The Brian Jonestown Massacre
Anton est un taré, un ciboulé, un
frappé du cerveau, mais aussi un génie, comme peu on n’a connu et comme peu on
connaîtra par la suite. Il n’est pas inutile de voir le documentaire
« Dig ! » qui lui est consacré. « Je n’ai jamais voulu ressembler à quelqu’un d’autre et je n’ai jamais
accepté que quelqu’un me dise quoi faire. Lorsque je fais de la musique, je
veux que ça retienne mon attention jusqu’à plus soif. Je veux pouvoir être en
mesure d’écouter un morceau cinquante fois et d’être toujours abasourdi à la
fin »[i]
expliquera-t-il. Avec son groupe sur
scène, il cultive l’art du sabotage, cherchant ses intros avant chaque chanson,
parfois pendant des plombes, se bourrant la gueule, improvisant, chantant de
manière aphone, vociférant ses roadies, comme il cultive l’art de la mélodie
parfaite. Que ce soit dans le rock garage, le blues, le psyché ou le shoegaze,
comme à ses débuts, ce que beaucoup ignorent.
En effet, « Methodrone » est
une pièce maitresse du shoegaze psychédélique, qui aura inspiré énormément de
groupes comme The Warlocks, Black Rebel Motorcycle Club, My Vitriol etc. Et
puis on n’oublie pas leur contribution au mythique coffret de singles de leur
label Tangible avec d’autres formations obscures de la scène californienne, comme
Nebtwister, Acid, Hollowbox, Reverb ou Orange. D’ailleurs, pour Anton Newcombe,
c’est comme si le shoegaze était né en Californie !
Mais n’allait pas le croire lorsqu’il
vous dit qu’il a tout inventé avant tout le monde : « Je ne vois pas pourquoi vous faites le rapprochement avec MBV, car je
peux apporter des enregistrements [américains] qui peuvent remonter jusqu’à
bien avant Spacemen 3 et toute cette merde. Je pense que vous ne comprenez pas
la culture californienne. (…) Ma musique n’est pas arrivée comme faisant partie
d’un mouvement de merde genre néo-shoegaze. Avant Oasis, on s’est fait offrir
un deal par Alan McGee en 1992 (…) Demandez à Joe Foster et vous comprendrez
qu’on faisait ça [utiliser des guitares saturées] bien avant que Mark Gardener
ne monte Ride. (…) Il a été influencé par nous. (…) Je m’amusais à déconstruire
le son de ma guitare à 11 ans en 1978, bien avant que Thurston Moore en ait
acheté une et que Kevin Shields apprenne à jouer comme The Cramps. J’ai ensuite
essayé de reproduire ces sons dans mon garage. Les voisins se plaignaient à
cause des saturations »[ii].
Une belle divagation de junkie. A
l’image de sa gestion chaotique de carrière, lui qui préférait révolutionner la
scène californienne avec ses (anciens) amis des Dandy Warhols, lors de concerts
baroques et fumeux, tambourins de sorties, orgies sur scène et seins à l'air.
Les labels lui claquent la porte au nez, la réputation poisseuse file bon
train, les problèmes d’argent s’accumulent, les bagarres sont monnaie courante,
en répétition, en concert, dans la rue, et on peut même, avec de la chance,
goûter au poing d’Anton lui-même. Seule la drogue ne manquera jamais à l’appel.
Anton se souvient : « Je n’avais pas de
tabous à l’époque. Je pense qu’on pouvait faire des choses vraiment
extraordinaires sous drogues. Bon, ce n’est pas top mais ça rendait les choses
plus intenses. Mais je n’ai jamais vraiment été fan de méth, je n’étais pas
vraiment un fumeur d’herbe, j’ai plutôt adoré le LSD »[iii]. On dit de lui qu’il est le dernier hippie.
A son insu, Anton Newcombe fabrique un
mythe autour de lui : malchance, erreur de casting, label sur la paille,
concerts annulés, caractère sulfureux, paranoïa, mégalomanie. La légende veut
que c’est Anton lui-même qui sabote ses propres concerts dès qu’il apprend que
des patrons de gros labels sont dans la salle. Le succès ne viendra jamais. Resteront
pourtant près d’une dizaine d’albums auto-produits, des multiples faces-b, de
nombreux albums (dont plusieurs sortis la même année) voguant entre le shoegaze
des débuts, le folk, le rock made-in Rolling Stones, le pastiche de My Bloody
Valentine, les délires sixties ou encore le garage, mais surtout d’incroyables
mélodies, imparables et émouvantes. Une vraie définition du rock indépendant. Comme
le dit si bien Anton Newcombe : « J’aime
montrer aux gens la vérité, leur donner des indices pour voir la réalité telle
qu’est est, c’est cela la vraie ‘’magie’’. La plus grande arnaque du music
business, c’est lorsque le public croit ce qu’on lui donne à écouter, prend la
musique pour argent comptant »[iv].
[i] Anton Newcombe cité par Marc-Aurèle Baly, sur Les
Inrocks, 11 juin 2014, [en ligne]
http://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/the-brian-jonestown-massacre-revelation/
[ii] Interview d’Anton Newcombe par Dom Gourlay, sur Drown
in Sound, 17 mars 2008, [en ligne]
http://drownedinsound.com/in_depth/2984902-the-brian-jonestown-massacre--enraging-anton-unintentionally
[iii] Anton Newcombe cité par Julian Marszalek, sur The
Quietus, 9 février 2010, [en ligne]
http://thequietus.com/articles/03702-the-brian-jonestown-massacre-an-anton-newcombe-interveiw
[iv] Interview d’Anton Newcombe par Bester, sur Gonzo, juin
2014, [en ligne] http://gonzai.com/anton-newcombe-les-droles-doiseaux-se-cachent-pour-murir/
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