Date : 1997
Production : Richard Walker
Label : Kranky
En faisant appel à la délicieuse Karine, Richard Walker apparaît moins seul et ajoute une couleur chaude, sexy et angélique à sa musique expérimentale. Elle est beaucoup plus vaporeuse, plus onirique et séduisante sur ce deuxième album. Le niveau d’abstraction est repoussé encore, tant les minutes défilent (c’est presque un double-album !) et que les bases rythmiques, les nappes d’échos, les distorsions, fusionnent en un tout éthéré.
De toute manière, tout fusionne, des lettres des titres de chansons, jusqu’aux instruments et voix, en passant par les tâches de couleur de la pochette, désignée par Richard Walker lui-même, qui, il faut le rappeler, à signer l’artwork de beaucoup d’albums de… Creation Records !
L’hommage au shoegaze est évident. Le shoegaze base sa philosophie sur une envie brûlante de confondre le bruit déployé et la mélancolie de ses auteurs. Ici Richard Walker va jusqu’au bout des choses, impossible de distinguer ce qui est humain (les vagues râles de Karine), ce qui est organique (les percussions, la batterie) et ce qui est électronique (les claviers), tant chaque partie est en réalité enregistrée, réexploitée, remixée et réverbérée. Si la voix sonne comme un fantôme et les guitares comme des échos vaporeux, ceci sur une dizaine de minutes répétées sans coupures (« Transmigration »), alors on a l’impression que les choses peuvent s’interchanger, que le chant humain devient une nappe et que les petits bruits de clavier sont en réalité des interventions de créatures.
Ainsi sur « Polemic », Karine Chaff finit par scander une liste de mots dans un poème parlé à la manière d’une machine, tandis qu’une basse sourde et un mur du son marquent l’espace d’une empreinte animale. Richard Walker, dans sa réflexion, abandonne toute idée de morceau rock, pour n’avoir que des contemplations éperdues et désossées. N’ont le droit d’exister que la batterie et les distorsions (« Onehopeincertainly », quelque part entre Flying Saucer Attack et Sonic Youth).
Son plus beau chef-d’œuvre est incontestablement « Stellata », une véritable odyssée shoegaze, magnifié par des vagues de saturations qui déboulent par-dessus une guitare sèche imperturbable et une section rythmique militaire, solennelle et presque grave. Le chant aérien et céleste de Karine se joue de ce mur du son lent et imposant pour s’envoler dans des grâces impalpables. De par son caractère magique, il permet à ces longs passages de gagner en majesté et en clarté.