17 mars 2012

The Black Watch : Amphetamines



Amphetamines de The Black Watch

Coup de coeur !

Sortie : 1994
Produit par Chris Apthorp et Scott Campbell
Label : Zero Hour


Cet album possède un charme très personnel qui lui est totalement propre. Probablement à cause de l’usage fréquent de violons celtes, cette musique se distingue et évolue dans des sphères gracieuses et folkloriques. A moins que ça ne soit l’apport de la voix délicieuse de J’Anna Jacoby, celle qui tient le violon et qui couvre d’apparat la moindre chanson par ses tremolos divins. La combinaison des deux chants – masculin avec John Andrew Fredrick, féminin avec J’Anna Jacoby – sublime instantanément la qualité de l’écriture. Le duo en profite alors pour souffler le chaud et le froid.
A un titre innocent, enlevé et tourbillonnant, succède alors un autre, plus lent, plus reposé et plus triste. On ne résiste pas devant la tendresse et l’engouement positif de « Whatever you need » ou « Just get away ». Les guitares résonnent, peuvent parfois être saturées, et les voix se font adorables, coulantes, sucrées. Un entrain qui repose par l’utilisation de guitares sèches et électriques, comme le rappelle John Andrew Fredrick : « Notre son est vraiment basé sur une mise en avant double. Je ne comprends pas pourquoi certains groupes n’utilisent qu’une seule guitare. Le son de deux guitares sur deux pistes différentes, jammant ensemble, quelle tempête ! Bien-sûr, on essaye d’écrire de belles chansons, toujours entrainantes, toujours mélodiques »[i]. Ainsi « Wirl » fait rêver, on y retrouve une beauté virginale qui élimine toute trace d’abattement et d’abjection. Surprenant de constater que parfois, le ton peut se faire savoureusement plus alangui et teinté d’une coloration plus accablée. Plus lent, plus calme, plus solennel aussi, avec cette doublette de voix qui semble venir du ciel, ces nappes dégoulinantes de violons, « Letter » désarçonne de part sa tristesse assommante. Délaissant, pour mieux le rependre, le côté insouciant et ingénu que le groupe peut avoir, The Black Watch fonce dans le minimalisme pour de longues plaintes. Une litanie soutenue par un solo de guitare déchirant comme sur « Tulip », avant de troquer la lenteur pour une fin haletante toutes guitares dehors. John Andrew Fredrick revendique ce mur du son : « Mon groupe favori, à part les Beatles, c’est My Bloody Valentine. Je les ai vus jouer au Club Lingerie en 1989 devant dix personnes. Cinq d’entre eux sont mes amis dorénavant ! J’ai une vaste collection de groupes qui ont influencé par eux »[ii].Et conclure ainsi l’album par un mur du son vertigineux sur « Just last night », guitares sèches, saturées et violons, qui accélèrent, accélèrent sans jamais s’arrêter.
A ce titre, Amphetamines est le genre de chef-d'œuvre auquel on ne veut pas croire parce que ce serait trop facile de tomber dans le piège de ces albums pop à la beauté racée et travaillée, et pourtant le choc émotionnel ressenti dès la première seconde est fort. Le noir et violent « Come Inside » sidère d’entrée de jeu pour un impact traumatisant. Basse très en avant et guitares tranchantes comme un fil, ce morceau se fait acéré, évoquant la cold-wave des années 80, pour se lancer dans une démonstration impressionnante de superpositions instrumentales. Le chant de John Andrew Friedrich se fait grave, neutre, parfois rugissant, avant d’être contrebalancé à merveille par celui pernicieux et délicieux de J’Anna Jacoby, qui illumine alors le refrain. Le morceau suivant, rempli de distorsions ininterrompues et biscornues (qu’on doit à Brad Laner, ami du groupe), change d’ambiance et l’emmène vers des couleurs plus chaleureuses. Ce morceau est un vrai concentré de bonheur, d’une grâce époustouflante, du fait du chant inouï de J’Anna Jacoby, des envolées de guitares de Brad Laner ou du tourbillon de violons qui vient se mêler à la danse. C’est toute notre âme qui est réchauffée par l’élégance de cette mélodie.
Mais The Black Watch savent bien refroidir l’atmosphère, la rendre plus tranquille et proposer une poésie plus triste, pour une beauté incomparable, céleste. Une ambivalence qui est la signature du groupe. On la confondrait volontiers aux signes d’une féérie entr’aperçue.
Comment ne pas craquer définitivement pour le rêveur « Kill », enchanteur et mélancolique à la fois ? Ou alors se damner pour « King of Good Intentions », sa nonchalance de branleur, son rythme coulant, ses roulements de batterie militaire, ses notes tapées sur le manche du violon au compte-goutte, sa litanie profonde, froide comme la pierre et entêtante, ses ouvertures lumineuses, ses cavalcades à coup d’archets ? Tout simplement incomparable. Un titre original qui marque pour la vie entière.



[i] Interview de John Andrew Fredrick sur The blog that celebrate itself, 17 juillet 2016, [en ligne] http://theblogthatcelebratesitself.blogspot.fr/2016/07/highs-lows-with-black-watch-interview.html
[ii] Interview de John Andrew Fredrick sur When the sun hits, 26 juin 2012, [en ligne] http://whenthesunhitsblog.blogspot.fr/2012/06/interview-john-andrew-fredrick-of-black.html

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