10 juin 2007

Medicine : Shot Forth Self Living


Shot Forth Self Living de Medicine

Indispensable !

Sortie : 1992
Produit par Brad Laner
Label : Creation Records


Pour un premier album, Brad Laner, celui qu’on compare volontiers pour son attrait de la production à Kevin Shield, mais en plus bourrin, réussit un coup de maître.
Froid, industriel, transcendantal, pointu, Short Forth Self Living dégage une atmosphère particulièrement saisissante : sans doute à cause de ces mêmes accords, de ces mêmes nuages de sons, qui se répètent et qui plonge l’auditeur dans une hypnose.
L’ouverture est grandiose, culte au possible : une longue phase de reverbs et de distos se prolonge sur « One more », avant que ces distos se mettent soudain à se mouvoir et se contorsionner pour former des mélodies comme par magie. Le rythme reste lui imperturbable, soutenant de manière inflexible la voix lointaine et légère de Brad : la transe commence, surtout lorsque les crissements prennent fin, et que le chant de Beth vient se joindre à cette envolée.
On a l'impression tenace que Medicine en jouant, froisse du papier de verre, fait crisser des pointes sur l'acier, torsade du barbelé tant le groupe manipule les instruments sous la torture jusqu'à en faire sortir des sons incroyables. L’intro de « Aruca » est à ce titre, particulièrement confondante : impossible de savoir où le groupe va nous mener, et c’est presque une étonnante surprise que de découvrir une plaisante chanson pop après ces accords massacrés. Rien ne sera lisse et transparent sur cet album. Ce qui intéresse Medicine, c’est la chirurgie. Découper, utiliser des scalpels, des scies électriques et voir si le corps de la pop est toujours vivant malgré les coups de ciseaux.
De ce vacarme de bloc opératoire, Brad Laner et les siens en feront le support idéal pour ses premières expériences, pop-songs ultra mélodieuses, rêveuses et somptueuses. L’adorable « Defective » emballe d’entrée par sa structure en ritournelle passée au vortex. Quant à « Short Happy Life », sa lenteur, sa gravité, le chant de Beth, son aspect majestueux en font une œuvre immense, sérieuse et fascinante. Une tendance à vouloir planer se ressent de bout en bout. C’est enivrant, charmeur, bizarroïde parfois, mais jamais ennuyeux. On arrive même à se laisser happer par ces délicieuses rengaines enfantines, susurrées sous une noyade de riffs réitérés à satiété (« Miss Drugstore »). De cette clameur artificielle équivalente à des fritures sur les bandes d’enregistrement, la formation californienne en fera un pur moment langoureux.
Paru en 1992 sur le label Creation, ce premier opus est considéré à juste titre comme une référence en matière de noisy-pop. Avec ses nappes de phasing et ses loopings sonores condensés, ces chansons exceptionnelles se détachent du lot, sans oublier d'être fascinantes. Tout l’opus est construit (ou déconstruit plutôt) selon des enchevêtrements complexes de distorsions, qui malgré tout forment des bâtiments métalliques d’une redoutable beauté. On y décèle beaucoup d’orientalisme, ce désir d’accéder à la transe par la danse et la libération de l’esprit, cette idée qu’il faut passer par la douleur pour atteindre le nirvana, ainsi qu’une fascination pour les machines, les robots, les sons synthétiques, à même de créer des boucles, qui reviennent sur elles-mêmes et créent alors un effet psychédélique novateur.
Les neuf minutes de « Christmas Song » achèvent l’étreinte onirique en prolongeant les émotions vers un lent décollage, direction des volutes quasi-mystiques.
Car c’est bien connu, un des moyens pour faire planer est de créer un court-circuit neuronique et d'agir sur les fusibles du cerveau. Par ses vertus euphorisantes et ses bourdonnements continuels, la musique unique de Medicine y arrive très bien.

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