Stompin' thru the boneyard de The Cakekitchen
Sortie : 1994
Produit par Graeme Jefferies
Label : Merge
Sortie : 1994
Produit par Graeme Jefferies
Label : Merge
Pour celui-ci, Graeme
Jefferies est en France et il est accompagné du batteur Jean-Yves Douet. Pour
le reste, il s’occupe de tout : chant, guitare, violons, clavier etc. Car
Graeme est un homme torturé, avant tout seul dans sa tête et sa musique s’en
ressent.
Entraînante et tonitruante,
s’offrant pour la première fois des saturations hérités du shoegaze (qui a
clairement servi de nouvelle source d’inspiration), elle laisse tourbillonner
des mélodies entêtantes et des bourdonnements de guitares mais il y a derrière
elle, on le sent, on le devine, un spleen à peine dévoilé.
Conservant une structure
d'un premier abord énergique et bien ancrée dans l'action (le punk « Mr
Adrian’s lost in his panic attack » ou l’élégant « Bad bodied
girl » au refrain fastueux) le groupe sème pourtant quelques touches qui
plombent l'ambiance, comme ça, l'air de rien. En fait on a le droit à neuf
plaintes qui ressemblent plus ou moins à des formats de rock accrocheur. Les
parties de guitares, ce son saturé, ne sont le signe que d'un état d'esprit
quelque peu désabusé. Un cynisme s'insinue malicieusement, que ce soit au cours
d'énergiques brûlots (« Even as you sleep ») où le jeu à la guitare
sèche se trouve interrompu brutalement et sans transition par des éclairs
bruyant, au cours de quelques prolongements de saturations qui glissent tout du
long, ou que ce soit pendant ces accroches, ces aspérités, cette frustration
que l’on entend dans « This questionnaire », morceau post-punk,
proche de ce que pouvait faire The Fall.
Le rythme rapide et
rudimentaire, très années 80, les riffs entrainants à la guitare, la saturation
de « Tell me why you lie » (certainement le morceau le plus
emblématique de The Cakekitchen) prend l’apparence d’un tube fédérateur, s’il
n’y avait pas la voix splendide de Graeme Jefferies : grave, profonde,
chaleureuse mais suave et veloutée. Et quand bien même le refrain, magnifique
et éclatant, finit par survenir, ce n'est que pour rajouter une dose
supplémentaire à l’indolence qui imprègne l’album. Au lieu de forcer sa voix,
Graeme Jefferies étire ses vocalises et en rajoute dans la suavité soufflée.
Mature, racé, le rock de
The Cakekitchen impose d'entrée et sans détour une façon captivante de consumer
la poudre. Pourtant il s'agit d'autre chose: ce n'est pas la fougue de la
jeunesse qui parle mais un certain abattement, qui teint en gris toutes les
compositions. Et une certaine grâce jaillit des moments plus calmes et des
ballades névralgiques, aux mélodies plombées et somptueuses, comme sur « Hole
in my shoes », sorte de blues crasseux ou de morceaux sadcore pesant, ou
sur le magnifique « Harriet Row », lent, martial, à la batterie
chargée, aux saturations croulantes et à la voix douce.
On aurait dû deviner, et on
s'en veut d'avoir été pris au piège, qu'en réalité, le groupe new-yorkais est
parasité par une tristesse, qui va diffuser comme un venin. Mais c’est ce
sentiment qui va également sublimer les morceaux, comme ceux du Velvet
Underground dont Graeme est un fan absolu. Ainsi « Another Sad
Story » (qui ne pouvait pas mieux porter son nom) se retrouve être un
titre shoegaze poignant, un crève-cœur adorable qu’on chérit pour longtemps, de
par ses saturations qui couvrent une guitare acoustique et une voix un peu
éplorée, un vrai moment de chagrin poétique partagé.
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