20 février 2018

Giradioses : Dormitorio

Dormitorio de Giradioses

Date : 1995
Production : Daniel Melero
Label : Nahuelito

Derrière ce flot de guitares, toujours finement travaillé, se cache une propension au laconisme. Pas de façon éclatante, ni même reconnue, mais plutôt de manière latente, embryonnaire, traces que l’on devine dans cette façon de céder sous les saturations. Giradioses se laisse aller à la torpeur et autorise les déclins, les humeurs, les mollesses.
Drapée de majesté, refusant de s’opposer à un mur du son qui s’abat sur elle, la musique de la formation argentine, peut parfois glisser vers une description de l’abandon (le rêveur « Combo » et les doux murmures d’Agustina Elicabe, candide et troublant), un état contemplatif extrême qui renverse les rapports de force et donne de l’espace aux sens.
Une atmosphère timidement spatiale se déploie alors lentement, à coup de distorsions (l’ambitieuse douceur de « Parapente »), de chants abattus, mais incroyablement doux (le superbe « Agujeros »), de larsens plaintifs (« Tierra Skinhead »). Ils ne prennent pas le pouvoir, ils n’en ont pas l’ambition, ils se contentent de s’exposer outrageusement comme des lambeaux abîmés de tendresse, d’anciens espoirs évanouis ou de mélancolie. Rien ne s’élève, ne se rebelle, mais le tout compose un ensemble délicieux de climats indolents et gracieux, souvent très étrange et en décalage.
Appliqué dans son étalage, le groupe prend bien soin de composer des chansons au sein desquelles les auteurs eux-mêmes semblent s’oublier. Les montées en puissance (le majestueux et intense « Domingo Ginzu », qui évoque Secret Shine et Slowdive, ou l’extraordinaire tour de force que représente « Divide y reinaras ») prennent une résonance tout autre. Giradioses détourne la suavité de ses compositions pour dresser un parcours alambiqué, sublimant le caractère évanescent qui imprègne le groupe. Et l’intellect devient alors objet de grâce, comme sur le très beau et très lent « Su jardín », où les voix d’Agustina et de Roger dialoguent doucement sous les nappes de saturations.
Faisant dans l’instrumentation impalpable (beaucoup de claviers, une batterie livrée à la retenue), l’album glisse souvent vers la déliquescence, pour se complaire dans la torpeur céleste, parsemée d’une rythmique ambient tout juste discrète, comme sur les incroyables dix minutes de « Corazón » ou les nombreux passages ambient. Réflexion, soulagement face à l’abandon, misère matérielle, aspiration étouffée, ce rassemblement emmène la contemplation vers un état où la paresse devient fascinante.

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