28 avril 2007

Moose : Honey Bee


Honey Bee de Moose

Indispensable !

Sortie : 1993
Produit par Lincoln Fong

Label : Play It Again Sam

Quitte à s’inventer un monde, quitte à s’éloigner des modes, quitte à perdre, autant le faire avec panache. Moose abandonne complètement les saturations, bonjour les guitares sèches, c’est quelques raies de soleil qui viennent réchauffer les plaies encore ouvertes de ces musiciens si meurtris. Cet album ne bénéficie pas des mêmes moyens de production que les précédents, pourtant le groupe n’a jamais aussi bien joué. On les sent libérés et assumant à plein leur mélancolie pour la rendre si anachronique et si touchante.
On trouve de tout sur cet album complètement maniéré : de la folie, une envie de sortir hors des sentiers battus, de la douceur, de la nonchalance, une certaine forme de magnificence, et surtout un talent incroyable. Beaucoup plus vivant que le précédent, on se laisse emporter par ces délicates bourrasques comme sur le single « I wanted to see you to see if I wanted you », son rythme dansant, sa guitare sèche et ses violons, ou par ces nappes magiques qui recouvrent « Around the warm bend ». Le chant est pourtant toujours aussi mielleux, tout dans le souffle et la préciosité. Les chœurs suaves dialoguent et glissent sur les accords.
De bout en bout de ce deuxième album, on a souvent l'impression d'être hors du temps. Les mélodies, nombreuses, superbes et raffinées, sonnent comme si elles sortaient d'un monde nouveau, onirique et irréel. Un monde où tout serait permis, où le merveilleux aurait sa place et où le rêve serait affaire quotidienne. Les guitares sèches et les percussions ultra-rapides sur « Uptown Invisible » dénotent complètement avec l’extrême délicatesse du chant, une flûte fait une délicate intervention sur la ballade « Mondo Came », gagné progressivement par le spleen, sur le festival « Meringue », ce sont des tambourins, une basse en avant ou un xylophone sur l’étourdissant ; ailleurs c'est violon et piano, comme sur le lent et triste « Joe Courtney ». Les arrangements sont autant discrets que splendides. Ça fourmille d'idées et d'inventions. 
Chez Moose, la musique est un refuge, un havre féerique où il est bon d'y fuir. Une odyssée sous forme de mini-ballet musical. La voix grave, reposée et éthérée de Russel Yates nous enchante tout du long et apporte la légèreté nécessaire à un transport aérien. Ce n'est pas une sensation qui nous submerge mais bien plusieurs. On est autant gagné par une sensation d’apesanteur que par une tristesse infinie qui serre le cœur. Les petits slides qui descendent la gamme, en mode mineur, les petites caresses, la petite flûte sur « You don’t listen » hypnotise, avant que l’introduction ne s’ouvre sur une deuxième partie éclatante de beauté, avec guitares spatiales, guitare sèche, et un chant berçant, doublé de chœur féminin, avant d’oser même un entrain plus souriant de temps à autres, mais d’insister bien-sûr sur une extrême délicatesse.
C’est troublant car un peu couleur sépia, désuet pour l’époque, mais c’est tellement subtil, qu’on se prend à adhérer complètement à cette finesse d’orfèvre. Russell Yates est si détaché, Kevin McKillop n’a jamais été si proche de la pop-song parfaite et les frères Song, à la section rythmique, jouent avec un appoint. C’en est presque un déchirement car on sait à tel point, ce genre d’album, c’est se suicider commercialement, mais c’est aussi la gage d’offrir ne serait-ce qu’une fois une pop délicate et guindée, qu’il faut la conserver et la choyer.
 Et puis il y a l’indépassable « Dress You The Same », son sifflement, sa basse, sa guitare lunaire, ses slides ésotériques, sa voix affrétée, qui renverse tout et laisse place à une volupté splendide. C'est carrément une montée au ciel qu'on effectue. « Hold On » conclut l'album comme un atterrissage en douceur, mais on se demande bien si on a les pieds sur terre à nouveau. Et on se dit que Moose a signé là une musique absolument unique, totalement libre, pour l’éternité.

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