25 février 2012

Shogún : Disconegro


Disconegro de Shogún 

Date : 1997
Production : Cristían Heyne
Label : Background

C’est avec une approche expérimentale que Christían Heyne aborde la musique : titres noirs, rêches, un peu metal, en tout cas qui se moquent de la bienséance. Il a tout enregistré seul à la maison et a joué tous les instruments, comptant sur quelques amis pour faire les samples. Les guitares sont là et bien là, elles le font savoir, en jouant sur la crispation, la lourdeur, le bourdonnement. Les saturations évoquent parfois les travaux de Curve, de My Bloody Valentine ou de Nine Inch Nails. Et pardessus, un accent langoureux (« Hiperespacio Infernal » et son orgue).
Les hachures constantes de « Jugo de Peña » transforment une mélodie évidente en déflagration rageuse et moqueuse. Le rythme totalement artificiel y est une vraie surprise. Tout est passé à la moulinette. « Cielito Angel » ou « Dejame » est un concentré de violences indus, qui rappelle les agressions de Ministry ou Nine Inch Nails. Le martial « Flies » est un exercice saturé, parsemé de riffs de plomb, d’incantations et de déflagrations affolées. Spécial et terrifiant. Porté par les aboiements incroyables et les cris éructés, « Stupid Way », bizarre et cathartique, a un côté presque malsain.
Au milieu de cette froideur, Cristián Heyne va pourtant parfois inclure un sens inouï de la sensualité. Il suffit de l’entendre susurrer, cajoler, caresser par sa voix douce, sur un morceau influencé par la soul ou le disco (« Disco Baby ») ou sur un autre proche de l’ambient et le jazz latin (« Tus ojos son dos planetas, mi amor »). C’est ce sens de la féérie qui lui permet d’inclure une guitare sèche sur « Te Necessito » et d’en faire une jolie ballade. Et malgré les grésillements et la lenteur, la voix aigüe, presque féminine, sur « Altar » reste chaude et rêveuse.
Lorsque Christián Heyne souffle en même temps le chaud et le froid, on obtient alors d’étranges morceaux à l’avant-garde du shoegaze. Avec sa basse et ses guitares magiques, sur fond de rythme artificiel, « Tango » a des petits airs de Curve. « Arobolina » ou « Corazón no me abandones » conjuguent moiteur et poésie, en invitant des vocalises féminines discrètes mais gracieuses. Porté par un clavier magique, une voix plaintive et suave, une guitare adorable, « Llorar mirando hacia el sol » est une plainte onirique splendide, délestée de la pesanteur des riffs. Et puis enfin, il y a le confondant « Reza for me » qui ressemble à ce qu’aurait pu faire Kevin Shields s’il avait été dans le milieu du doom metal !
Clairement un album à part, violent et sexy, dont l’écoute ne laisse pas indifférent.

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