12 août 2010

The Boo Radleys : Giant Steps


Giant Steps de The Boo Radleys

Indispensable !

Sortie : 1993
Produit par The Boo Radleys
Label : Creation


Avec Giant Steps, Martin Carr apporte sans doute la réponse la plus cinglante à tous ses détracteurs.
Critiqué, répudié pour être un mouvement sectaire, jusqu’auboutiste, le shoegaze était replié sur lui-même. Le leader des Boo Radleys fit la démonstration par A + B que ce style n’était pas qu’un simple empilement de guitares. Le fruit d’un an de travail acharné en studio permet de prouver au passage que la saturation n’est pas un facteur limitant à la soif de nouveautés ou de mariages incongrus.

Ce qui étonne d'emblée, c'est le ton résolumment positif que l'on retrouve dans beaucoup de chansons. Pour du shoegaze, cela peut être étonnant, le genre étant souvent cantonné dans une pesanteur hermétique. Ici, Martin Carr, qui a quasiment écrit l'album à lui tout seul, a permi à ses titres de gagner en chaleur, en bonne humeur et en légereté. Un certain côté aérien et savoureux se dégagent de "Wish I was kinny" (ou ont été convié les membres de Moose au grand complet), "If I want it take it" ou "Barney (and me)", qui auraient pu être de véritables tubes en puissance, malgré leur saturation.

Mais Giant Steps c'est bien plus que cela : c'est un trésor, une source inépuisable d'émerveillement, une parfaite réussite où harmonies vocales, électricité et trouvailles pop s'assemblent superbement, avec un sens de l'invention inouï. Depuis combien de temps n'avait pas entendu de tels enchantements à l'image de "Best loose the fear" ou le single "Lazarus" (Margaret Fiedler de Moonshake participe à la chanson) ? Il n'est pas encore arrivé le groupe qui égalera ne serait-ce que le dixième de la magie de ces morceaux.

On n’avait jamais entendu de pareils arrangements associés à des saturations sans fins. Personne n’avait jamais osé. Ce troisième opus se révèle surprenant, luxueux, cosmopolite et bigarré. Enrobées par des saturations omniprésentes et intrusions décalées d’arrangements de guitares acoustiques, de claviers, de flûtes, de trompettes, de cors et autres bruits samplés, les chansons chavirent entre vague tranquille et tempête excentrique. "Take the time around" en est un parfait exemple. Ballotté au grès des eaux, on perd repère et on plonge alors beaucoup plus volontiers dans ce kaléidoscope fascinant. Immédiatement enchanteur et pourtant incroyablement riche, Giant Steps est un rendez-vous psychédélique immanquable. Tentez l'expérience vous-même : réécoutez l'album de manière répétée et vous y découvrirez toujours quelque chose de nouveau.

Arriver à conjuguer ainsi mur du son et exigence dans le rendu, le tout pour servir des chansons de très grande qualité, est un pari sur lequel beaucoup n’aurait pas misé une livre auparavant. Mais les Boo Radleys précisent ici qu’on peut très bien s’amuser avec le shoegazing et jongler avec les humeurs. Chaque chanson regorge de trouvailles, que ce soit les saxos de "Butterfly Mc Queen", le rythme dub de "Upon 9th and fairchild" ou reggae de "Lazarus", les bandes passées à l'envers sur "Spun Around", l'intro tecknoïde de "Rodney King" (avec Muriel Barham en guest voice), ou encore l'orchestre symphonique suivi de façon incongrue par l'ambiance lounge sur "I've lost the reason". La voix de Sice se fait tantôt caressante, tantôt elle est trafiquée et mixée. Dans tous les cas, elle sert idéalement le caractère léger des morceaux. Toujours saturées, mais jamais bruitistes, ces derniers sont tout aussi ouatés qu'ils sont acidulés. The Boo Radleys signe alors là une vraie référence psychédélique, les rapprochant de leurs glorieux ainés des sixties (et on comprend mieux pourquoi Martin Carr était si fan du groupe californien Love).

En 1993, lorsque l'album fut sorti, la presse tomba des nues, et devant pareille beauté, pareil sens de l'arrangement, pareilles mélodies pop, il fut élu "album de l'année", ce qui vaut tous les commentaires. Ce titre est suffisament équivoque pour en rajouter.

1 commentaire:

  1. Magnifique chronique à l'analyse ultra pertinente pour un album qui l'est tout autant. "Giant Steps" est un véritable chef d'œuvre du shoegaze. Un chef d'œuvre tout court.
    Beaucoup de mag', dans les Best Of fin d'année, l'ont très bien classé. Comme les lecteurs des Inrocks en n°1 (toujours de bons goûts) mais la rédaction a préféré le "Liberation" de Divine Comedy (bon disque de pop de chambre).
    Je pense qu'il mériterait le terme de Mythique au lieu d'indispensable (détail et question de point de vue me diras-tu) !
    C'est clair que "Giant Steps" et "Kingsize" sont des disques de shoegaze plus "pop", plus accessibles et moins hermétiques que le shoegaze de My Bloody Valentine, Ride ou Slowdive.
    D'ailleurs, en parlant de Ride, j'ai beaucoup écouté "Nowhere" ces derniers temps. Et à chaque fois c'est la même claque, la même sensation (rare) de redécouverte d'un disque pourtant ultra écouté!

    A + et au plaisir de t'accueillir chez moi !!!

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