Shoegaze pour "regarder ses chaussures".
Ce terme anglais fut employé pour désigner les groupes rock qui apparurent dans les années 80-90, menés par My Bloody Valentine ou Ride, et qui pratiquaient une musique remplie de saturations et de mélodies sucrées, à base de vocalises béates.
Ce blog musical est entièrement dédié au mouvement shoegaze et comprend toutes les chroniques des productions cultes de cette période.
Chris Munin est une grande rouquine, à la chevelure de feu, au charisme fou, presque gothique, et elle émerge de ce groupe de façon éblouissante. Même si 2008 a connu le retour de cette formation brésilienne, son existence n'aura été pourtant que trop brève. A tel point d'ailleurs, qu'ils n'ont jamais eu le temps d'enregistrer d'album. Le premier devait paraître en 1998 mais ils se sont séparés cette année-là, durant les sessions. Old Magic Pallas s'est formé à Sao Paulo, comme bon nombres de groupes indépendant de cette époque, autour des personnes de Fernando Brido (guitare), Marco Viana (basse), Osmar Buono (guitare), Marcelo Shida (batterie) et bien sûr Chris Munin (chant). Passionnés tout autant de My Bloody Valentine, Pale Saints, Ride, ils arrivent à trouver un petit studio en 1994 pour se rassembler et publier une démo de six titres. C'est ce qui arrive à les faire remarquer : "Stargazer", leur tube à eux, sera converti en vidéo-clip, tourné avec peu de moyens mais reprenant tous les codes styllistiques du shoegazing pour une chanson de toute beauté. Elle aura le droit à des diffusions sur le MTV local, au cours de l'émission Lado B. Mais après ça, rien de supplémentaire.
Sortie : 1995 Produit par Old Magic Pallas Label : Artifact Records
Le groupe de Sao Paulo n’aura sorti au final qu’une démo, puisqu’il a splité l’année de l’enregistrement du premier album. Pour connaître le style de Old Magic Pallas, hormis deux inédits sur une compilation, il faut donc se rabattre sur ce petit recueil de six titres à peine. Cette cassette est assez inégale, irréguliere, alternant des morceaux calmes et psychédéliques (on dit le groupe très influencé par Love, ce qui est un peu vrai) et d’autres plus rêveurs et magnifiés. Le langoureux « Daydreaming », dont les chants légers et fantomatiques se voient noyés par des dentelles de distorsions, succède ainsi à « Jane », sorte de bossa-nova calme et insouciante. La voix de Chris Munin est un vrai délice, chaude, ouatée et magnifique, elle donne grâce à leur musique, que ce soit sur un folk fatigué (« Raindrops ») ou un assaut transcendant, basé sur des rythmes dansants, répétitifs, des boucles arabisantes et des saturations (le très court « Twiggy », presque inachevé). De ce maigre recueil (on ne peut que regretter amèrement que le groupe n’ait jamais pu prolonger leur carrière), il subsiste tout de même une vraie merveille, un titre incroyable, un bout d’éternité, prélevé par magie et enregistré à jamais sur une bande magnétique. Le petit riff du début de « Stargazer », indolent, cool, simple mais terriblement addictif, provoque aussitôt l’adhésion et l’attachement. Et lorsque la voix divine de Chris Munin tombe, on plie ! Notamment lorsqu’elle se dédouble, se gorge de chœurs d’anges, et qu’on a l’impression d’écouter les litanies de muses ou de nymphes légèrement pernicieuses et indolentes. C’est ce détachement, cette voix à la fois douce et grave, qui fait tout le charme du morceau, surtout si cette fausse paresse luxueuse est traversé d’une déferlante de saturations réverbérées.
Sortie : 1992 Produit par Nick Batterham Label : Summershine
Ce qui rend Blindside si attachant, c’est leur volonté de vivoter dans un monde merveilleux qui les dépasse allègrement. On sent dans leur musique chevrotante, une grande fragilité, et ce malgré le mur du son imposant qu’ils ont su constituer. C’est que avec leurs guitares électriques et sans autre moyen (pas de claviers, pas de violons, pas de mirifiques artifices), le groupe de Nick Batterhan essaye malgré tout de construire un édifice majestueux, gorgé de lyrisme, d’importance et de majesté. Et c’est avec autant de maladresse effrénée que de volonté farouche que cette musique touche au céleste, approche une gravité sans égale, très précieuse et apprêtée. Trébuchant, sans être tout à fait sûr d’eux, les musiciens se lancent malgré tout vers les sommets, et Nick Batterhan gonfle la voix, la charge de théâtralité, de douceur et de suavité, sans se prémunir d’un manque de justesse absolument irrésistible. Les saturations partent dans tous les sens, comme les coups de batteries, on sent une tension intégrée à chacune des chansons, comme si cet amoncèlement de saturations annonçait quelque chose d’imminent, quelque chose d’extrêmement fondamental et se parait alors d’un romantisme surréaliste. Un romantisme bafouillant, encore mal dégrossi et emporté par l’élan, un élan juvénile, naïf mais excisé de toute malveillance. Blindside devient alors un groupe précieux pour qui on ne peut s’empêcher d’éprouver beaucoup de tendresse. Ce tout premier EP (et sa pochette sublime), encore fougueux et tâtonnant, annonce en tout cas un désir de s’immerger dans un univers qui n’existe pas, en forçant le ton, en n’hésitant pas à en faire trop, en faisant preuve de gaucheries et en se lançant dans un mur du son incroyablement discordant avec les propos solennels et séraphiques.
Il n'y a que Mike Schulman pour dénicher des groupes comme Belreve. Sans doute était-il ami avec eux car comment expliquer qu'il ait réussi à les dénicher après un split avec Guided by Voices et deux chansons sur Anyway Records, dont une sur une compilation en 1993 ? Plus connu pour être le guitariste attitré du groupe garage punk New Bomb Truks (culte dans son pays), Matt Reber avait monté un autre groupe, avec Jenny à la batterie et Liz à la basse, appelé Belreve, qui lui servait de récréation. Passant le plus clair de son temps dans les salles de l'Ohio (trou paumé s'il en est), le groupe semble particulièrement amateur, mais réussit à dégager tout de même une énergie dégageant douceur et force en même temps. Ressemblant énormément à ce que faisaient également The Swirlies ou Henry's Dress, le patron du label Slumberland, Mike Schulman les signe pour sortir un single en 1994, à la pochette psychédélique tout en bleu. Mais ce sera tout pour le groupe, Matt Reber étant obligé de se consacrer à sa formation initiale. Au total, sept chansons uniquement ! Ce qui est très peu. Mais ce qui est aussi suffisant pour que l'ami Mike Schulman se rappelle au bon souvenir et publie un recueil en 1995.
Sortie : 1995 Produit par Matt Reber Label : Slumberland
Ah ! Les disques du label Slumberland ! On les reconnait immédiatement. A l’écoute de ce son garage, on sent la pate du label. C’est du shoegaze qui dépote, qui crache, enregistré avec les moyens du bord, et proche d’être miséreux, plus influencé par Guided by Voices finalement, ce qui n’est pas un hasard, vu qu’ils ont fait un split ensemble. On ne s’y trompe pas lorsqu’on entend le riff plombé et lourd de « The sulk king », sa voix trafiquée façon lo-fi et son sens de la mélodie spontané et frénétique. C’est qu’au total, Belreve n’aura pas produit beaucoup de chansons : un single sur Anyway, un autre sur Slumberland, un titre live, des chansons sur des compilations et puis c’est tout ! Mais Slumberland a eu la bonne idée de toutes les regrouper sur un mini-album adorable de sincérité et d’esprit indie. Le mélange entre l’insouciance du courant C-86 et le je-m’en-foutisme du style américain aboutit à des titres savoureux, piquant, remplis de guitares mal dégrossis comme « Ron », ou le très rock n’roll « Walk ». L’enregistrement est de si mauvaise qualité que les saturations grésillent sur le vinyle et que les voix (qui ne font guère d’effort, il faut le reconnaître) n’arrivent pas à se faire entendre, comme sur l’irrésistible « The sky is falling », titre shoegaze comme on en faisait qu’à cette époque et que sur ce label. Avec le très prenant « Look out » (un vrai tube), il y a donc beaucoup de saturations, comme des fritures sur la ligne, comme si le mixeur avait oublié de faire son travail en post-production, mais aussi beaucoup de morgue, du détachement, ce qui en fait un titre superbe, notamment avec ce passage ralenti, plus évanescent, très calme et léger, à tomber à la renverse. Le groupe de Matt Reber correspond tout à fait au style de Slumberland Records : pas mal de bruits, peu d’effort pour soigner le son et le rendre clair, un amour pour les mélodies mais aucune volonté d’adoucir les guitares pour autant, pas de compromission et beaucoup de naïveté, du culot et un peu de flemmardise aussi.
La scène indie de Nouvelle-Zélande, qui a prévalu dans les années 80-90, est en réalité une grande famille : l'exemple qu'en réalité un mouvement musical se révèle l'occasion pour tous ces musiciens d'échanger, de se prêter main forte et de lancer divers projets avec les uns et les autres, en fonction des affinités. Parmi les nombreuses figures qui ont fait la légende du label Flying Nun (qui hébergeait tous ces groupes), on ne peut oublier Peter Gutteridge. Tout d'abord parce qu'il a été un des premiers membres de The Clean, en tant que bassiste, avec les frères Hamish et David Kilgour, qu'il avait connu au lycée, puis qu'il les a aidé à monter leur nouveau groupe, The Great Unwashed. Ensuite parce qu'il a aussi été invité à jouer avec The Chills, autre formation tutélaire. Avec Snapper, il revisite le shoegaze, le No-Wave et le kautrock pour des attaques soniques qui ne passèrent pas inaperçues, surtout avec leur premier EP en 1989, qui contient le titre "Buddy" (petit hymne dans le microcosme du monde indie). C'est sur les cendres de son groupe Phromes qu'il monte Snapper et c'est donc logique qu'on y retrouve aussi Christine Voice pour l'orgue, Alan Haig pour la batterie et Dominic Stones pour la guitare. Sous cette line-up, deux albums sortiront, d'abord en vinyle sur Avalanche Records (qui n'avait guère les moyens de permettre un autre support) puis réédités grâce à Flying Nun. Vers la fin, le groupe ressemble plus à un projet solo de Peter Gutteridge et les autres font alors figure d'invités.