
Adorable
C'est à Coventry
que se forme Adorable en 1991, groupe qui rassemble en son sein Piotr
Fijalkowski (voix, guitare), Robert Dillam (guitare), Stephen ‘Wil’ Williams
(basse), et Kevin Gritton (batterie). A force d’interviews gonflés et de
certaines déclarations provoquantes, Adorable passe pour arrogant, et aussitôt
les journalistes les associent à Suede ou Verve, ce qui leur convient tout à
fait, Piotr faisant de vains efforts pour se détacher de la scène shoegaze qui
semblait s’essouffler. Sauf que les guitares bien trop bruyantes les trahissent. Le
guitariste Robert Dilian le reconnait : « A l’époque, on n’a pas été vraiment étiqueté shoegaze car le pic était
en 1991 et déjà en 1992, ce n’était plus à la mode. Mais je suis content d’être
vu aujourd’hui comme musicien shoegaze parce que c’est une musique que j’aime,
même si Adorable ne s’est pas formé pour être shoegaze. Le son shoegaze a des
éléments spécifiques et on n’en partage que quelques-uns. Je suis content que
les gens écoutent encore la musique qu’a faite Adorable, et si les gens
accèdent à nous par l’intermédiaire de Creation, Ride, Slowdive, Telescopes,
alors ça me va. »[i]
Hélas, le groupe ne sera jamais considéré correctement par leur label, les
enfonçant encore plus. Dès le départ d’ailleurs, avec leur première rencontre
avec Alan McGee dans un pub au centre de Coventry en janvier 1992, les rapports
marquent de la défiance. Piotr raconte : « Après deux pintes de bières, l’ambiance commence à devenir plutôt
chaude lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait lâché My Bloody Valentine.
McGee a comparé sa relation avec My Bloody Valentine à celle d’un couple, mais
il n’a pas pu avouer en face de Kevin Shield qu’il ne resterait plus au sein de
Creation. J’ai fait promettre à Alan McGee que le jour où il virera Adorable du
label, il aura au moins les couilles de nous le dire en face. »[ii] A
croire qu’il avait deviné que l’esprit de Creation Records était en train de
s’évaporer peu à peu…
Pourtant tout
démarre bien : « Les débuts
étaient pourtant prometteurs, avec notre « Sunshine Smile » qui a été
élu single of the week par le NME, beaucoup de diffusions sur Radio 1, numéro 1
des charts indé, et plusieurs semaines dans le top 100 des ventes nationales.
Mais si on avait eu une boule de cristal, on aurait pu voir que c’était en fait
notre paroxysme et qu’on ne fera que descendre par la suite. »[iii]
Leur premier album sorti en 1993 sur Creation, Against Perfection, est un vrai bijou. Les morceaux sont d’une
incroyable puissance, joués à un rythme alternant passages chaloupés et
explosions ahurissantes. Il fait figure d’essentiel dans toute discographie
idéale.
Ceci dit les gens ne s’en apercevront même pas. « On avait l’impression d’avoir fait avec
Against Perfection un album assez bon
pour qu’on puisse en être fier mais apparemment ce n’était pas suffisant. La
presse anglaise était au mieux indifférente. On n’a plus eu aucune interview au
NME ou Melody Maker depuis notre premier single. »[iv] Les dirigeants de Creation n’adhèrent pas
suffisamment, se contentant de ne scruter que les chiffres de vente, et ne font
pas grand-chose pour promouvoir le groupe, notamment aux Etats-Unis. Le groupe
tente de se relancer désespérément avec un deuxième album dans la foulée. Un
flop : « Ce qu’on avait à
faire, c’est écrire un album qui attrape tout le monde par le col, les entraine
dans une ruelle sombre et leur file une sacrée raclée, une baffe qui marque
pendant des jours. Au lieu de ça, on a fait « Fake »… »[v] Un opus plutôt moyen, où on
ne retrouve plus la fougue des débuts, mais des chansons davantage calculées,
aux mélodies lissées et aux accents revanchards. Pete commente : « « Fake » est un album fragile,
borné et paranoïaque, reflétant l’esprit de quatre garçons qui pensaient que le
monde entier était contre eux. »[vi]
Pour les patrons de Creation, ce sera évidemment l’album de trop et
l’inévitable va finir par se produire, ils seront jetés dehors comme des
malpropres, pendant que les groupes de Brit-Pop, auxquels ils cherchaient à se
rapprocher, vont rafler la mise à leur place. Piotr Fijalkowski se lamente :
« peut-être
qu’on a existé à la mauvaise époque : environ deux ou trois années en arrière
et on aurait été affilié à The House of Love, trois ans plus tard et on aurait
été aux basques de la Brit-Pop » [vii]. Mauvais timing
[i]
Interview de Robert Dilian par Estella Rosa, sur Step On Magazine, 5 juin 2015,
[en ligne]
http://steponmagazine.com/our-favourite-fallen-idols-we-talk-to-adorables-pete-fij-and-robert-dillam/
[ii]
Biographie d’Adorable par Pete Fijalkowski lui-même, sur Creation Records,
janvier 2001, [en ligne] http://www.creation-records.com/interviews/adorable/
[iii]
Idem
[iv]
Idem
[v]
Idem
[vi]
Idem
[vii]
Interview
de Piotr Fijalkowski par Creation Records, Adorable, [en ligne]
http://www.creation-records.com/interviews/adorable/
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