30 mai 2007

Medicine : Her Highness


Her Highness de Medicine

Coup de coeur !
Sortie : 1995Produit par Brad Liner
Label : American Records

De la plus profonde mélancolie peut jaillir une incroyable beauté. Cet album, atteint par le spleen et l’auto-apitoiement, dégage pourtant une sorte de chaleur flegmatique, qui touche et émeut toute personne un tant soit peu sensible. 
Dès « All Good Thing », on perçoit que le climat se fait grave, un peu désabusé et contemplatif. Après un bouillonnement robotisé et des distorsions sous une basse profonde, découle le chant altier de Beth Thompson, passionnée et apprêtée comme jamais, déversant une langueur de la plus grande majesté, sublimé par ces distorsions en arrière. Rarement on aura réussi à marier une telle rigueur dans le son, écrabouillé, mixé, tordu jusqu’à être biscornu, et une telle pudeur dans les émotions. Comme une éponge du mal être de ces auteurs, ce dernier album avant la séparation du groupe ralenti clairement le tempo et se fait plus langoureux. Les faiblesses se font jour derrière cette surcharge sonore, au travers des textes encore plus désabusés, voire défaitistes, d’une grande finesse, et au travers des chants soufflés n’hésitant pas à jouer de la langueur. Bien que marqué par ces interruptions sauvages qui concassent tout, « I feel nothing at all », sa rythmique de caisses lourdes et ses échos répétées à tendance arabisantes, fait état d’un détachement splendide, les deux voix, de Beth Thompson et de Brad Laner se complètent harmoniquement, dans la douceur et la légèreté, s’élevant dans le sublime à coup d’incantations.    
Avec une tonalité plus lisse et un rendu soigné, la formation californienne se fait davantage entendre et rend accessible toute sa sensibilité, marquée, névrosée et rêveuse. « Father Down » semble faire état d’un apaisement détaché, gorgé d’un chant caressant, auquel on s’identifie immédiatement, tandis que les guitares tissent des riffs indépendamment, avant que le ton ne se crispe, que l’angoisse sourde repointe le bout de son nez et que la chanson ne se termine dans un maelstrom tendu. Ces rythmiques étranges et ces saturations apparaissent pourtant comme des évidences. On est envouté par ces mélodies douces-amères, véritables délices. Le son de Medicine est maîtrisé à la perfection, contenu, dompté, ce qui aboutit à une grande lisibilité. Une fois les guitares abaissées d’un ton, c’est une mirifique beauté triste qui se met à nu, parfois dans la plus grande pudeur, comme en témoigne « Seen the light alone », poignant de tristesse, où Brad Laner livre une complainte déchirante, accompagné d’une seule guitare sèche, de sa voix légère tremblotante et de violons. 
Il a fallu attendre que le shoegaze soit passé de mode pour que Medicine se livre véritablement. Sur l’étonnant et adorable « Candy Candy », l'atmosphère prend même l'apparence d'une petite chanson pop gentillette, mais au tempo laconique et dont les guitares se déchirent dans le lointain comme si elles gémissaient, entre séduction onirique et comptine planante, au cours de laquelle le chant angélique de Beth Thompson paraît sans cesse être sur le fil. Le groupe dévoile qu’il est en proie au doute, d’une grande fragilité mais aussi d’un sens de la poésie unique et sincère. Cette gravitée solennelle mélangée à ce vent de fraîcheur au niveau des guitares et de leur traitement est un ravissement esthétique (le sublime « Wash me out »). Les sensations seront symptomatiques : cœur qui s’étreint, tête qui tourne devant l’émerveillement, chair de poule. Medicine est au sommet, au même moment qu’il est prêt à décliner. Malgré la lourdeur oppressante, le festival martial de saturations, rythmiques maintenues avec aplomb, distorsions et violons, on perçoit dans « Aarhus » une prise de hauteur surprenante, sublimée par ce duo de voix féminine / masculine, ambigüe dans la féérie. Medicine, avec un calme admirable, dresse un état des lieux massacré mais d’un charme indéniable.
Avec le transcendantal « Heads », le groupe donne sa conclusion : synthétique, tribal, méditatif, très long, invariable, dont on entend à peine les chants sans paroles mais soufflée comme s’ils venaient d’un autre monde, achevé par une déferlante de saturations et l’irruption d’une distorsion enivrante reprise mille fois, on sent bien ici que les membres ne sont plus vraiment là. Reste à leur place le pouvoir suggestif de leurs guitares… 

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