7 janvier 2008

Les Autres : Le Retour à la Lune


Le Retour à la Lune de Les Autres

Sortie : 1994
Produit par Les Autres
Label : Les Oranges Molles
/ Cornflake Zoo

Cet album est marqué par un certain spleen.
Un abattement pesant qui met du plomb dans tous les morceaux.
Même le titre d’ouverture (« Chapels Bay »), ballade à la guitare sèche, présente l’empreinte de la tristesse avec sa mélodie effilochée et sa voix douce mais affligée.
Quand bien même les guitares s’énerveraient (l’excellent « Outside My Ken » et son refrain nerveux), le chant d'Olivier reste toujours modéré et monocorde. Les guitares (celles de Jimmy et Olivier) sont bien souvent lourdes, parfois se font très lentes, pour glisser vers une torpeur où juste quelques éclairs surviennent, voire quelques slides. La basse de Morgan est présente, rappelant constamment la gravité de l’ambiance instaurée. Jamais le chant ne dépasse d’un ton, restant toujours en deçà d’un seuil dont le franchissement indiquerait une émotivité engagée, ce qui n’est pas le cas pour ces rennais. A quoi bon revendiquer quoi que ce soit lorsqu’on sait que la bataille est perdue d’avance ?
Les Autres ne font que dresser un constat. Un constat d’échec, certes, mais un constat. Basse sourde, tempo martelant et guitares saturée, pour un style très proche finalement de Codeine ou des débuts d’Idaho, à l’instar de « Phoney Smile ». Et pourtant le chant demeure léger et caressant, typique du shoegaze, alors qu’autour de lui le monde s’effondre sur ses bases, inexorablement, en tempête saturée ou en déferlement sourd. A peine a-t-on le temps de respirer et de constater les dégâts au cours de suspensions tragiques, agrémentées de quelques arpèges, que celles-ci sont recouvertes par un mur du son gluant (« Bus Stop » ou « Letter boxes’ symmetry »). Chaque mélodie, douce et lente, qui pourrait prendre de l’ampleur et virer dans les hautes sphères dans une autre vie, se voit rappeler à l’ordre. Tirée vers le bas, ralentie comme si elle était mazoutée, elle dérive vers une poésie morne (« Hoppy »). Voire même un état propice à la somnolence.
Le Retour à la Lune n’est pas une lamentation. Le son est beaucoup trop lourd et à aucun moment ne se complait dans les regrets. Mais cette attitude en retrait ne représente en aucun engagement non plus. Juste un abandon.
L’aveu que trop de choses nous dépassent et que même si on est capable de générer de la violence, de l’injustice ou des inégalités, on n’y peut rien non plus car la nature est ainsi faite. Il ne reste donc plus qu’à se protéger, se calfeutrer, se lover dans un détachement. Une sorte de violence et de rage dont on connaît que trop bien l’inutilité. Pourquoi finalement s’égosiller la voix pour passer au dessus des saturations alors que l’on sait très bien qu’il n’est pas la peine d’en rajouter ? Le chant peut rester doux, plus proche du véritable ressenti des auteurs, plus proche de leur état d’esprit, plutôt que se travestir à plagier un message revendicateur. Pour atteindre une grâce sans pareille, comme sur « Who Knows », où la voix angélique de Valérie (de l’éphémère groupe rennais In Sense, mais dont la plupart des membres ont fondé ensuite Mils) fait des merveilles, et où apparaît discrètement une petite flûte.
Les Autres ne cherchent à convaincre personne. Juste à partager un état d’âme.

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