9 mars 2013

Shapeshifter : Plectrum EP

Plectrum EP de Shapeshifter

Date : 1994
Producteur : Shapeshifter
Label : Prospective

Il s’est passé quelque chose d’assez étonnant à Minneapolis durant les années 90. Alors que les Etats-Unis presque tout entier se ruaient dans le post-grunge en espérant qu’émergerait un nouveau Saint Cobain, une minuscule scène s’est développée au sein de la Cité Jumelle, comme on surnomme la ville et sa voisine Saint-Paul, qui préférait, elle, se positionner dans le shoegaze. L’expliquer est compliqué, mais on sait que c’est avant tout une histoire d’amitié indéfectible entre des étudiantes et étudiants de l’Université de Saint-Paul, qui s’est poursuivi jusque dans les formations de groupes, les échanges de membres, les influences et les concerts dans les petites salles des deux villes. Peut-être également parce que le label local, Prospective Records, mené par John Kass, préférait depuis des années valoriser des formations psychédéliques et garage plutôt que des similis Pavement ou Nirvana, comme c’était l’usage lorsqu’on souhaitait amasser de l’argent facile.

Par conséquence, de nombreuses formations, fans des importations anglaises de chez Creation, ont trouvé là un formidable terrain d’expression. Les radicaux Colfax Abbey, les virevoltants Hovercraft, les poppy Deep Shag, les psychédéliques Overblue, les éthérés February, un jour faudra-t-il se rappeler leur rôle dans le shoegaze des deux villes. Au sein de cette scène, Shapeshifter est peut-être le groupe le plus extrême. Ils se déclaraient amoureux de Ride et Pale Saints, tout comme des groupes de Amphetamine Reptile, label spécialisé dans le hardcore noise. Réputé pour ses concerts intenses, noirs et ardents, la formation (dont les membres se connaissent depuis le lycée) allait jusqu’au bout de ses idées. Entre les nappes de saturations de Paul Horn et le jeu fracassant à la batterie (libre et avant-gardiste) de Terry Haanen, la voix habitée et doucereuse du charismatique Jason Ducklinsky fait de « Plectrum » un superbe morceau hypnotisant, surtout lorsque le rythme survolté se suspend parfois et permet des passages transcendantaux de pure nuisance sonore.
Bien-sûr cette façon de faire ne pouvait être qu’un marchepied vers l’expérimental, chaque membre s’en allant soit vers le drone, soit vers l’electro, emportant avec eux la magie insouciante de cette scène shoegaze trop méconnue. 

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