Date : 1997
Produit par : Doug Easley
Label : Tim/Kerr Records
Il
ne faut pas s’attendre à une atmosphère doucereuse et sucrée. Swoon 23 n’est
pas là pour prendre les gens par la main et les faire voyager parmi les délices
de la poésie. Au contraire, le monde visité par cette formation américaine est
angoissant.
Froide,
voire même glaciale, balançant avec un esprit malsain entre lourdeur et contemplation,
leur musique laisse songeur. Elle laisse des stigmates profonds à coup de
longues plages éthérées et mécaniques, de distorsions lointaines qui laissent
l’auditeur avec un mal-être indéfinissable, des brouillages sonores, un tempo
indolent et d’autres complications.
A
force, Swoon 23 détournera les codes traditionnels du shoegaze pour atteindre
une sorte d’astreinte musicale : les guitares seront lourdes, rêches, des échos
seront persistants pour donner une impression de glissement ou de flottement,
la basse sera particulièrement mise en avant et les chants déshumanisées
colleront au mieux avec cette lassitude ambiante.
Fatigué,
lent, pesant, « Cellophane » fait froid dans le dos, avec une
batterie tranquille, une guitare qui répète les mêmes motifs, une voix angélique
et murmurée dans un souffle. La ballade qu’est « Atom Smasher », qui
peu à peu se laisse envahir d’un énorme mur du son, est empreinte d’un abandon
saisissant. L’entrée d’une voix suave, quelque peu fatiguée, a de quoi étirer
ce sentiment de fin de route. Jusqu’à ce qu’elle se double, avec Jeff
Studebaker et Megan Pickerel qui se répondent, et que l’intensité augmente.
Cette
chanteuse a une façon perturbante de chanter, elle ressemble à Alison Shaw, de
Cranes, tout en soupirs.
Cet
album distille un venin : profondément rêveur et lunatique, il reste pourtant
implacable et dénué d’optimisme. La guitare très alternative-rock de « Sell the
things I love », les touches au clavier façon écho de sonar de « Love song 1000
», les distorsions lunaires de « Missing Time », l’intro fantasmagorique de « Fire
Hanger » qu’on dirait extrait d’un album de Cranes, ou encore la violence
inouïe de « Circadas », noyé sous les saturations, tout ceci concoure à
instaurer une langueur et une paresse déshumanisée.
La
musique, vaporeuse, inquiétante, contemplative de Swoon 23 ne cache rien, se
laisse aller, égrène ses états d'âmes comme des coulées de métal. Il n'y a même
pas, parmi ces jeux de guitares glissantes, lointaines et enchanteresses, ces
chants mornes et sans lueur, ces harmonies délicates, une tentative de se
comprendre, de s'indigner ou de se soigner. L’atmosphère irréelle et froide
(comme sur le dépressif « Just like TV ») souligne l'insensibilité, comme
l’intangibilité.
Chacune
des chansons est une pause sans en être une. Une pause car elles tirent un
constat déprimant, ni négatif, ni positif, juste soulignant le zéro. Tout cela
sans en paraître affecté. Et c'est à la fois aussi quelque chose de profond, de
rempli, de riche. Un vecteur immense, livré avec retenue, de tout ce que la
musique peut posséder de plus fort et de plus évocateur (le sublime
« Shady Hands »). Une langueur par ci, un chant doucereux par là ou
encore ici, un climat sépulcral, et c’est l’esprit qui vagabonde dans bien des
turpitudes.
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