11 mai 2013

Pale Saints : In Ribbons


In Ribbons de Pale Saints

Indispensable !

Sortie : 1992
Produit par Hugh Jones
Label : 4AD

Réussissant à enfin concilier assurance et désir de quelques coups de folie, ce deuxième album est parfaitement maîtrisé, un sommet du mouvement shoegaze, pourtant décalé et déstabilisant. Intégrant les larsens et autres réverbérations de manière parsemée, multipliant les coupures de rythme destinées à perdre l'auditeur dans ce dédale musical, saturant, par un mur du son très travaillé, l'espace nécessaire à la distinction, In Ribbons est là pour couper tout contact avec la réflexion, habituel parasite à l'évasion.
Les petits hoquet de Ian Masters sur "Throwing Back the Apple" ou bien les caisses de batterie martelées sur "Ordeal", tandis que les guitares saturées s'amusent à tisser une toile dans laquelle on ne peut que s'engluer, nous rappelle à quel point on peut se perdre facilement dans la contemplation de ces morceaux admirablement construits, d'une douceur incomparable, proche du rêve à l'état pur, tout en gardant un décalage suffisant pour être novateur.
Bien souvent on atteint des états de grâce, de magie cristalline, comme sur "Thread of light", "Featherframe" ou "Shell" et ses violons larmoyant. Le tourbillon de plaisir qui nous saisit à l'écoute de ces morceaux, chauds, puissant et savoureux comme du caramel, piquant parfois ("Babymaker"), ne contient aucune baisse de régime, mais accélère son pouvoir centrifuge d'attraction, au fur et à mesure de l'écoulement de l'album. Il ne subsiste que cette impression de vertige, renforcée par des brouillages, des voix lointaines et suaves, et des guitares tremblotantes comme des chants de baleine dans la brume (le déstabilisant "Hair Shoes"). Ici, la simplicité rejoint la pureté. Pas de surenchère, pas de maniérisme, juste des boucles mélodiques qui s'étirent à l'infini.
Le chant de Ian Masters (auquel peut s'ajouter celui de Meriel Barham, transfuge de Lush) rêveur, aspiré, éthéré et d'une beauté sans équivalent, sème le doute: dénué de tout affect, hormis pour sa simple expression, il semble si irréel que l'on voyage dans des royaumes inconnus et merveilleux. Cela ressemble à une voix d'ange (‘’Hunted’’) ou plutôt à celle d'un fantôme (‘’Shell’’) : c'est-à-dire décharné et réduit à sa propre essence. Tout réside alors dans son association avec les guitares saturées, quasi-transcendantales, ainsi qu’avec une batterie ébouriffante.
C'est que cette musique possède quelque chose en plus, que les autres non pas, une envie inexpliquée de vouloir toujours partir sur d'autres sentiers, de ne jamais se cantonner à une seule mélodie par chanson, ou un seul climat, incluant des passages d'une douceur extrême à des moments presque brûlants, à grand coup de guitares noisy et électriques. Et les atmosphères plus calmes atteignent souvent des sommets de captation, toujours tendus, sur le fil, toujours déviant. Les slides plaintifs de "Neverending night" serrent la gorge, et malgré une basse cajoleuse, on ne cessera jamais d'avoir la sensation d'être trop petit pour contenir toutes les émotions qui vont nous envahir à l'écoute de ce morceau déchirant et d'une beauté langoureuse à couper le souffle. Et lorsqu'on achève l'écoute sur ces légères notes flottantes, on se croirait face à un mirage sonore. On se dit que l'on ne reviendra jamais d'un tel moment où l'on côtoie une telle féerie, et pourtant à chaque fois une couche en plus d'instruments vient se superposer à l'ensemble ("A thousand stars burst open") jusqu'à créer une connexion entre cette musique et notre corps.

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