A storm in heaven de The Verve
Sortie : 1993
Produit par John Leckie
Label : Hut
Avec ses longues tirades de guitares,
son rythme nonchalant, ses tempêtes impromptus, son chant perdu, le premier
titre « Star Sail » balise pourtant bien le chemin. Le groupe se veut
éminemment psychédélique, en signant des titres longuets, brumeux et
chloroformés. Et le chant se veut léger. Des morceaux comme le single
« Slide Away » seront d’une redoutable énergie, mais bien souvent ce
seront plutôt des plages tranquilles, lentes, hyper cools (grâce notamment à
une basse fantastique), très relâchées, comme « Butterfly », sorte de
folk sous orage électrique. Avec son piano, ses saturations fantomatiques, sa
légère guitare sèche et sa voix émasculée, le groupe proposera une vision du
céleste, pervertie par les nombreuses drogues ingérées par chacun des membres.
Cette musique apaisante se doit de recréer un état d’apesenteur. Richard
dira : « ce n’est pas une
longue odyssée jazz, ce n’est pas une question d’additionner les solos mais
d’avoir un flot continu. »[i] La musique devient par
moment illisible, la voix de Richard Ashcroft se faisant ouatée et les nappes
de guitares flottantes. Les mélodies ne se retiennent pas, aucune structure
couplet-refrain n’apparait et les textures fusionnent entre elles. « Beautiful
Mind » ressemble même à de la dream-pop d’avant-garde, tandis que
« Make it ‘til Monday » se rapproche du minimalisme shoegaze, c’est à
peine si on entend les paroles. Pour Richard : « cet album, c’est du pur jam en studio, comme on a toujours fait. On a
eu la liberté de faire ce qu’on voulait, et je pense que ça nous donne de
meilleur résultats parce qu’on n’a pas peur. On n’a pas peur de faire des
chansons trop longues, pas peur de tenter de nouveaux trucs. C’est une démarche
moins artificielle que par rapport à bien d’autres musiques entendues ces
dernières années. »[ii] Difficile d’accès, ses
ventes sont désastreuses. La presse déjuge le groupe. C’est Suede qui raflera
tous les lauriers. Sans regret : « On continue d’explorer notre métier. J’aime beaucoup les pop-songs mais
quand tu achètes un single, tu es un peu stressé, tu espères que la face A soit
un classique et que la face B soit aussi bonne. Tu veux avoir immédiatement de
la magie. Alors qu’avec un album, tu as plus le temps de t’immerger, de sombrer
dedans. Beaucoup de gens nous ont dit qu’on aurait pu rentrer dans les charts
avec une succession de petits singles courts, mais à l’époque, cela aurait été
mentir. »[iii]
Cet album devient alors, a posteriori,
un témoignage d’une époque révolue (et méconnue du grand public, voire même des
propres fans de The Verve).
[i]
Richard Aschroft cité par Michael Leonard, sur Total Guitar, 1 mars 1998, [en
ligne] http://www.thevervelive.com/1998/03/total-guitar-magazine-genius-of.html
[ii]
Idem
[iii]
Richard Aschroft cité par Andrew Smith, sur Melody Maker, 15 mai 1993, [en
ligne] http://www.theverveonline.com/press/mm93.html
Et dire que je suis passé des dizaines de fois devant cet album à la médiathèque de ma ville mais je n'ai jamais eu l'idée de l'emprunter !
RépondreSupprimerDe The Verve, j'avais l'image du groupe pop légèrement symphonique mais gentillet de la période britpop (blur/Oasis, on connait la chanson), avec cet hymne pompier sur-entendu.
Jamais ô grand jamais je ne me serais douté qu'ils avaient eu un passé shoegaze, qu'il y avait une première période, d'après ce que tu décris, beaucoup plus obscure, innovante et torturée. Comme quoi ! Pourtant, le cover de l'album m'avait intriguée, moi qui suis amateur de pochette de disques.
Demain, je sais quel cd je ne vais ne pas louper !!!
A + + +