29 août 2009

Bethany Curve : Skies a crossed sky



Skies a crossed sky de Bethany Curve

Sortie : 1996
Produit par Bethany Curve
Label : Unit Circle Rekkids

Bethany Curve a été un des premiers groupes à emmener le shoegaze vers des territoires beaucoup plus frugaux et orienté vers l'avant-gardisme contemplatif. C'est cet album qui a servi de point de départ à cette nouvelle vague shoegaze / space-rock. Des sonorités froides, alanguies, étirées, comme références cyniques à la deuxième moitié des années 90, une époque où le shoegaze ne voulait plus rien dire, au point qu'on croyait le mouvement disparu. Avec Bethany Curve, la féerie proposée est nuancée, plus aussi avenante qu'auparavant, probablement même plus exigeante avec l'auditeur.
D’ailleurs le ton est tout de suite posé dès l’ouverture, avec les huit minutes extraordinnaires de « Vanish », sommet de vices intuitifs et subliminaux. L’intro est longue, imposant un univers irréel, avant qu’un rythme carré, imposant, proche de la cold-wave, ne cadenasse l’imagination pour l’enfermer dans un cauchemar peu rassurant. L’entrée des voix suaves, soufflées mais quelque peu dépourvues d’émotions, a de quoi mettre mal à l’aise. Jusqu’à ce qu’elles se doublent, avec Richard Millang et Ray Lake qui se répondent, et que l’intensité augmente.
Cet album invite certes à l'évasion mais c'est avec frisson qu'on se plonge dans cet univers glacé. La basse cinglante du gothique « Rest in motion », les roulements de caisse martiaux, évoquant des tirs de mitraillettes de « Spacirelei », les distorsions expérimentales et industrielles de « Terpishore », l’intro fantasmagorique de « Follow from swallow » qu’on dirait extrait d’un album des Cocteau Twins, ou encore la violence inouïe de « Sandblaster », noyé sous les saturations, tout ceci concoure à instaurer une langueur et une paresse déshumanisée.

Parcouru de passages instrumentaux (avec cloches d'église, bruits blanc et distorsions), l'album est long en bouche, comme si les auteurs  avaient oublié le soleil de Californie. Ici, ne règnent que la batterie insensible, les chants mornes et monacaux, les guitares lointaines et surtout cette basse inconsolable (superbes "Serene and smiling" ou "Brighter Still"). La lenteur sert à dépeindre la vacuité des choses. Comme si le refuge artificiel n'était au final qu'une boucle sans fin.
C'est sans doute cela le plus frappant chez Bethany Curve : l'absence de lueur. Le final « Almost Perception » aurait pu être un véritable tube de par son allant, son riff génial, optimiste presque, ses guitares furibondes, s’il ne se concluait pas sur un tonnerre de saturation et un défouloir instrumental dérapant complètement. C'était sans compter qu'avec ces esprits-là torturé, il n'y a pas de réjouissance, hormis celle de baisser les bras et s'abandonner.

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