Sortie : 1994
Produit par Charlie Hill
Label : Zowie Records
Larry DiMaio était un dingue de l’Angleterre, fasciné par ce
qu’il se passait là-bas, les boites de nuit, les raves, la dream-pop sous
ecstasy. Bien qu’originaire d’un quartier pauvre, situé à quelques kilomètres
de New-York, où les labels cherchaient le nouveau Nirvana, et n’ayant jamais
réussi vraiment à percer, il était convaincu de pouvoir faire bouger les
foules et de les faire rêver. Avec le titre « Heavenly », certainement son meilleur
morceau, avec ses rythmes accélérés, ses ‘aaaaah’ langoureux, son ton un poil
précieux, il livre là un shoegaze féerique passé au mixer, avec un refrain
magnifique, plein de force et de vie. Larry chante avec ferveur, conviction,
comme s’il exhortait les gens à danser jusqu’au bout de la nuit.
Avec lui, tout peut aller vite, très vite. Le rythme est
surmultiplié. Il subsiste pourtant une sorte de magie incroyable : cette espèce
de frénésie dans les guitares s’allie parfaitement avec le ton féerique qui
évoque Ride, The Veldt ou les Stones Roses (« Too Beautiful » ou « Jewel » et
ses saturations en forme de décollage d’avion). Il n’y a aucun temps morts sur
ces morceaux et les instruments forment alors un tout, un vrai mur du son
dévastateur. On sent l’ivresse nous gagner. D’ailleurs, Schroeder l’a bien
compris puisque le groupe joue sur cet enivrement. Les guitares s’additionnent
sans retenue pour sonner comme dans un tourbillon. Appuyée par une basse qui
joue un rôle fondamental dans le maintien de la cohérence, malgré les
déferlantes saturées qui arrivent successivement sans s’arrêter une seule
seconde, le rythme sonne et donne le tournis ("Sweeter than you"). Ça fuse, ça boome, ça fracasse
tout, pourtant, tout ceci pour aboutir, comme sur « Metdown » à une
musique onirique à souhait.
Le groupe met tout ce qu’il a dans les tripes pour au final
aboutir à des nappes délicates de saturations, aux voies douces, doublées et à
l’esprit dream-pop, dont il se réclamait (« Head » ou bien le grandiose « Vitamine Purple »). Le guitariste Nick DiMaria rappelle :
« Bien que Larry et Ersk (leur
génial batteur) étaient convaincus qu’on allait devenir des phénomènes, je
pense que Michael (le bassiste) et moi on aimait juste faire du bruit. Larry cependant
visait toujours juste, notre musique savait se faire irréelle. C’était ce qui
nous rendait attractifs. »[i]
Car au-delà de créer une ambiance digne de Madchester, l’homme cherche à se
libérer et à exprimer ses propres ressentis.
Et là, on touche à autre chose, une musique décalée, peu en
phase avec ses contemporains américains (et on le leur fera bien savoir). Cette
fougue n’est pas si innocente, elle cache en réalité des failles et des
fragilités, qui transparaissent lorsque le tempo ralentit pour une longue
ballade aux voix soufflées (superbes « Blue » ou "Head"). Ou sur des plages oniriques ("Waste of time"). Nick reconnait que le
groupe était en réalité affecté : « J’imagine
que nos concerts devaient être très différents des shows punk ou des festivals
hippies auxquels les gens se rendaient. On n’a jamais réussi à s’intégrer dans
un des camps qui prévalait à l’époque. On jouait des chansons maniérés
mais de manière très bruyante et avec suffisamment de colère durant nos live
pour que le public y réponde. Cette colère devait probablement venir de
différentes casseroles qu’on se traînait tous en dehors du groupe. Je me
souviens aussi que Larry était très très chaud entre chaque chanson durant nos
performances. »[ii]
Cette ambivalence entre l’aigreur rentrée, le désir de s’évader dans le rythme
effréné et ce goût pour l’onirisme, va aboutir à des titres de la trempe du
divin « Mod Revolve ». Un morceau au début calme et atmosphérique,
avant de devenir plus rayonnant avec les claviers et enfin plus ardent avec les
saturations. Ou encore le long "Blue", émouvant et grandiloquent. Fantastique.
[i] Nick DiMaria cité par Hangnail Phillips, 1 septembre
2013, [en ligne] http://hangnailphillips.com/?p=389
[ii] Idem
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