Sinking Slowly EP de Coaltar of the Deepers
Sortie : 1992
Produit par Coaltar of the Deepers
Label : Stomly Records
Il y a ce côté frappé chez Narasaki, le leader de Coaltar of the Deepers, qui évoque tant la culture japonaise, jeune, dynamique, décalé et avide de vitesse et de sensation. Véritable manga cybernétique et tourbillonnant à lui tout seul, Narasaki joue des effets et des saturations, le tout pour des riffs surpuissant et entraînant. Alpagué par ses soli qui partent dans tous les sens, l’auditeur est secoué, baldingué, ballotté, d’autant plus que le rythme à la batterie est mené tambour battant, ça n’arrête jamais !
« My Speedy Sarah » est un exemple de cette déferlante à sensation, dont émergent des voix douces et noyées, et des « yououou » en arrière-fond, qui se coulent parfaitement aux changements de rythmes perturbant, entre le hyper-rapide et le méga-rapide. Morceau vif, incisif et vivifiant.
Ce qui fait toute la beauté de cet EP, le meilleur de Coalstar of the Deepers, et de loin, c’est que ces gesticulations électriques en mettent tellement plein la vue qu’elles en deviennent intemporelles. Il n’y a plus d’époque : non seulement, on n’entend que ces types de riffs saturées et joués pied au plancher, comme sur « Deepers are scheming » (qui se termine après tant de boucan sur un passage étonnamment tranquille évoquant la bossa nova comme la rumba), que en ce début des années 90, mais dès lors, ils passent à la postérité en ne devenant plus que des éclats d’énergie juvénile et rebelle. Ce n’est pas le son de la guitare, complètement saturé et recouvrant les chants qui témoigne ici du style de Coaltar of the Deepers mais l’incroyable force déployée pour les jouer. En somme, la définition ultime du rock n’roll.
Pour ceux qui veulent savoir un exemple de définition ultime du rock n’roll, ils peuvent se référer au percutant « When you were mine », reprise de leur premier single, en version plus ébouriffante encore, rythme supra-luminique, guitare sèche dont on se demande comment elle fait pour suivre, chant pris par-dessus la jambe, dans un anglais plus qu’approximatif, avec un break d’anthologie, qui ne fait que renforcer plus encore la puissance des distorsions. Le mélange entre mur du son et soli mélodiques est une pure audace, que seul Narasaki pouvait se permettre avec son effronterie légendaire.
On s’en rend mieux compte avec l’extraordinaire (et il n’y pas d’autre mot) « Sinking Slowly », dernier morceau de cet EP, confondant et hypnotique. Dix interminables minutes, démarrant sur des bruits de vagues et se terminant sur des bruits de vagues, uniquement composées de saturations, qui s’effacent ou se renforcent selon l’humeur, des sortes de vagues qui reviennent, de vocalises angéliques délivrées par des fantômes, d’un chant à la fois laconique et langoureux, d’un rythme tranquille, posé et constant, d’un passage contemplatif où on a l’impression de nager, et d’une succession de miracles de majesté, notamment lors du refrain scandé dans un japonais magique. Les saturations deviennent alors des sommets de puissances et d’étendues, qui mettent un temps infini à s’effacer petit à petit, même lorsqu’une guitare sèche prend leur place un court instant. Une vraie mélopée sublime dont une partie de nous ne revient jamais…
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