9 février 2010

Teenage Filmstars : Lift Off Mit Der Teenage Filmstars



Lift Off Mit Der Teenage Filmstars aka Star

Sortie : 1992
Produit par Ed Ball
Label : Creation

OK, soyons clair, tout le monde connaît Kevin Shield mais personne ne connaît Ed Ball. Pourtant ce dernier est considéré par Kevin Shield lui-même comme une « sensibilité venue d’une autre planète ».
On le voit à la pochette de l’album, Ed Ball pratique résolument une musique psychédélique. En fait, il va même plus loin, il transforme des guitares en matière psychédélique, en substance hallucinogène, en cristaux d’amphet saturées et électriques à forte dose. A l’époque, la drogue à la mode, c’est l’ecstasy, et cet album est un hommage entier à l’ecstasy. Complètement euphorique et bizarroïde, l’ambiance délurée concilie mur du son distordu et dérapage constant, le tout pour une production volontairement déficiente : comment gérer tant de dingues dans le même studio ?
De toutes manières, d’emblée, on en prend plein la gueule avec un riff passé au fer rouge, sur l’étonnant « Kiss Me », couvert de saturations, de fuzz et de réverb en boucle, riff qui, il faut le dire, est absolument génial, répétant sans cesse le même motif accrocheur comme une vague. « Loving » est basé sur les rythmes africains, avant d’y additionner de manière jouissive des guitares tranchantes et acérés, ainsi que des samples de chants langoureux, mystérieux et sexy. On dirait un mélange parfait entre My Bloody Valentine et Primal Scream. On retrouve du reste cet esprit lancinant sur « Inner Space », morceau ambient, sorte de vague étendue et flottante, gribouillis d’une réalité qui a peine à se dessiner. « Apple » est un véritable sommet, gorgé d’effet écho, de distorsions perdues, d’accords à la guitare sèche, de fantômes de voix qu’on distingue à peine, pour une contemplation éperdue des effets psychotropes. « Flashes » reprend un sample rythmique de Loveless avant de se lancer dans une vague baggy et dansante, parsemée de chants arabisant et tangentiels. « Kaleidoscope » est un broyage de guitares, de rythme indus, de voix, le tout dans un esprit lo-fi.
Le groupe enchaîne quelques accords à la guitare, enregistrés et passés en boucle,s avant de bousiller tout ça et d'y inclure une boite à rythme bidon sur lequel une voix trafiquée vient fredonner quelques paroles hallucinées, le tout passé sous un mixer. On assiste à une révélation d'un maelström à couper le souffle, saturations, loops, fuzz, distorsions et samples. Il n'y a rien de vraiment cohérent dans tout ça. Ce sont juste des moments de délires ou de grâce qui sont collés bout à bout, sans logique, pour créer un album complètement rapiécé. Un assemblage de distorsions à la sauvage, où les couches fusionnent les unes aux autres, parfois se chevauchent, dérapent, quittent leur ligne mélodique pour se porter vers le défouloir expérimental. Avec des ajouts qui n'ont rien à voir mais qui vont emmener l’album au fur et à mesure vers des passages abscons et répétitifs, « Vibrations » par exemple, qui se réitère à l’infini jusqu’à provoquer l’hypnose, ou encore le dur « Soulful », basé sur le bruit du vent, quelques touches cosmiques ainsi que des extraits d’enregistrement, pendant près de huit minutes assez spéciales. L’album s’étire au détriment de sa capacité à captiver et perd peut-être de son souffle. Pour finir, derrière les distorsions assourdissantes de « Moon », on va trouver un clavier complètement kitch, une orgue digne des hippies sixties absolument génial
En fait, là où My Bloody Valentine voulait aboutir à quelque chose de parfait, d’esthétique et de carré, Ed Ball veut tout foutre en l’air, mettre un bordel sans nom et toujours opter pour la déviance. Heureusement le label Creation (Alan Mc Gee était un grand ami de Ed Ball) laisse une totale liberté d’action. Il faut prendre cet album comme un témoignage, un hommage, un vestige d’une époque aujourd’hui révolue, qui souhaitait refaire la révolution, revivre éternellement le Summer of Love, se gargariser de trips sonores.

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