Amphetamines de The Black Watch
Coup de coeur !
Sortie : 1994
Produit par Chris Apthorp et Scott Campbell
Label : Zero Hour
Coup de coeur !
Sortie : 1994
Produit par Chris Apthorp et Scott Campbell
Label : Zero Hour
Cet
album possède un charme très personnel qui lui est totalement propre.
Probablement à cause de l’usage fréquent de violons celtes, cette musique se
distingue et évolue dans des sphères gracieuses et folkloriques. A moins que ça
ne soit l’apport de la voix délicieuse de J’Anna Jacoby, celle qui tient le
violon et qui couvre d’apparat la moindre chanson par ses tremolos divins. La
combinaison des deux chants – masculin avec John Andrew Fredrick, féminin avec
J’Anna Jacoby – sublime instantanément la qualité de l’écriture. Le duo en
profite alors pour souffler le chaud et le froid.
A
un titre innocent, enlevé et tourbillonnant, succède alors un autre, plus lent,
plus reposé et plus triste. On ne résiste pas devant la tendresse et
l’engouement positif de « Whatever you need » ou « Just get away ». Les
guitares résonnent, peuvent parfois être saturées, et les voix se font
adorables, coulantes, sucrées. Un entrain qui repose par l’utilisation de
guitares sèches et électriques, comme le rappelle John Andrew Fredrick : «
Notre son est vraiment basé sur une mise
en avant double. Je ne comprends pas pourquoi certains groupes n’utilisent
qu’une seule guitare. Le son de deux guitares sur deux pistes différentes,
jammant ensemble, quelle tempête ! Bien-sûr, on essaye d’écrire de belles
chansons, toujours entrainantes, toujours mélodiques »[i]. Ainsi
« Wirl » fait rêver, on y retrouve une beauté virginale qui élimine toute trace
d’abattement et d’abjection. Surprenant de constater que parfois, le ton peut
se faire savoureusement plus alangui et teinté d’une coloration plus accablée.
Plus lent, plus calme, plus solennel aussi, avec cette doublette de voix qui
semble venir du ciel, ces nappes dégoulinantes de violons, « Letter »
désarçonne de part sa tristesse assommante. Délaissant, pour mieux le rependre,
le côté insouciant et ingénu que le groupe peut avoir, The Black Watch fonce
dans le minimalisme pour de longues plaintes. Une litanie soutenue par un solo
de guitare déchirant comme sur « Tulip », avant de troquer la lenteur pour une
fin haletante toutes guitares dehors. John Andrew Fredrick revendique ce mur du
son : « Mon groupe favori, à
part les Beatles, c’est My Bloody Valentine. Je les ai vus jouer au Club
Lingerie en 1989 devant dix personnes. Cinq d’entre eux sont mes amis
dorénavant ! J’ai une vaste collection de groupes qui ont influencé par eux »[ii].Et conclure ainsi l’album
par un mur du son vertigineux sur « Just last night », guitares sèches, saturées
et violons, qui accélèrent, accélèrent sans jamais s’arrêter.
A
ce titre, Amphetamines est le genre de chef-d'œuvre auquel on ne veut pas
croire parce que ce serait trop facile de tomber dans le piège de ces albums
pop à la beauté racée et travaillée, et pourtant le choc émotionnel ressenti
dès la première seconde est fort. Le noir et violent « Come Inside » sidère
d’entrée de jeu pour un impact traumatisant. Basse très en avant et guitares
tranchantes comme un fil, ce morceau se fait acéré, évoquant la cold-wave des
années 80, pour se lancer dans une démonstration impressionnante de
superpositions instrumentales. Le chant de John Andrew Friedrich se fait grave,
neutre, parfois rugissant, avant d’être contrebalancé à merveille par celui
pernicieux et délicieux de J’Anna Jacoby, qui illumine alors le refrain. Le
morceau suivant, rempli de distorsions ininterrompues et biscornues (qu’on doit
à Brad Laner, ami du groupe), change d’ambiance et l’emmène vers des couleurs
plus chaleureuses. Ce morceau est un vrai concentré de bonheur, d’une grâce
époustouflante, du fait du chant inouï de J’Anna Jacoby, des envolées de
guitares de Brad Laner ou du tourbillon de violons qui vient se mêler à la
danse. C’est toute notre âme qui est réchauffée par l’élégance de cette
mélodie.
Mais
The Black Watch savent bien refroidir l’atmosphère, la rendre plus tranquille
et proposer une poésie plus triste, pour une beauté incomparable, céleste. Une
ambivalence qui est la signature du groupe. On la confondrait volontiers aux
signes d’une féérie entr’aperçue.
Comment
ne pas craquer définitivement pour le rêveur « Kill », enchanteur et
mélancolique à la fois ? Ou alors se damner pour « King of Good Intentions »,
sa nonchalance de branleur, son rythme coulant, ses roulements de batterie
militaire, ses notes tapées sur le manche du violon au compte-goutte, sa
litanie profonde, froide comme la pierre et entêtante, ses ouvertures
lumineuses, ses cavalcades à coup d’archets ? Tout simplement incomparable. Un
titre original qui marque pour la vie entière.
[i] Interview de John Andrew Fredrick sur The blog that
celebrate itself, 17 juillet 2016, [en ligne] http://theblogthatcelebratesitself.blogspot.fr/2016/07/highs-lows-with-black-watch-interview.html
[ii] Interview de John Andrew Fredrick sur When the sun
hits, 26 juin 2012, [en ligne]
http://whenthesunhitsblog.blogspot.fr/2012/06/interview-john-andrew-fredrick-of-black.html
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