25 novembre 2007

The Cakekitchen : Stompin' thru the boneyard


Stompin' thru the boneyard de The Cakekitchen
Sortie : 1994
Produit par Graeme Jefferies
Label : Merge


Pour celui-ci, Graeme Jefferies est en France et il est accompagné du batteur Jean-Yves Douet. Pour le reste, il s’occupe de tout : chant, guitare, violons, clavier etc. Car Graeme est un homme torturé, avant tout seul dans sa tête et sa musique s’en ressent.
Entraînante et tonitruante, s’offrant pour la première fois des saturations hérités du shoegaze (qui a clairement servi de nouvelle source d’inspiration), elle laisse tourbillonner des mélodies entêtantes et des bourdonnements de guitares mais il y a derrière elle, on le sent, on le devine, un spleen à peine dévoilé.
Conservant une structure d'un premier abord énergique et bien ancrée dans l'action (le punk « Mr Adrian’s lost in his panic attack » ou l’élégant « Bad bodied girl » au refrain fastueux) le groupe sème pourtant quelques touches qui plombent l'ambiance, comme ça, l'air de rien. En fait on a le droit à neuf plaintes qui ressemblent plus ou moins à des formats de rock accrocheur. Les parties de guitares, ce son saturé, ne sont le signe que d'un état d'esprit quelque peu désabusé. Un cynisme s'insinue malicieusement, que ce soit au cours d'énergiques brûlots (« Even as you sleep ») où le jeu à la guitare sèche se trouve interrompu brutalement et sans transition par des éclairs bruyant, au cours de quelques prolongements de saturations qui glissent tout du long, ou que ce soit pendant ces accroches, ces aspérités, cette frustration que l’on entend dans « This questionnaire », morceau post-punk, proche de ce que pouvait faire The Fall.
Le rythme rapide et rudimentaire, très années 80, les riffs entrainants à la guitare, la saturation de « Tell me why you lie » (certainement le morceau le plus emblématique de The Cakekitchen) prend l’apparence d’un tube fédérateur, s’il n’y avait pas la voix splendide de Graeme Jefferies : grave, profonde, chaleureuse mais suave et veloutée. Et quand bien même le refrain, magnifique et éclatant, finit par survenir, ce n'est que pour rajouter une dose supplémentaire à l’indolence qui imprègne l’album. Au lieu de forcer sa voix, Graeme Jefferies étire ses vocalises et en rajoute dans la suavité soufflée.
Mature, racé, le rock de The Cakekitchen impose d'entrée et sans détour une façon captivante de consumer la poudre. Pourtant il s'agit d'autre chose: ce n'est pas la fougue de la jeunesse qui parle mais un certain abattement, qui teint en gris toutes les compositions. Et une certaine grâce jaillit des moments plus calmes et des ballades névralgiques, aux mélodies plombées et somptueuses, comme sur « Hole in my shoes », sorte de blues crasseux ou de morceaux sadcore pesant, ou sur le magnifique « Harriet Row », lent, martial, à la batterie chargée, aux saturations croulantes et à la voix douce.  

On aurait dû deviner, et on s'en veut d'avoir été pris au piège, qu'en réalité, le groupe new-yorkais est parasité par une tristesse, qui va diffuser comme un venin. Mais c’est ce sentiment qui va également sublimer les morceaux, comme ceux du Velvet Underground dont Graeme est un fan absolu. Ainsi « Another Sad Story » (qui ne pouvait pas mieux porter son nom) se retrouve être un titre shoegaze poignant, un crève-cœur adorable qu’on chérit pour longtemps, de par ses saturations qui couvrent une guitare acoustique et une voix un peu éplorée, un vrai moment de chagrin poétique partagé. 

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