Date : 1993
Producteur : Marc Tierney
Label : Flying Nun Records
C’est l’album en forme de chant du cygne. Le psychédélisme tranquille est mis à l’honneur, c’est fun, cool et détendu, pourtant on en peut s’empêcher d’avoir un pincement au cœur. Car on sent bien que le groupe livre ici son ultime album, arrivé au bout de sa démarche, en étant plus apaisé, plus mélodique. Car au départ, JPS Experience est un combo célèbre du mouvement Dunedin Sound, avec Verlaines, Chills, etc. Une bande de garnements qui à l’époque s’appelait Jean-Paul Sartre Experience, et qui se sont fait vite rappeler à l’ordre pour des questions de droits. Leur musique était un peu bizarre, brinquebalante, éminemment excentrique, post-punk, indie, avec toujours un grain de folie. Sur la fin, après de multiples tournées en Europe, le groupe découvre le mouvement shoegaze et le Madchester, et s’en inspire largement.
On a reproché au groupe sur cet album de s’aplanir, de s’affadir, avec notamment un son léché où rien ne dépasse. Le rythme est lisse, les mélodies visibles et les voix douces. Quant aux guitares, elles sont immenses, saturées juste ce qu’il faut. Le groupe rend hommage au Stones Roses, à Primal Scream, à Ride, à Swervedriver et même à Blur, losqu’on pense à leur premier album, mettant de côté son identité insulaire qui en faisait un groupe spécial.
Mais force est de reconnaitre que les mélodies sont toujours là, elles sont plus accessibles, fédératrices, avec des refrains à reprendre en chœur, sublimées par un rythme nonchalant maîtrisé sur le bout des ongles. JPS Experience assume et se complait dans un psychédélisme festif, en utilisant tous les ressorts connus (tambourins, voix dédoublées, basse relâché, référence sixties), comme sur « Ray of shine » ou « Breathe », magnifiquement branleur.
Dommage qu’on soit parfois dans un entre-deux, sans rythme clairement techno, sans des saturations bruyantes, sur certains morceaux, c’est l’eau tiède. A d’autres moments, on s’assagit carrément et on prend davantage son temps. Ces garçons-là savent se faire sensibles, se lover totalement dans un shoegazing rêvasseur et s’offrir de déchirantes nappes de guitares pour décoller et tripper longtemps. Après un époustouflant « Spaceman » brouillé, très My Bloody Valentine, lourd et agressif, « Still can be seen », sa guitare sèche, sa voix douce et son ambiance féérique est un véritable slow romantique.
Le groupe choisit de s’exprimer plus dans la douceur, comme une fin de fête. Le but de JPS Experience n’était pas de poursuivre l’avant-gardisme mais au contraire de décrire le relâchement, l’état extatique, la détente psychédélique après les orgies et les ouragans créatifs. A ce titre, « Into you », après son ouverture en forme de distorsions, son riff saturé et gonflé, sa batterie forte, s’appuie sur une mélodie adorablement dépendante de narcotique, et il en est de même pour celle de « Modus Vivendi », indolente, nappée de saturations sur-produites, qui rappelle Jesus and Mary Chain.
Toute polémique n’a pas lieu d’être car il n’empêche que le groupe n’a pas son content pour signer des chansons sublimes. Si tant est qu’on n’ait pu dire de JPS Experience qu’ils étaient tous justes bons à s’amuser, ce dernier album met les points sur les « i ». Comment ne pas admirer « Angel », légèrement mélancolique, une belle plainte folk, pourtant traversée de distorsions et de parasites ? Ou encore « Bleeding Star », probablement une de leurs meilleures chansons toute époque confondue, à la batterie vigoureuse, au chant aérien et doublé, qui évoque un peu les influences orientales, les grosses guitares saturées sûres d’elles, les voix trafiquées et les petits bruits de navettes spatiales, qui se termine en paroxysme et en cri du cœur ? Comment ne pas s’embarquer pour un tel voyage ?
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