
Lorsque le groupe se défoule, on a le droit à des furies, proche de l'emo ("Mexico Song") ou confondant de noirceur (l'hyper saturé "Remember"), mais jamais le désenchantement n'est jamais très loin. Bien vite, la mollesse dans le chant l'emporte, les suspensions durent de plus en plus longtemps et les chansons prennent un petit air de jazz maladif ("Losing my friends").
Ces garçons font subir à ceux qui les écoutent les mêmes souffrances dont ils sont victimes eux-mêmes. Rien n'est lisible, rien n'est gagné d'avance, rien n'est lisse. Lorsque l'époustouflant et impressionnant "I'm gonna burn" démarre, avec sa basse frénétique, ses déboulées de saturations et son chant soufflé, le propos est clair. Mais lorsque les riffs s'épuisent et que les coups à la caisse prennent un rythme beaucoup plus martial, le ton change et c'est comme si on s'enfonçait encore plus dans le marasme existentiel. Les vocalises sont toujours suaves mais cette fois-ci, elles se font plaintives et déclamatoires. Puis c'est la reprise de la frénésie et tout ce qu'on distingue derrière ce mur du son dingue, ce sont des hurlements de fous, qui s'éteignent d'un coup, en laissant derrière eux, des distorsions fantomatiques.
Un album difficile et effrayant.

27 mars 2016

Fiche artiste de Miss Bliss

Miss Bliss

C'est un groupe originaire de Ann Arbor, dans le Michigan, qui a participé à la scène space-rock, avec Auburn Lull, Mahogany, Füxa ou Windy & Carl. Leurs albums Warm Sounds From A Cold Town en 1998 puis Loose Grooves And Lullabies en 2000 (qu'ils ont été obligé de publier eux-même) sont des références, à une époque où le shoegaze n'existait plus.
Lorsqu'ils se sont formé, pourtant dès 1992, ils ont pourtant rencontré les pires difficultés. Le groupe de Mike Gill, Steve Knapp, Paul Trisdale et Jeff Guzik (qui a remplacé Jeremy Dybash) a d'abord fait des concerts à Detroit devant une foule dégarnie, en compagnie d'autres formations obscures, comme Spectacle ou Majesty Crush. En économisant un peu, ils ont pu se payer des journées en studios. Mais il aura fallu l'aide bienvenue du label Meltdown Records pour récupérer toutes ces chansons et en faire un premier album en 1996. Seulement, ce label n'aura qu'une brève existence, ce qui condamnera derechef le groupe.

Monkeypig : Under the influence of bad weather

Under the influence of bad weather de Monkeypig

Date : 1994
Producteur : Theo Theander
Label : Bordeline Records

Ce groupe de Malmö est un peu à part de la scène indé/shoegaze de Suede. Au lieu de pratiquer une musique plutôt insouciante et joyeuse, il s'échine à faire preuve de mélancolie. La basse est d'ailleurs très prononcé comme sur le merveilleux "Sincerity's Gone", tandis que les vocalises douces se gorgent de miel, n'hésitant pas d'ailleurs à se renforcer, à se doubler ou à étirer les refrains. Les guitares, nombreuses et virevoltantes, sont là pour impulser une dynamique entraînante. Mais en réalité, là, où le groupe veut nous emmener, ce n'est ni l’allégresse, ni la communion béate, c'est plutôt vers un trouble assez compliqué à démêler. Il suffit d'écouter le superbe et délicat "Have you seen the invisible man ?" pour se rendre compte à quel point Carehed et Parson, les deux hommes qui co-écrivent tous les morceaux, sont des êtres torturées. La basse est encore une fois importante, un clavier lancinant est toujours en arrière-fond, les guitares saturées s'emballent en suivant des lignes mélodiques complexes, et le chant suave est un poil dépité, lâchant dans un souffle des paroles amères : "I am the earth, you are the sun. I am the dirt, you are the one. Since you're gone, I am lost. I don't believe in nothing". Cela fait penser à Blind Mr Jones. Eux aussi s'étaient laissé gagner par le spleen. On aurait du le prévoir avec un tel titre de maxi...
On devine d'ailleurs toutes les influences issues du post-punk et de la cold-wave des années 80 avec le dernier morceau, "Burnmark", plus rock peut-être, plus dur, et au chant plus expressif, digne de Dave Gahan de Depeche Mode.

14 mars 2016

Fiche artiste de Schroeder

Schroeder

Tirant son nom du célèbre personnage des Peanuts (celui qui joue du piano tandis que Lucy amourache de lui), ce groupe est né à Newark, une petite ville relégué de sa grosse voisine New-York.
Comme jaloux, Larry DiMaio, Micheal Bolan, Nick DiMaria et Brian Erskine, ont désiré s'inspirer de l'émulation qui régnait là-bas, tout en gardant un encrage avec leurs influences. Cela a d'abord donné lieu à un drôle de mix, entre Stones Roses et psychédélisme des années 60 (The Monkees ou The Associations). En 1991, malgré un premier album, ils doivent se contenter de faire les MJC devant un faible parterre d'étudiant.
Mais plus tard, le groupe injecte des influences anglaises (Ride, Chapterhouse) pour aboutir à un superbe deuxième album, probablement une des plus belles trouvailles du shoegaze américain, qui aura le mérite d'être numéro un des charts étudiants.
Hélas, la mode est à autre chose, et les membres hésitent entre s'établir à New-York ou rester à Newark. Malgré un dernier album et quelques concerts, le groupe finit par se séparer en 1995.

6 mars 2016

Fiche artiste de Pin Ups

Pin Ups

Un des plus grands groupes de rock alternatif brésilien. Formé par Zé Antonio et Luis Gustavo, il a publié de multiples albums qui font autorité, entre Velvet, Jesus and Mary Chain, Spacemen 3, Primal Scream et My Bloody Valentine.

Pin Ups : Gash

Gash de Pin Ups

Date : 1992
Producteur : Marcel Plasse
Label : Zyod Music

Cette pochette bariolée annonce la couleur ; avec ce groupe, on nage en plein psychédélisme. Ils savent bien que c’est vilain mais ne peuvent s’en empêcher, histoire de secouer le rock brésilien, en compagnie de Killing Chainsaw, Wry ou Pelvs. Ces garnements usent de tous les procédés connus, comme les bandes passées à l’envers, les vibratos à satiété, les pédales steel, les voix mixées en retrait ("Most of the time"), les tambourins, la cithare ("Ganesha") et le rythme plutôt relaxé. 
La cool attitude est le crédo ici. Avec une basse mordante, des pédales steel et une voix grave et râpeuse, plus proche de Starling ou Spacemen 3 ("Set Your Heart Free" ou "Can't Pretend"), on sent que ces musiciens brésiliens se sont jetés à cœurs perdus dans tous les artifices possibles et imaginables pour planer et passer du bon temps.
Ils assument jusqu’à avoir l’outrecuidance de plagier le Velvet Underground avec des ballades à la guitare sèche et une voix éraillée mais lascive. "Hard to fall" ressemble à s'y méprendre à une chanson extraite du Transformer de Lou Reed !
L’album n’est pourtant en aucun cas passéiste puisqu’il s’appuie souvent sur des distorsions, des claviers et des chants adoucis. "Candle", sa guitare sèche, sa pédale steel qui donne l'impression que le son glisse, sa déferlante, est une très belle ouverture pour l'album. "Open Wide" est shoegaze dans sa forme, c'est à peine si on entend les voix, un exemple encore une fois que les drogues ont été une vraie source d'inspiration pour ce mouvement. A moins que ça ne soit l'inverse ! Quant à "Still Can Kiss", c'est un vrai hommage à My Bloody Valentine.
Cette rencontre des genres offre des sommets comme cette reprise shoegaze étonnante du « A Day in the life » des Beatles, offrant à la guitare folk un écrin superbe à une voix féminine époustouflante (Alexandra Briganti), avant d'être recouvert de saturations. 

27 février 2016

Fiche artiste de Amp

Amp

Encore un groupe du cercle très fermé de Bristol, les chantres de l'expérimental et du post-rock noisy. Il s'agit d'une extension dérivée de The Secret Garden, avec les ex-membres de Third Eye Foundation ou Flying Saucer Attack, très proche de Crescent ou Movietone. Toujours actif aujourd'hui, son coeur est constitué de Karine Charff au chant et de Richard Walker pour tout le reste, des guitares au sampling jusqu'au clavier en passant par la réalisation des pochettes. Expert en ambient, drone, space-rock et shoegaze, ils sont représentatif de ce que l'Angleterre peut avoir de plus avant-gardiste.

14 février 2016

Mercromina : Hulahop

Hulahop  de Mercromina

Date : 1997
Production : Fino Oyonarte
Label : Subterfuge

Ce groupe se moque gentiment du monde : ce sont des grosses guitares à tous les étages, mais chaque titre regorge de petites trouvailles qui s’immiscent discrètement, entre trompettes, clavier cheap, guitare sèche, ou riff qui tue. Au milieu de tout ça, un équilibre précaire se fait malgré tout, entre riffs distordus et gonflés à bloc d’une part, et une myriade d’inventions et de mélodies pop d’autre part. Et puis il y le chant de Joaquín Pascual qui dépasse toutes ces instruments. Il est tout dans le souffle et le râle, ce qui adoucit ses textes, les rend caressants et ce qui souligne son accent espagnol. C’est une forme de nonchalance mais elle est adorable.
Innovant et attachant, ça surprend, que ce soit sur « Japon » et son clavier ambient ou l'extraordinaire « Raspas de pez », car en réalité, sous les couches de guitares, c'est sans cesse changeant, une accélération fulgurante, un ralentissement, une cadence plus street-punk ou plus indie, une pause délicieuse et poétique, des sons riches et pourtant crades, des chants variés, entre soupir suave et refrain fédérateur, (« Rayos Uva », démarrant sur un riff rapide avant de ralentir brutalement sur des guitares splendides, du piano et un clavier), un groove intelligent mené par une batterie complètement folle et une programmation au clavier rusée et maligne.
Cela reste malgré tout un exercice pop aux guitares saturées, et on se rend compte immédiatement que le groupe est à son sommet, signant des tubes imparables, aux mélodies immédiates, comme « Hulahop » (addictif et plein de bonne humeur) ou « Espuma » (comme si Grandaddy s’était mis au shoegaze). Mais comme s’ils voulaient jouer avec l’auditeur, Joaquín Pascal et les ex-membres des Surfin’ Bichos, incrustent des intermèdes bizarres, impromptues mais magnifiques, comme des trompettes sur « Pequeña Depression » ou une déferlante après un début tout en guitare sèche et violons folkloriques sur « Una tarde ». C’est énergique et plein d’allant mais cet album n’est en fait que douceurs et sucreries.
A ce titre « En un mundo tan pequeño » est peut-être le plus représentatif du talent de Mercromina : une voix angélique sensuelle (celle de Mariá Angeles Martinez), une guitare sèche, des violons et une batterie qui se fait militaire, puis enfin arrivent un mur du son vivifiant et bruyant. Magique et fantaisiste. Joaquín Pascal prouve quel grand compositeur il est.